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À partir d’avant-hierImpro-Bretagne

Le métissage en impro est un sport de combat


L’idée de cet article est née d’un coup de gueule, né lui-même de l’observation d'une situation. Je m’en souviens très bien, ça s’est passé lors des Assises Nationales de l’Improvisation Théâtrale, le vendredi 3 novembre 2017 aux alentours de 12H. Nous étions un certain nombre de participant.e.s à assister à l’atelier de réflexion autour de l’impro et le social, animé par Hervé Charton, au demeurant très intéressant. Au milieu de nos récits sur la réussite et la richesse de nos expériences de la pratique de l’impro auprès des publics aux différentes origines sociales, culturelles, et autres champs de misères, j’ai observé que, dans l’assistance, j’étais le rare fruit du «nous » qui vantait tant les mérites de la diversité en improvisation théâtrale. Alors, j’ai pris la parole et, poussé par cette onde de colère et de frustration, j’ai posé la question suivante à l’assistance : « Pourquoi il n’y a quasiment que des Blancs à ces Assises ? Pourquoi ça n’est pas plus métissé dans l’assistance ? Pourquoi ce rendez-vous, censé représenter l’improvisation théâtrale dans toute sa diversité, n’attire pas plus que ça les Noirs, Arabes, Asiatiques, etc. ? » Pardonnez-moi si vous trouvez que mes mots sont crus, mais ils ont le mérite d’appeler un chat un chat. Elle était où, en ce matin du 3 novembre 2017, la France « Black Blanc Beur » de l’improvisation théâtrale, pour reprendre l’expression post-Coupe du Monde de football 1998, qui avait suscité tant d’espoirs illusoires ? C’est dans cette salle, à deux pas de la plus grande Cathédrale de France, au milieu de mes nouveaux.elles ami.e.s d’impro et de ceux.celles de toujours, c’est là que moi, le Trappiste binational, j’ai eu cette révélation. Quand j’ai posé cette question, j’avais la certitude que mon constat n’avait rien de hasardeux. Je ne suis pas sociologue, je suis conscient de mes limites dans une analyse de la question qui se voudrait exhaustive, mais je sais que tout cela ne doit rien au hasard. Oui, je crois que nous tous et toutes présent.e.s avons ressenti le manque de diversité dans cet échantillon d’improvisateurs.trices. Alors, il fallait passer aux mots, l’exprimer, l’écrire et, devant tout le monde, j’ai demandé à mon vieux copain d’impro blanc Laurent Mazé s’il voulait bien être mon « nègre » pour l’écrire, cet article. On a ri tous et toutes ensemble pour ne pas pleurer, et Laurent a répondu « Oui, évidemment ». Par conséquent, les mots que vous lisez sont ceux de mon « nègre », mais la réflexion qui se déploie est la mienne. Voilà, ça, c’est dit et écrit, et merci Laurent.


Attention, cet article ne se veut pas polémique, il ne veut pointer du doigt personne, cela serait injuste et contre-productif. Il se veut simplement une alarme, une incitation à se questionner ensemble, alors que l’improvisation théâtrale est encore tout en bas de l’échelle de la reconnaissance « institutionnelle » des disciplines artistiques en France. La question est la suivante : est-ce que dans 50 ans, le trombinoscope de la Comédie Française de l’Improvisation Théâtrale, si tant est que ce truc existe un jour, ressemblera trait pour trait au trombinoscope tout blanc, ou presque, de La Comédie Française, la vraie, celle-là ? Je pose la question en des termes un peu radicaux, mais avouez qu’elle a le mérite de se poser pour une discipline artistique dont les valeurs centrales sont souvent proclamées comme étant celles du partage, de la rencontre et de la diversité.


Pour être tout à fait honnête, ma réflexion sur la question du métissage dans le monde de l’impro s’est déclenchée lors d’un évènement particulier, il y a quelques années. Ce devait être il y a 5 ans ou 6 ans (pardonnez-moi ma mémoire un peu approximative sur la date) et cet événement s’était déroulé au Bataclan. A l’époque, j’avais été contacté par la LIFI pour participer, en tant que comédien improvisateur, à un match d’impro pour la Francophonie. On m’avait invité pour représenter l’Afrique, la Tunisie plus précisément, puisque j’ai la double nationalité franco-tunisienne. J’ai été honoré de l’invitation, que j’ai acceptée avec joie. J’étais fier de représenter la Tunisie (post-révolution tunisienne, qui plus est) dans une patinoire au Bataclan, au milieu de joueurs et joueuses de renom du monde de la Francophonie (France, Québec, Belgique, Suisse, etc…). La soirée fut très belle, la LIFI avait très bien fait les choses. Et puis après l’événement, je me suis demandé : pourquoi moi ? Je ne faisais pas partie des joueurs qu’on appelait ordinairement pour les grands matches. On m’avait plus appelé pour ma double-nationalité et mon histoire personnelle que pour mes pures qualités intrinsèques de comédien.


De fil en aiguille, j’ai commencé à regarder sur internet les trombinoscopes des troupes professionnelles parisiennes, puis en France. Plus tard, j’ai scruté les pages présentant les comédiens et comédiennes qui étaient passé.e.s par l’Improvidence à Lyon, le premier théâtre en France entièrement dédié à l’improvisation théâtrale. Et mon constat fut sans appel : très peu de métissage, des trombinoscopes plutôt blancs. Naturellement ce constat m’a conduit à l’interrogation suivante : pourquoi un tel décalage de représentation entre des pratiques tournées vers les quartiers populaires et les enfants de la République Métissée (je mets volontairement des majuscules) et une sous-représentation chronique de ce métissage dans les structures professionnelles ou amateures, les grands festivals d’impro, que ce soit en tant qu’intervenant.e.s ou stagiaires ? Que se passe-t-il ? Quelles sont les raisons de ce décrochage ? Est-ce simplement un retard, dû à des raisons historiques, qui se comble progressivement ? Ou y a-t-il comme un plafond de verre contre lequel se cogne la République Métissée de l’Impro ? Le football français, si on devait faire une comparaison, propulse jusqu’au plus haut niveau toute une génération d’enfants de la diversité, significative en nombre et en représentation. Pourquoi l’impro n’en fait pas autant, à son niveau, et dans sa « hiérarchie » ?

Je n’ai pas la prétention d’apporter des réponses toutes faites ou d’être exhaustif dans l’analyse. Mais j’ai quelques pistes de réflexion à proposer. Sur le papier, tout porte à croire que l’impro est un outil puissant pour abattre les barrières des différences, qu’elles soient culturelles, ethniques, sociales, etc…et c’est en partie vrai. Comme le dit si bien Papy (NDLR : Alain Degois, co-fondateur avec Jibé Chauvin de Déclic Théâtre à Trappes), qui m’a pris sous son aile il y a 25 ans et m’a fait grandir et m’émanciper au sein de Déclic Théâtre, on s’appuie sur nos points communs pour construire et jouer en impro (et ailleurs !), et non pas sur nos différences. On crée une véritable culture commune, qui est le socle, et que tu enrichis avec tes différences culturelles. Dans un spectacle d’impro généraliste, tu n’es pas a priori casté pour jouer un Blanc, un Noir, un Arabe, un Asiatique, comme cela peut être le cas au cinéma, par exemple. Et pourtant, des barrières subsistent quant à la représentation de la diversité en impro.


Je reviens un instant sur l’histoire et l’action de Déclic Théâtre depuis sa création. A Trappes, l’improvisation théâtrale est une véritable culture locale. Depuis près de 30 ans, tous les collèges de Trappes font de l’impro. Des fratries y sont passées, des parents qui ont fait de l’impro avec Papy ont maintenant leurs enfants qui en en font avec moi. L’impro à Trappes, c’est une culture locale solidement implantée, qui échappe complètement à la culture CSP+ qui sévit ordinairement dans les ligues ou troupes des grandes villes, ou des catégories sociales plus élevées et très majoritairement blanches sont largement représentées. Déclic Théâtre n’est pas la seule structure à mener ce combat, loin de là (les structures qui participent au Trophée Culture et Diversité, pour ne citer que cet exemple, participent aussi à ce mouvement). Mais il n’y a pas suffisamment de relais dans ces quartiers populaires et métissés.


A Trappes, on essaie avec Déclic Théâtre de faire exploser les barrières ethniques et culturelles. C’est ma hantise de faire de « l’entrenous ». Pour moi, il est hors de question d’avoir les mêmes équipes juniors que celles des années 90. Nous ne sommes pas ou plus le porte-étendard des Arabes et des  Noirs de l’impro, pour parler vulgairement. Si vous venez chercher l’exotisme en impro chez nous, passez votre chemin. Nous ne sommes pas des noix de coco. Nous sommes l’impro métissée telle que la France est aujourd’hui, métissée, s’il faut marteler ce mot.  Nous avons construit à coups de débrouilles un château que François Hollande, alors Président de la République, est venu visiter. Nous ne sommes pas dupes, nous savons que nous avons été en partie instrumentalisés, même si ça partait d’un bon sentiment, mais lui a eu au moins le courage de venir voir. C’était le premier à le faire. Nous savons que nous pouvons vite tomber dans la case « Les Noirs et les Arabes font de l’impro et pas de l’art », mais il ne tient qu’à nous de faire mentir ces clichés dans notre pratique de l’impro.


Le documentaire « Liberté, Egalité, Improvisez » a fait grand bruit et a eu un grand impact dynamique et positif, du point de vue de la reconnaissance de notre discipline artistique, dans le monde de l’impro. Mais je pense qu’il n’aborde pas le bon angle, ou de façon trop déformée, quand  Jamel Debbouze est mis autant en avant. Cela a un effet presque contre-productif. Ce que cela peut provoquer, et je le dénonce, c’est que les jeunes issu.e.s de la diversité soient mis dans la case « impro pour devenir des stars », alors que Déclic Théâtre et d’autres structures mènent un travail de fond pour que ces jeunes deviennent simplement comédiens et comédiennes professionnel.le.s et existent véritablement dans ce milieu en dehors de toute étiquette « génération Issa Doumbia /Jamel Debbouze ». Autant j’ai beaucoup de respect et d’estime pour ces personnes et leurs carrières, autant je pense qu’il faut qu’on sorte définitivement de ces représentations si on veut que l’impro soit véritablement un outil d’émancipation et d’éducation populaire de masse. Car pour l’instant, ces jeunes-là, quand ils et elles ne rentrent pas dans cette case rare, font face à un véritable plafond de verre. Une fois sorti.e.s des projets spécialement dédiés à la « diversité », ils sont peu ou pas du tout intégré.e.s à des compagnies pro, ils et elles ne construisent pas leur compagnie pro, ils et elles disparaissent largement du paysage pro. Je voudrais qu’on sorte de cette impression persistante : celle qu’il y a 2 impros, étanches entre elles, à savoir l’impro CSP+, partout répandue sur le même modèle et la même sociologie dans les grandes villes, et l’impro « diversité » style Trappes (ou ailleurs). Certes un championnat de match d’impro comme celui de la LIDY dans les Yvelines, par exemple, a été et reste un beau creuset, mais il faut que le métissage soit partout, qu’il soit déterritorialisé autant que possible.


Les « solutions », si tant est que ce soit le mot soit approprié, existent et sont en chacun de nous. L’idée n’est pas de faire de la discrimination positive pour la « diversité » dans nos castings de spectacle, ça n’aurait aucun sens, quoi de pire que la discrimination pour lutter contre celle-ci. Mais en tant qu’artistes improvisateurs et improvisatrices, directeurs et directrices de compagnies, si nous avons entres autres l’ambition de représenter notre société telle qu’elle est, dans sa diversité, alors nous devons quand même nous interroger sur nos castings de spectacles, malgré tout, au-delà de nos accointances artistiques. Avoir cette interrogation en tête, ne pas faire comme si ça allait de soi, c’est déjà faire avancer cette cause. Les structures professionnelles, associatives, etc, ont aussi une véritable responsabilité, une mission, celle de toujours plus s’ouvrir à la société, dans sa diversité sociale et culturelle, en direction de publics éloignés du « mainstream » CSP+ de l’impro.


Oui, on peut le dire sans crainte, pour reprendre en partie la célèbre formule de Bourdieu : le métissage en impro est un sport de combat.


Par Nour El Yakinn Louiz

(mis en forme par Laurent Mazé)



L'impro en trois livres pour cet été.

Enfin ! Après des années de traversée du désert où seuls les livres de C.Tournier venaient épancher notre soif de comprendre, apprendre, conceptualiser l’improvisation théâtrale, enfin chacun peut comme il le souhaite cultiver son oasis. Avec l’écrit sur le match de J.B Chauvin, l’analyse universitaire de l’empreinte du travail d’Alain Knapp par H.Charton, il y avait déjà ces derniers temps un vent de renouveau mais cette période estivale nous apporte carrément un bain de jouvence. Trois livres, riches d’expériences et de réflexions, trois livres lequel choisir ? Pourquoi choisir ? J’ai lu les trois, les trois sont indispensables voici pourquoi :

“Yes But...”
d’Omar Galvan - Traduit par Yann Berriet

Qui contrairement à ce qu’il pourrait laisser supposer n’est pas un petit livre mais un véritable pavé. Si vous commencez l’improvisation le contenu risque guère de vous intéresser, Omar y livre sa réflexion d’improvisateur professionnel, une réflexion honnête d’un comédien, qui une fois qu’il a maîtrisé la plupart des formes improvisées se demande comment atteindre un véritable niveau de discipline artistique ? Argh ! Oui, l’improvisation ne serait pas à la hauteur “artistiquement” tellement noyée dans des “concept” de spectacles, ornementée de punch line pédagogique et emballée dans du beau discours marketing. L’impro aujourd’hui ne serait même que le Karaoké de l’impro. Un pavé donc qui propose peu de solutions toutes faites mais de belles pistes en filigrane pour les artistes exigeants qui tiennent absolument à présenter de l’impro sur scène, là où d’autres ont choisi le terme : écriture sur plateau.
Où se procurer l’ouvrage : directement auprès de Yann Berriet

Improvisation théâtrale, la fabuleuse science de l’imprévu.
De Nabla Leviste

Ce livre fût pour moi le compagnon d’un voyage d’une journée entière. En y replongeant régulièrement au fil de cette journée, j’ai eu la sensation de savoir de mieux en mieux improviser tant les chemins que nous empruntons d’ordinaire pour jouer y sont finement analysés. Nabla se positionne dès le début comme une sorte de majordome, un Alfred Penny, il nous fait faire le tour de la propriété jusqu’à ce qu’il pose les conditions pour la suite de la visite : il va falloir accepter d’être un super héros, d’être Batman, ni plus, ni moins. Car avant de développer des aptitudes, il faut adopter des attitudes; être le contenant pour que le contenu prenne place. 

Forcément, avec un tel postulat de départ, ce livre nous transforme. Mon seul bémol serait sur les illustrations qui manquent quelque peu de “Mojo” mais j’ai vraiment apprécié la partie sur la pédagogie dont tout pédagogue devrait s’emparer. Pour le reste, vous le connaissez sans doute ce sont les théories qui fondent l’improvisation mais racontées par un improvisateur qui de surcroît possède une grande pratique et une formation d’ingénieur ce qui aide grandement pour théoriser. Vous risquez donc de voir votre compréhension prendre une autre dimension.
Où se procurer l’ouvrage : En librairie physique ou virtuelle



Jeux et enjeux, la boîte à outils de l’improvisation théâtrale
De Mark Jane - Traduit par Anne-Gaëlle Argy

J’avais commandé le “Mark Jane” (car c’est comme ça qu’on appelle ce livre entre improvisateurs.trices) je n’avais pas donc idée, avant d’ouvrir le colis, des presque 500 pages qu’il renfermait. Ma première réaction a été de me dire : quel beau cadeau l’auteur nous fait là ! Puis je me suis lancé dans la lecture, j’ai parcouru plusieurs chapitres, j’ai voulu tout lire, prendre des notes, faire des liens et je crois que c’est la première fois que j’en lis “trop” sur l’improvisation. Ce livre est une chocolaterie, on pourrait se délecter de tout ce qu’il propose mais il est difficile d’en faire le tour en une seule fois. Et comme les chocolats, si l’on met de côté ce que l’on veut comprendre ou travailler, cela risque de fondre.

A mon sens, c’est intéressant de savoir ce qu’il propose, d’avoir une vue générale et d’aller y piocher des éléments que si l’on envisage de les utiliser d’ici peu de temps. Mark en excellent chocolatier utilise du cacao avec du goût, du 80%; les chapitres sont consistants, il nous fait bien comprendre sa vision de pédagogue, c’est généreux. Il maîtrise brillamment la consistance de ces exercices. Le plus bluffant étant, bien sûr, sa connaissance du voyage du héros de C.Vogler. Il faut espérer que ce livre donne l’envie aux improvisateurs.trices de suivre ces master-class que proposent J.Truby, C.Vogler ou R. Mc Kee. Comme il est alors agréable de lire toute cette théorie avec la connaissance scénaristique. J’ai refermé le livre et relus le sous-titre : la boîte à outils de l’improvisation théâtrale. Ce n’est pas galvaudé loin de là. Si j’étais pointilleux, je dirais qu’il me manque un index des exercices et encore, la table des matières est bien détaillée; il est parfois bon de trouver ce que l’on ne cherchait pas forcément. La sérendipité est un grand mystère, avec ce livre elle pourrait bien devenir votre allié.
Où se procurer l’ouvrage : ici

La quatrième de couverture de “Yes but…” nous donne cette phrase de Platon : “ Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue”. Merci à tous ces auteurs de vivre pleinement leur passion, au plaisir de discuter de vives voix de vos écrits et surtout avec toutes ces parutions, j’espère toujours que l’on donnera de grandes envies d’écriture à de futures plumes. 

Bel été et bonnes lectures à tous !



MATTHIEU RICARD : "L'impro de pleine conscience, c'est jouer dans l'Ici et le Maintenant"


Impro-Bretagne a obtenu un entretien exclusif avec Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire, moine bouddhiste tibétain, praticien et enseignant de la méditation de pleine conscience, qui se passionne depuis des années pour l’improvisation théâtrale. Cet entretien est l’occasion pour lui de faire un tour d’horizon de la production artistique actuelle en impro et de livrer sa vision d’une improvisation de pleine conscience. Un échange d’une rare intensité, qui aura sans aucun doute des répercussions importantes dans le monde de l’impro.


30 janvier 2018. Logan Hall, Londres. Il est 17H30.  Matthieu Ricard termine sa conférence « Bouddhisme et Neurosciences ». Je m’apprête à l’interroger. Pour Impro-Bretagne, le moment est solennel. Nous avons préparé la tenue et l’organisation de cet entretien pendant des mois, et le moment tant attendu se présente enfin. L’idée de cet entretien est née en salle de rédaction quand nous avons discuté de la montée en puissance dans le monde entier d’un courant d’improvisation théâtrale de pleine conscience, dont Matthieu Ricard est un des initiateurs. Depuis cette discussion, d’intenses tractations en coulisses ont eu lieu pour finalement déboucher sur cette entrevue.


Impro-Bretagne : A quand remonte votre passion pour l’improvisation théâtrale ?


Matthieu Ricard : Je m’y suis intéressé dès le début des années 70 quand j’ai entendu parler du travail de Del Close à Chicago dans les années 60. Tout cela m’a tout de suite intrigué, car j’y voyais des accointances troublantes avec certains principes de vie du bouddhisme et la pleine conscience. Mais le fait d’avoir décidé d’aller vivre dans l’Himalaya ne me permettait pas de me déplacer facilement pour mon agrément personnel, même si j’avais très envie de voir ce qui se passait à Chicago en matière d’improvisation théâtrale et de vérifier l’intuition puissante que je ressentais à l’époque. Puis, plus tard , j’ai entendu parler du travail de Keith Johnstone au Canada. J’ai lu avec avidité Impro et Impro for Storytellers. Puis j’ai eu vent de la naissance de la LNI et du match d’impro à Montréal, et j’ai d’ailleurs pu visionner des matches enregistrés sur des cassettes VHS acheminées jusqu'à moi, quand ils ont commencé à être diffusés à la télévision au Québec. Je crois que j’ai vécu la même chose que toutes les personnes passionnées par l’impro dans le monde : quand on attrape le virus, on ne peut plus s’en défaire ! (rires)


IB : Quelles accointances voyez-vous entre l’impro et la pratique de la pleine conscience ?


MR : Je me reconnais complètement dans la nécessité d’être connecté à l’instant présent, de faire fi de tout ce qui relève du passé ou du futur, pour vivre pleinement l’instant présent. Je note que partout dans le monde, les improvisateurs et improvisatrices insistent sur la nécessité d’être dans l’Ici et le Maintenant pour bien improviser, et cela résonne fortement avec l’enseignement et la pratique de la pleine conscience. L’impro de pleine conscience, c’est jouer dans l’Ici et le Maintenant. Au-delà de cet élément fondamental, je revendique aussi la nouveauté qu’apporte le courant d’impro de pleine conscience par rapport aux autres écoles.


"Moins tu es spectaculaire, plus tu es un spectacle à contempler."


IB : Quelle nouveauté apporte ce courant d’impro ?


MR : J’ai eu des échanges passionnants à ce sujet avec Del Close, Keith Johnstone et Robert Gravel, quand j’ai enfin pu les rencontrer au début des années 90. Au-delà de la vision commune de l’art improvisé qui nous rassemble, je prends mes distances par rapport à cette injonction quasi dictatoriale pour les improvisateurs et improvisatrices de vouloir créer à tous prix, de vouloir sortir quelque chose de leurs entrailles. L’école d’impro de pleine conscience insiste plus sur l’immanence de ce qui est déjà avant même que la scène ne commence, et sur l’idée d’être dans l’impro, tout simplement, plutôt que vouloir faire quelque chose à tous prix. L’impro de pleine conscience n’est ni volontariste ni virtuose, elle tend plus à l’immanence des choses et à l’essence de la réalité à dévoiler. Dans les années 90, les écoles d’impro de pleine conscience, avec lesquelles je suis engagé, plus ou moins inspirées des pratiques bouddhistes et implantées un peu partout dans le monde, ont progressivement repris à leur compte tous les formats d’impro « occidentaux », qu’elles ont adaptés à leur vision de l’impro. Quel que soit le format, les enseignants d’impro de pleine conscience ont constaté un invariant absolu, qu’ils transmettent à tous leurs élèves qui débutent en impro : moins tu fais, plus tu es et, partant, moins tu es spectaculaire, plus tu es un spectacle à contempler. Ce principe va plus loin que la célèbre formule « Less is More », répétée inlassablement dans les workshops du monde entier. L’école d’impro de pleine conscience dit plutôt : « Less is », littéralement que « Le moins est », avec cette idée sous-jacente que « More isn’t », que « Le plus n’existe pas ». En affirmant radicalement que « Less is », nous visons le dépouillement complet de l’instant improvisé, et le profond contentement qui en résulte.


IB : Concrètement, vous avez créé des workshops pour transmettre l’enseignement de l’impro de pleine conscience ?


MR : Effectivement, au milieu des années 2000, nous avons constaté une forte demande sur le sujet venant d’improvisateurs et d’improvisatrices du monde entier, lassés par l’impro frénétique, futile et sans fond. Nous avons développé un premier workshop, intitulé « BE PRESENT », qui a obtenu un grand succès. Puis nous avons développé d’autres workshops qui allaient encore plus loin dans la démarche : « BE PRESENT HERE AND NOW » (niveau 2), « BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE (niveau 3), «BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE IN THE STILLNESS OF THE HOLY SCENE » (niveau 4), puis enfin « «BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE IN THE STILLNESS OF THE HOLY SCENE, AND DON’T YOU LET YOUR MIND WANDER OTHERWISE YOU WILL NOT DEVELOP TRULY ORGANIC IMPROV (niveau 5). Depuis plusieurs années, tous nos workshops d’été, quel que soit le niveau, sont complets six mois à l’avance. Cela veut bien dire que l’impro occidentale est en quête de sens et qu’elle vient chercher une approche novatrice et plus authentique dans nos workshops.



"L’improvisation théâtrale est un souffle commun bienveillant qui passe à travers tous les êtres"


IB : Vous avez même développé une approche du match d’impro de pleine conscience, n’est-ce pas ?

MR : Oui, nous l’avons fait en collaboration avec Robert Gravel et Yvon Leduc au début des années 90. Nous avons tenu à ce que cette adaptation reste confidentielle, car nous ne voulions pas participer aux Mondiaux de Matches d’Impro. Nous voulions garder une identité forte par rapport à notre approche du match d’impro. Nous savions que nous n’aurions pas pu suivre un autre décorum que le nôtre.

IB : Quelles différences y a-t-il entre le match d’impro originel et le match d’impro de pleine conscience ?


MR : Nous avons gardé la patinoire car cet espace scénique nous parait intéressant. Il est l’espace sacré de l’être véritable. Nous avons également gardé les maillots de hockey, en hommage à Robert Gravel, mais nous n’avons ni numéros ni nominettes. En effet, nous rejetons fondamentalement l’idée d’individualisation de l’acte improvisé. Pour nous, l’improvisation théâtrale est un souffle commun bienveillant qui passe à travers tous les êtres. Inutile donc d’identifier les participants. Nous ne faisons que des improvisations mixtes, nous rejetons les improvisations comparées, car l’acte d'improviser est un rassemblement des énergies communes, plutôt qu’une comparaison. Il n’y a pas non plus de vote. A la fin de chaque improvisation, les spectateurs se recueillent pour décider, en pleine conscience, chacun et chacune dans son être intérieur, si l’improvisation jouée se rapprochait d’un être total improvisé ou pas. L’arbitre n’est que le réceptacle de ce ressenti collectif, qu’il doit saisir avant de complimenter ou d’admonester les joueurs. L’arbitre ne prépare pas de thèmes, comme le font les arbitres occidentaux. Il prend le thème immanent, qui est déjà là. Il l’accueille et l’accepte sans jugement. L’arbitre ne signale aucune faute. Les joueurs et joueuses sont libres de se les décerner, en pleine conscience, d’accueillir leurs insuffisances sans jugement. Les étoiles sont remises aux joueurs et aux joueuses les plus effacés, à ceux et celles qui ont accepté de dissoudre leur être improvisant dans le tout du match. Notre décorum est aussi plus léger que le vôtre. Il n’y a pas de MC, juste un messager, de préférence frêle et discret, et l’ambiance sonore consiste en quelques coups de gongs pour marquer les fins d’impros. Nous ne faisons pas cinq minutes d’échauffement réglementaire et obligatoire. Nous avons préféré instaurer cinq minutes de méditation de pleine conscience réglementaire et obligatoire, pour mieux connecter les acteurs et les spectateurs. Quant aux hymnes, ils ne sont pas chantés. Ils sont juste vécus intérieurement par les joueurs et les joueuses, assis sur le rebord avant de la patinoire. Nous avons gardé le principe de trois périodes de trente minutes entrecoupées de deux pauses de dix minutes, car improviser en pleine conscience nécessite de s’octroyer deux pauses pour reposer l’esprit et les sens.


« A chaque fois que tu avales un bonbon Haribo ou un sandwich aux rillettes, c’est ton être intérieur que tu dévores. »



IB : Vous avez gardé le pantalon de jogging pour les joueurs et joueuses. Pourquoi ?

MR :  Oui ! Cela peut paraître surprenant au premier abord car c’est résolument un accoutrement occidental. Mais il faut y voir un clin d’œil ironique de notre part ! (rires). Le pantalon de jogging est le symbole de l’Occidental qui s’ennuie, qui mange des chips devant sa télévision le dimanche après- midi, ou qui tond sa pelouse en grommelant. (rires) Le pantalon de jogging révèle le dénuement de l’Occidental. C’est cette notion de dénuement qui nous intéresse, le dénuement pour accueillir sans jugement ce qui est déjà, et le pantalon de jogging le symbolise parfaitement.


IB : Avez-vous vu des matches d’impro occidentaux ? Qu’avez-vous remarqué de particulier dans ceux-ci ?


MR : Les rires mécaniques des spectateurs m’ont dérangé. Le rire du spectateur de match d’impro occidental est une réaction gutturale, guère plus. Nos spectateurs de pleine conscience rient dans le recueillement, et pourtant ils assistent à des impros diaboliquement drôles. Vous auriez peut-être intérêt à rire plus intérieurement, pour développer un rire véritable. Lors d’un récent déplacement en France, je suis allé voir un match et on m’a présenté aux joueurs et joueuses dans les coulisses. Le catering d’avant-match m’a horrifié, au vu des quantités gastronomiques de nourriture d’appoint ingurgitées avant le match. C’est un symptôme de votre société de consommation et du spectacle, qui brûle ses ressources et se vide de son être. J’aurais envie de dire à vos joueurs et joueuses de matchs d’impro : « A chaque fois que tu avales un bonbon Haribo ou un sandwich aux rillettes, c’est ton être intérieur que tu dévores. »


IB : Approuvez-vous la notion du « Oui et… », commune à toutes les écoles d’impro occidentales ?


MR : Là encore, nous faisons un pas de côté. Nous, improvisateurs et improvisatrices de pleine conscience, nous nous contentons de dire « Oui » aux propositions du partenaire de jeu. Pour nous, le « Oui et… » va déjà trop loin. Il est une tentative d’appropriation de l’impro, de développement quasi narcissique de sa propre proposition personnelle, d’avancement inapproprié de son ego. Dire seulement « Oui », c’est accepter radicalement l’autre, sans vouloir le transformer, voire le pervertir. Cela donne des improvisations formidablement statiques, d’une puissance insoupçonnée. Il n’y a ni début, ni milieu, ni fin : l’impro est, et elle se suffit à elle-même. Et d’ailleurs, nous ne faisons aucune différence entre impro courte et impro longue. Nos impros n’ont pas de durée, nous les percevons comme suspendues dans le temps.


"Il faut chercher en tant que spectateur à accéder à la sublime contemplation du vide."


IB : Quel regard portez-vous sur la nouvelle scène française de l’impro ? Quels spectacles vous intéressent ?


MR : Je m’informe régulièrement des dernières tendances. Je note une volonté commune de plus en plus répandue de jouer de l’impro véritablement organique. Pour encore plus rapprocher les points de vue, les écoles d’impro de pleine conscience souhaitent organiser un Mindfulness Improv Festival en 2019 à l’Improvidence à Lyon. C’est en cours de négociation. Par ailleurs, j’ai assisté au spectacle « The Party » l’année dernière lors du festival WISE en 2017 près de Clermont-Ferrand. J’ai beaucoup aimé. J’aime cette idée de soirée qui se termine dans le chaos, c’est un peu une allégorie des sociétés occidentales qui vont droit dans le mur. Nous prévoyons d’obtenir les droits de ce spectacle et d’en faire une adaptation de pleine conscience. Notre adaptation ne se terminera pas dans le chaos, elle aura au contraire pour fil conducteur la restauration de l’ordre et d’un état de sérénité après le désordre temporaire. Ce serait plus l’idée d’une soirée qui se déroule dans la plus parfaite sérénité quand soudainement, un ou une des invités renverse l’assiette de curly. Comment la surface de l’eau redevient-elle parfaitement plate après avoir été troublée par le jet d’un caillou ? C’est cela qui nous intéresse dans notre approche de l’impro de pleine conscience. Je me répète sans cesse la même chose à chaque fois que je vais voir un spectacle d’impro n’importe où dans le monde : au-delà de l’agitation des corps, au-delà du fracas des mots, il faut chercher en tant que spectateur à accéder à la sublime contemplation du vide. Ce n'est pas la surface agitée de l’océan qu’il faut regarder, mais les abysses qui renferment des trésors immémoriaux.


Propos recueillis par Laurent Mazé pour Impro-Bretagne


(Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique…)


Exclusif ! On a retrouvé l'arbitre qui voulait jouer un "vrai" match d'impro.


Jean-Philippe dit “Pablo le Zèbre” ne s’attendait pas, ce samedi 25 novembre, à vivre l’un des pires moments de sa carrière d’arbitre de match d’impro. Il faut dire que dernièrement, il manquait d’occasions de “gazouter” comme il aime à dire, les membres de son équipe “Les Inter Drilles” de Sarlat, préférant maintenant les formes longues.

Il fut alors très heureux d’être invité par la compagnie “Vaut-6-Fers” basée à Montreuil pour arbitrer le spectacle <Match>. Malheureusement ce moment laissera en lui, au sens propre comme au figuré, un arrière goût d’eau de boudin. Témoignage :




Impro Bretagne : Qu’est-ce qui était annoncé ce 25 novembre ?
Pablo Le Zèbre : Un match entre les “Vaut-6-Fers” et le collectif “No Victus”. Deux fois 45 minutes dans le petit théâtre Bertho de Montreuil.

IB : Rien ne vous a donc mis la puce à l’oreille ?
PLZ : Non rien, vraiment, mis à part l’horaire : 22h15. Je me suis dit que ça devait être comme ça dans les salles parisiennes. C’est en voyant arriver les joueurs dans leurs costumes de scènes que j’ai eu un doute. En fait, ils ne se sont jamais changés. Quand j’ai essayé de leur demander pourquoi, plusieurs m’ont ri au nez. Je suis sorti fumer une clope et j’ai discuté avec une spectatrice. Elle m’a demandé si c’était mon premier <Match>. “Non pas vraiment, pourquoi cette question ?” je lui ai fait. Et là, elle m’a expliqué en quoi ce match était différent et j’ai dû me concentrer pour comprendre sa réponse. En gros, le spectacle de la soirée était inclus dans le “ cursus des tentatives”, il clôturait les ateliers du “syndrôme du réel”. Apparement tous les spectateurs se connaissait puisqu'ils venaient de passer une semaine de stage ensemble. Je me suis dit.... "pourquoi pas, l’ambiance risque d’être sympa" et je suis retourné en coulisses me changer.

IB : Et là : grosse frayeur !
PLZ : Ah oui et comment ! J’entre en coulisses, il y avait déjà une dizaine de personnes présentes, installées sur des bancs. Je les salue, demande qui est le MC, les musiciens et les assistants arbitre mais personne ne répond, alors j’insistes et quelqu'un me lance : “Mets-toi en tenue, ça les fera venir” Bon OK ! je trouve une chaise, me mets dans un coin, enlève mon fute et pile à ce moment-là, le paravent qui me séparait de la scène tombe. Je me retrouve en plein dans la lumière alors que les premières notes de “Dangerous” des “XX” retentit. Je crie aux techniciens “Attendez là, je ne suis pas du tout prêt”. Mais la musique continue de plus belle et les gens se marrent.

IB : Parce que les spectateurs étaient déjà sur place ?
PLZ : Oui, enfin pas tous car ce n’est que plus tard que j’ai compris à quoi servaient les coups de cornes de brume.

IB : Comment ça les coups de cornes de brumes ?
PLZ : Régulièrement, au cours de cette soirée, une corne de brume retentissait et les spectateurs changeaient de place pour mettre totalement à mal la convention du 4ème Mur. C’est ce que m’a expliqué Sylvie, la spectatrice avec qui j’ai fumé une clope.

IB : (...)
PLZ : Enfin bon, je remets mon pantalon mais quelqu’un avec un micro en voix-off annonce : “L’arbitre est sans fondement. Qui prétend détenir la vérité ?” Quelque part je suis rassuré, je me dis qu’il y a au moins un MC dans ce spectacle. Alors j’essaie de sortir de la lumière pour être moins ébloui mais quelqu’un me prend par la main et j’entends une sorte de chanteuse lyrique qui scande “Connexion, Connnnneccccccxxxxxioooonnn” ! Coup de corne de brume, les dix spectateurs sur le banc se lèvent et - ni une, ni deux - ils m’enlèvent mon fute, me barbouille le visage de glaise et me prennent comme ça au dessus d’eux. C’est sympa, je me sens flotter mais j’ai un peu froid, vu qu’ils m'emmènent dehors pour me déposer sur le trottoir au milieu d’un cercle d’autres spectateurs. Là, je retrouve enfin les joueurs qui ne m’ont pas attendu pour improviser. Je n’ose pas les interrompre tellement ils sont investis dans leurs rôles et puis Sylvie venait de m’expliquer qu’ils jouaient pour sublimer notre rapport quotidien à la compétitivité... Je demande quand même un gazou au cas-où il y aurait des fautes, j’ai beau faire quelques signes d’arbitrage pour faire passer le message mais personne n’a l’air de comprendre ce que je demande. Alors sagement, en sweat et en caleçon, j’écoute. Jusqu'à ce que la situation soit interrompue par un jeune homme en costume au milieu des spectateurs, avec un micro, sans doute le MC. Avec son air de Guy Marchand, il jappe comme un chiot en désignant du doigt une piscine gonflable jaune remplie de liquide brunâtre dans laquelle je reconnais mes thèmes qui flottent.

IB : Vous leur aviez laissé vos thèmes ?!
PLZ : Non, mais ils ont du me les prendre à un moment. Donc l’aboyeur pointe du doigt la piscine et l’une des comédiennes plonge sa main dans cet épais liquide pour tirer un carton, alors que ce rôle me revient normalement, mais bon… Elle crache littéralement le thème qui était : “Stop à Angkor”, un beau thème en plus ! Je n’ai pas compris la suite, quelqu’un a lu un texte mais de dos, les spectateurs ont chanté une chanson mièvre dans le style des “Poppies”. Puis ils se sont montés dessus pour faire une pyramide, sans doute en rapport avec Angkor, tandis que deux autres s'enlaçaient alors qu’un troisième les enroulait dans du cellophane, on aurait dit un gros rouleau printemps vivant. (Rires)

IB : Oui enfin vous rigolez maintenant mais sur le moment vous faisiez moins le fier.
PLZ : Oui, c’est vrai surtout lorsque la corne de brune a retenti une nouvelle fois. A ce moment, quatre grands gaillards m’ont poussé dans la piscine, bon heureusement elle était un peu tiède, elle était surtout remplie de détritus et de morceaux de trucs que je n’ai pas voulu identifier, en plus de mes thèmes.

IB : Et c’est là que tout le monde a crié 4, 3, 2, 1pro ?
PLZ : Non pas tout à fait : avant cela la chanteuse lyrique s’est avancée et elle a fait : “Sincéritééééééééé !”

IB : Et qu’avez-vous fait ?
PLZ : Je suis sorti de la piscine, j’étais furieux vous pensez bien. Je leur ai dit qu’ils n’avaient rien compris au beau jeu et au match d’impro en général, que ce n’était pas du tout l’esprit et là ils ont criés en chœur “4, 3, 2, 1pro ! “. Alors un homme avec un petit bonnet est sorti du lot et il m’a simplement lancé : “Voilà, là t’es dans le vrai !” Applaudissement et tout le monde est rentré dans le théâtre. J’étais trempé, j’avais froid, ils m’ont gentiment jeté mon sac avec mes fringues puis ils ont fermé la porte du théâtre derrière eux.

IB : Comme ça, sans vous remercier ?
PLZ : Euh… Si mais après, ils m’ont remercié sur les réseaux sociaux. Mais du coup ça m’a ouvert de nouveaux horizons sur ce qu’est vraiment le théâtre contemporain. Moi qui ne connaît que l’impro, j’ai bien envie de m’inscrire au prochain “cursus des tentatives”. Les intervenants ont l’air sympa, ça fait de belles photos et puis ça me permettra, peut-être, de revoir Sylvie.

Propos recueillis par Julien Gigault pour Impro-Bretagne

EMMANUEL MACRON : "J'aime l'impro parce que c'est une activité libérale"


Vendredi 29 septembre 2017. 11H11. Le moment est solennel. Je suis dans la cour de l’Elysée. J’attends que le Président de la République me reçoive pour un entretien sur l’improvisation théâtrale. Pour la rédaction d’Impro-Bretagne, c’est un aboutissement, la fin d’un combat acharné qui a duré trois longs mois. Après d’innombrables coups de téléphone, des mails fiévreux, des ultimatums audacieux, c’est fait. Emmanuel Macron a accepté notre proposition d’entretien. L’idée est née quand nous avons su que le Président de la République s’intéressait de très près à l’impro, dans les pas de François Hollande, son maître à penser. C’est un petit miracle qu’il ait pu me recevoir et me caler un rendez-vous dans son emploi du temps surchargé.
J’entre dans son bureau. Il a l’air détendu. Une chanson de Rihanna résonne dans la pièce. Il m’offre un Perrier tranche. Sur son bureau, plusieurs magazines en désordre : L’Express, Le Point, The Economist, Pélerin Magazine. Nemo, son chien, est affalé sur le tapis en face de la cheminée. Il me regarde fixement, sans bouger. Lui aussi a l’air détendu. Mon cœur bat la chamade. Je sors mon micro ZoomH2. Je sors mon cahier avec mes questions réécrites cent fois. Le Président reçoit un coup de fil. Il décroche et répond à son interlocutrice : « Non, Muriel, je peux pas, là. Plus tard. » Il coupe son téléphone et me dit : « On y va ? ». C’est parti.


Impro-Bretagne : Monsieur le Président, nous savons que vous aimez beaucoup l’improvisation théâtrale. Pourquoi ce grand intérêt pour cette discipline artistique ?


Emmanuel Macron : Je trouve ça particulièrement bluffant. Jouer sans texte, je trouve ça vraiment bluffant. C’est incroyable, on vous donne un mot et boum, vous partez sur une impro, sans réfléchir. J’ai récemment vu un cabaret d’impro. Les comédiens ont eu le mot «mammifère » et ils ont embarqué dans une histoire de baleine qui adoptait un bébé panda qui avait perdu sa maman. Le théâtre de texte ne permet pas ça. Vous pouvez chercher dans le répertoire théâtral : vous ne trouverez jamais une histoire de baleine qui adopte un bébé panda qui a perdu sa maman. L’improvisation apporte un souffle vital au spectacle vivant en cela qu’on peut absolument tout raconter avec l’improvisation. Tout est possible, c’est la liberté totale. J’aime cette idée de liberté totale. C’est comme si vous passiez un pacte de confiance avec le public et que vous lui disiez : « Ensemble, tout devient possible. » Je crois que l’improvisation est essentielle dans notre monde de latéralité : nous construisons ensemble le monde de demain, acteurs et spectateurs. Nous passons un contrat de confiance, en toute liberté, ensemble.


IB : Vous avez vu différents formats de spectacles d’improvisation ?


EM : Oui, j’ai vu de multiples concepts de cabarets, qui sont vraiment tous très intéressants, car ils sont chacun une proposition dans un tout, une manière d’aborder la discipline à chaque fois différente et complémentaire. Ils sont chacun une pièce dans un puzzle qui n’est jamais terminé. Le puzzle de l’improvisation se construit au fur et à mesure, dans un monde changeant. Il est adaptable et mouvant, comme le monde, lui aussi mouvant. J’ai aussi vu des formats d’impros longues. C’est encore plus bluffant que les formats d’impros courtes. Par exemple, si  je reprends l’histoire de la baleine qui adopte le bébé panda, grâce au format long, on va s’intéresser de très près à la psychologie de la baleine. On va se demander pourquoi la baleine adopte le bébé panda. Et on va aussi pouvoir développer le point de vue du bébé panda. Qu’est-ce qu’on ressent, quand on est un bébé panda et qu’on a une maman baleine ? Grâce à l’imaginaire débridé de l’improvisation, on arrive à aborder des thématiques universelles, comme le combat contre le racisme ou le droit à la différence, par exemple. J'aime cette idée, cette pensée complexe que déploie l'improvisation.


IB : La rumeur dit que votre format préféré reste le match d’improvisation. Vous confirmez ? Si oui, pourquoi ?


EM : Oui, absolument ! J’adore le match d’impro. D’abord, j’adore l’ambiance festive qui y règne. C’est important, l’ambiance festive, on a tendance à l’oublier. C’est comme en communication : le message passe d’autant mieux quand la forme du message est bien travaillée. C’est ce qui me plaît dans le match d’impro : quand le contenu a tendance à faiblir, le décorum du message vient prendre le relais. Il supplée, voire supplante, le message. Le message peut être indifféremment forme et fond, on s’en fiche, après tout. Je me permets une petite comparaison avec le message politique : il peut arriver à certains moments qu’on n’ait rien à dire dans ce monde où on doit toujours dire quelque chose, mais ce n’est pas si grave. Ce sont des temps de transition de recherche de sens, mais allant vers un nouveau sens qui viendra, c’est certain. Il faut occuper le terrain. C’est ce que je me tue à répéter à mes conseillers politiques : « Vous êtes des chroniqueurs politiques. Entre deux rubriques, pensez toujours aux jingles. » Le match d’impro me plaît beaucoup pour ça : quand le sens disparaît, il nous divertit élégamment, en attendant que le sens revienne. Le match d’impro est un bon communicant, en somme.(Rires) Dans le match d'impro, j'aime également cette collusion entre banal et extraordinaire : costume banal mais histoires extraordinaires. Cette proximité entre port du pantalon de jogging et port altier du geste et du verbe est véritablement disruptive. C'est une idée moderne : les génies peuvent aussi tondre leur pelouse, en pantalon de jogging. Les Grands de ce Monde sont des êtres humains comme les autres. Après tout, il n'est pas interdit de penser que Shakespeare ait écrit "Hamlet" alors qu'il portait ce qui était considéré à l'époque comme le pantalon de jogging Elizabethain. Cassons cette image d'une société de classes enfermées dans leurs habits respectifs. Aujourd'hui, tout le monde porte son propre pantalon de jogging. Le plus important, ce n'est pas de porter le pantalon de jogging, mais de savoir comment on le porte. 

C'est cela que raconte le match d'impro en creux, et c'est passionnant.

IB : Que pensez-vous du vote lors des matchs d’impro ? L’élu de la Nation que vous êtes doit y attacher une importance particulière ?


EM : Absolument. Pour moi, c’est très important que les spectateurs puissent choisir en conscience l’impro qu’ils ou elles ont préférée. L’idée que l’art puisse être démocratique est une idée que je défends.  Le vote avec  le carton bicolore est un geste qui a des conséquences, il n’est pas anodin. Je suis allé voir un match d’impro la semaine dernière. Je peux vous certifier que pour un bon nombre d’impros mixtes, le choix a été cornélien dans le vote. A qui dois-je donner le point ? A ce comédien qui a génialement joué cet ours polaire enfermé dans un réfrigérateur, ou à cette comédienne qui a subtilement mimé le même réfrigérateur, en se mettant au service de l’impro ? Choix difficile. C’est un peu comme en politique : certains dirigeants profitent dans les sondages du travail de fond entrepris par d’autres. L’Histoire est parfois cruelle avec les uns, qu'on décrit injustement comme des rois fainéants qui n’ont rien fait, alors que d’autres trustent les pages des livres d’Histoire, puncheurs opportunistes quand les grandes batailles ont déjà été menées. Le moment de la remise des étoiles est d’autant plus important. C’est par essence le moment méritocratique du match d’impro. Il faut savoir reconnaître les meilleurs d’entre nous, comme la République sait reconnaître les siens. Celui ou celle qui a su convaincre le public mérite les éloges, celui ou celle qui est au passé.e au travers du désir du public doit revoir sa copie. Croyez-moi, je sais de quoi je parle.


IB : Certains et certaines n’utilisent pas l’impro comme fin mais comme moyen, vers la création de spectacles plus ou moins écrits et figés ? Qu’en pensez-vous ?


EM : J’ai de grandes réserves par rapport à cette démarche. Pardonnez-moi  l’expression, mais on ne peut pas mentir sur la marchandise. Quand on annonce « spectacle improvisé », il faut que ce soit vraiment improvisé, de bout en bout. Sinon à quoi bon ? Autant faire tout de suite un spectacle écrit. Le public, comme l’électeur, n’aime pas être floué et voit d’un très mauvais œil les promesses non tenues. Si je ne tenais pas mes engagements pris pendant la campagne présidentielle, de quoi  j’aurais l’air ? Vous seriez le premier à me le reprocher et vous auriez raison. Il faut tenir ses engagements. Le spectacle d’impro est un contrat de confiance entre les personnes sur scène et le public. Pas d’écran de fumée, que diable ! Soyons transparents quand nous improvisons !


IB : Vous dites accorder une attention particulière aux produits dérivés de l’impro destinés au monde de l’entreprise ? Pourquoi ?


EM : Je trouve ça très intéressant d’amener l’impro dans le monde de l’entreprise. Les valeurs de l’impro sont communes à celles de l’entreprise : savoir s’adapter, écouter l’autre, construire ensemble, lâcher prise. L’entreprise est aussi une improvisation : nous ne savons jamais de quoi demain sera fait. Tout s’écrit en direct, et sans filet. Parfois, le personnage qu’on défend mordicus doit sortir de l’improvisation, pour le bien de l’improvisation. L’entreprise et l’improvisation doivent être toutes les deux défendues coûte que coûte, au-dessus des intérêts individuels ou catégoriels. L’histoire prime sur les personnages.


IB : Finalement, d’un point de vue philosophique, pourquoi aimez-vous l’improvisation ?


EM : Parce que l’improvisation, c’est déjà demain. Ce qui a été joué n’existe déjà plus. Il faut regarder devant. L’improvisation, c’est la liberté des pionniers de l’imaginaire, dans un monde qui bouge. Déjà, je le vois bien, vous vous adaptez au monde de demain. Vous ne dites plus « atelier » mais « workshop », et vous commencez à donner des titres anglais à tous vos spectacles et autres workshops. Vous êtes les auto-entrepreneurs de vos imaginaires, vous êtes les startups qui vont révolutionner le théâtre. J’aime aussi cette idée, largement répandue dans votre milieu, que « Less is more ». Oui, exactement ! Faisons mieux avec moins ! A bien y réfléchir, j’aime l’impro parce que c’est une activité libérale.



Propos recueillis par Laurent Mazé pour Impro-Bretagne



NDLR : Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique...

Dans les coulisses de la Police de l'Impro

Organisation encore méconnue, la Police de l'Impro repère et met fin aux fraudes à l'impro. Enquête exclusive. 


25 mars 2017. Nanterre. 10H30. J'entre dans un petit immeuble cossu, qui ne paie pas de mine : la Brigade Centrale pour la Répression des Fraudes Communautaires. Nichée en son sein, une équipe indépendante y opère, au 7 ème étage, sous un mystérieux sigle : la B.R.F. I. T.

"Des plaintes arrivent de partout"


La B.R.F.I.T. c'est la Brigade de Répression des Fraudes à l'Improvisation Théâtrale, plus communément surnommée "Police de l'Impro" par ses agents. La Police de l'Impro a été instaurée par les pouvoirs publics en septembre 2008, suite à de nombreuses plaintes de spectateurs. Marc Pelletier, la quarantaine, jean-baskets, coupe de cheveux en brosse, témoigne : "Au début, on n'était pas submergé par le boulot, mais maintenant, des plaintes arrivent de partout. On a doublé nos effectifs depuis la création de la Brigade." Sur son bureau, les dossiers s'empilent, pour divers motifs, mais se rapportant tous au même grief : la fraude au spectacle d'impro. Marc a dû couper son portable pendant notre entretien, car il reçoit un signalement "toutes les dix minutes environ." Quand le signalement est réceptionné, la procédure est toujours la même : aller sur Billet Réduc pour faire une fiche signalétique du spectacle, enquêter sur le casting pour voir s'il y a des récidivistes, recouper l'info avec des spectateurs-indics et, le cas échéant, "aller taper le théâtre", c'est à dire procéder à des interpellations en plein spectacle. La suite de la procédure peut aller du classement sans suite au reclassement du spectacle à la rubrique "théâtre écrit", voire, dans le pire des cas, à l'interdiction pure et simple du spectacle avec remboursement des places aux spectateurs.

"Ce n'est plus de l'impro, c'est préparé à l'avance, ça se voit bien."


Neullly-sur-Marne, 13H30, place André-Malraux. C'est là où habite Sylvie Poulbaux, spectatrice passionnée d'impro, depuis les débuts de la Ligue d'Improvisation Française au début des années 80. "A cette époque, c'était magique, les joueurs et joueuses ne savaient pas du tout ce qu'ils allaient jouer à la seconde près." Sylvie se dit ulcérée par la plupart des spectacles d'impro qu'elle voit maintenant. "Ce n'est plus de l'impro, c'est préparé à l'avance, ça se voit bien. Dès le début des spectacles, on voit que les scènes ont été répétées." Il y a trois ans, après avoir fait des dizaines de signalements, Sylvie, à bout de nerfs, a franchi le pas : "Je suis devenu informatrice officielle, ou indic si vous préférez, de la Police de l'Impro. Parce que je trouve ça indispensable de défendre l'impro, et puis ça me permet de boucler mes fins de mois." Sylvie Poulbaux n'est pas la seule spectatrice d'impro en colère. Partout, aux quatre coins de la France, des passionnés de l'art improvisé dénoncent les pires fraudes à l'impro.

"Je sépare bien théâtre et impro. Je ne veux pas replonger."


Frédéric habite à Nantes. Comédien improvisateur depuis 10 ans, il a été interpellé puis mis à l'épreuve pour participation à un faux spectacle improvisé à trames, recel de conduite de spectacle, préparation en amont de personnages et réutilisation de personnages aggravée. "Je ne sais pas ce qui m'a pris, confesse Frédéric. Je suis tombé dans un engrenage. Après plusieurs années de cabarets d'impros dans lesquels, à partir d'un mot tiré au sort, on jouait des impros, j'ai commencé à prendre goût à des spectacles plus léchés, pensés en amont. Je voulais faire le lien entre mise en scène et impro, avec un parti-pris, un point de vue. C'était de la pure folie." Puis, un soir, la Police de l'Impro est venue  interrompre un format long de sa troupe. "C'était un membre infiltré de la troupe qui nous avait dénoncés. On n'avait rien vu venir." Lors de l'interrogatoire, Frédéric a tout nié devant des agents de la Police de l'Impro. Mais, pendant l'interrogatoire, on a demandé à Frédéric de faire une impro solo sur le mot "Concombre". Le piège s'est refermé sur lui. "Je ne savais plus improviser. Le mot "concombre" m'a complètement bloqué. J'étais démasqué. J'ai paniqué, j'ai fait n'importe quoi." Aujourd'hui, Frédéric dit s'être rangé. "Je me suis remis à faire des cabarets dans des petits bars. Je sépare bien théâtre et impro. Je ne veux pas replonger."


"Ils sont où, les acrobates de l'imaginaire, les funambules de l'impro, bordel ?"


Cergy Pontoise. 20H45. L'agent Pelletier et son équipe sont prêts à intervenir lors d'un spectacle soupçonné d'être un simulacre d'improvisation. Une fois à l'intérieur, les agents plient l'affaire en quelques minutes. La musicienne avoue rapidement avoir préparé des morceaux et une conduite avec une trame d'histoire est retrouvée en coulisses. Le régisseur lumières avoue aussi rapidement que toutes les transitions entre les scènes étaient calées.

De retour à la Brigade à Nanterre, Marc Pelletier a les traits tirés, après une dure journée. Son visage laisse transparaître un fond de colère. "Ces gens-là sont en train de tuer l'impro. C'est une honte ! Ils sont complètement inconscients, s'exclame-t-il. Ils sont où, les acrobates de l'imaginaire, les funambules de l'impro, bordel ?" Mais, à peine Pelletier a-t-il entamé sa diatribe qu'il doit déjà repartir sur le terrain. Au même moment, sans doute, ses collègues à Nantes, Rennes, Lyon ou Grenoble partent aussi sur le terrain pour mettre les mains dans le cambouis.

Je me retrouve bientôt seul dans son bureau, prêt à partir. Je regarde une dernière fois autour de moi. De grandes affiches, comme autant de slogans, s'étalent sur les murs du bureau :

"Ta première idée est la bonne".
"Ne réfléchis pas. Vas-y, lâche-toi !"
"Vous ne savez pas ce que vous allez voir, ils ne savent pas ce qu'ils vont jouer."

Dans les bureaux adjacents, on entend les agents taper fiévreusement leurs rapports sur leurs claviers d'ordinateur, tous tendus vers leur unique objectif : débusquer les fraudes  à l'impro. Et à voir leur engagement de tous les instants, ce n'est pas seulement leur métier.
C'est d'abord et avant tout une vocation.

Laurent Mazé, pour Impro-Bretagne


Ex Machina

C’est en ayant l’opportunité de me replonger dans les dizaines de vidéos dites “à regarder plus tard” sur YouTube  que j’ai découvert l’une des chaînes auquel tout improvisateur qui se respecte devrait s’abonner. Comme beaucoup, vous avez dû vous arrêter aux deux premiers épisode, le contenu vous était certainement connu et surtout le son était vraiment passable. Comme beaucoup, vous êtes passé à autre chose et vous avez bien fait car visionner ces vidéos en “binch watching” est certainement ce qu’il y a de mieux tant l’ensemble est cohérent.


Les vidéos d’Arnaud Pierre sont un condensé de théorie, mise en avant par un esprit pédagogique éprouvé. Si vous en êtes à votre troisième année, et que l’effet “découverte” commence à s’estomper ou si vous lisez peu sur l’impro, persuadé que votre apprentissage ne peut être que empirique, ces vidéos sont faites pour vous. Les démonstrations implacables comme les éléments à la lisière du cercle d’attente ou encore la communication visuelle dans le monde de l’improvisation devrait faire parti d’un tronc commun dont chaque apprenant et compagnie devraient s’emparer.


A la manière de cours par correspondance, un résumé sous forme de tableaux des théories abordées est proposé à la fin de certain chapitre. On rêverait bien sûr de les avoir sous la main, sous forme de livret ou même rassemblés dans un pdf. En fait, ce dont on rêverait c’est d’une pédagogie fondamentale commune à chaque improvisateur-trice. Souvent, sous couvert de laisser l’enseignement à la charge du seul pédagogue le dixième de ce qui abordé dans ces vidéos n’est même pas dit dans les ateliers.


Heureusement, et ces videos y participent, nous entrons dans une nouvelle période pour notre discipline. Nous entrons dans le temps du l’harmonisation et dans la mise en place d’outils. Les initiatives comme la création d’un référencement des femmes pédagogues* ou encore les rassemblements/ formations d’enseignants montrent que, peu à peu, cette pédagogie commune émerge. Il est temps de nommer les concepts, les systèmes de jeu pour s'approprier un vocabulaire commun. C’est une des conditions pour avoir une base de compétence solide, sans cela pas de place à l’expérimentation et l’évolution vers un art mature, qui comme son nom l’indique est capable de soutenir, d'influencer une autre discipline artistique ou d’inspirer une vie entière.

Julien Gigault



*A propos de ce fichier qui peut paraître saugrenu les faits parlent d’eux même, si l’on prend comme l’a fait Caucus les répartitions des formations proposés dans les grand raouts d’improvisation en France la répartition Homme / Femme est disproportionnée. La notion de genre est encore à découvrir… On oublierait presque que : “L’on enseigne ce que l’on est” et que l’ “on s’investit vraiment que lorsque l’on est proche de nos limites.”

L'improvisation théâtrale, une expérience optimale a priori ?

Le flow, une histoire un peu personnelle

Flow.

Ce livre a changé ma vie quand elle était un peu en suspension. Ce mot a changé ma vie quand elle était un peu en courant alternatif. Je ne vais pas vous raconter ma vie. Enfin si, un peu, quand même, parce que c'est mon article et je fais ce que je veux. Au  moment où j'écris ces premières lignes, je suis déjà en plein flow. Vous allez comprendre.

Ma découverte du flow commence en février 2014. Je vous la fais courte. Je suis malade. Mes deux reins ne fonctionnent plus, je dois être dialysé 2 nuits par semaine. Je découvre cette monstrueuse soeur de chambrée qui va me maintenir en vie 7 mois durant avant une greffe : la machine à dialyser. Deux nuits par semaine, elle est là, à coté de moi, elle vrombit, elle éructe, elle clignote, elle sonne même, parfois. Et surtout, elle me maintient éveillé. Pendant des mois, deux nuits par semaine, je fais des quasi nuits blanches. Impossible de dormir. J'ai littéralement besoin de sortir de moi-même.

A la même époque, je continue toujours mon métier de comédien (improvisateur), bon an mal an. Je me rends souvent aux répétitions et aux spectacles épuisé avant même que ça ait commencé. Mais, miracle, sur scène, une fois que je suis en jeu, je retrouve une force insoupçonnée, puissante, mystérieuse, qui m'emmène dans des états de quasi-transe, inversement proportionnels aux instants de souffrance physique et morale entre deux couloirs d'hôpital. Sur scène, je sors littéralement de moi-même. A ce moment particulier de ma vie, plus qu'à aucun autre moment de ma vie d'avant,  je ressens profondément cette sensation puissante. Alors, je réfléchis, je cherche, je me documente. Et je trouve.

Je tombe sur Flow, ouvrage sorti en 1990, de Mihaly Csikszentmihaly, psychologue hongrois, ancien directeur du département de psychologie de l'Université de Chicago et du département de sociologie et d'anthropologie du Lake Forrest College. Ce livre est un choc pour moi, une météorite. Il y est question d'expérience optimale, concept élaboré par le chercheur hongrois. Le flow.

Le flow, qu'est-ce que c'est ?


 Le flow, l'expérience optimale, ou expérience-flux, y est décrite comme un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement plongée dans une activité, et se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. Fondamentalement, le flow se caractérise par l'absorption totale d'une personne dans son occupation.

Csíkszentmihályi a identifié six aspects entourant une expérience de flow :

-concentration intense focalisée sur le moment présent
-disparition de la distance entre le sujet et l'objet
-perte du sentiment de conscience de soi
-sensation de contrôle et de puissance sur l'activité ou la situation
-distorsion de la perception du temps
-l'activité est en soi source de satisfaction (une expérience qualifiée d'autotélique)

Le chercheur hongrois identifie également deux conditions saillantes (parmi d'autres) pour qu'une personne vive une expérience véritablement optimale :

-que l'activité soit a priori motivante pour le sujet, que le sujet ait la volonté de s'engager pleinement dans l'activité
-que l'accomplissement de la tâche teste constamment les capacités maximales intrinsèques du sujet pour la tâche ciblée

Quand le sujet vit une expérience véritablement optimale, il progresse, dépasse ses limites, franchit des caps, aussi petits soient-ils. Le flow peut surgir dans toutes les activités humaines (travail manuel ou intellectuel, enseignement, sport, art, sexualité, etc...). Encore faut-il que les conditions soient réunies pour "être dans la zone".

Le flow et l'improvisation théâtrale, vraiment compatibles a priori ?


L'improvisation théâtrale, parce qu'elle est l'art de l'Ici et du Maintenant, parce qu'elle est nimbée de son aura de lâcher-prise, de liberté théorique sur scène, de création sans entraves, paraît être la discipline rêvée pour vivre facilement et à peu de frais une expérience optimale. Trop souvent, la description de l'activité improvisée est confondante de naiveté, quand on la vante grossièrement au vu de la supposée liberté qu'elle offre face au texte écrit et à la mise en scène théâtrale (comme si improvisation d'une part, et texte et mise en scène, d'autre part, s'opposaient !). Il suffit de se souvenir de ses expériences cuisantes en tant qu'acteur/trice ou spectateur/trice de spectacles d'improvisation pour conclure que l'expérience optimale improvisée, qu'on soit en jeu ou à la mise en scène, est un véritable Graal à re-toucher du doigt, sans cesse, et c'est heureux.

Le flow en impro, ça arrive quand ?

Dans le manuel du parfait improvisateur, on dit constamment qu'il faut faire preuve d'ouverture maximale sur ce qui se passe maintenant, qu'il faut accepter, qu'il faut lâcher prise, qu'il faut jouer libéré. Certes. L'art improvisé, en travaillant la matière temps et espace au présent, en magnifiant le processus de création de l'oeuvre au présent, peut prétendre réunir les conditions de l'expérience optimale sur scène et dans la salle. Les comédiens-nes, armé-e-s de la feuille de route de l'Ici et du Maintenant, ont une responsabilité individuelle et collective pour faire émerger le flow.

Mais il faut aussi tenir compte des conditions exogènes de l'expérience optimale improvisée. Tous les spectacles d'impro permettent-ils un flow puissant ? Que penser du match d'impro, par exemple, et de tous ses dérivés d'impro-performance (j'entends par impro-performance le fait d'improviser pour atteindre un résultat précis en un temps relativement court ou moyen : traiter le thème, intégrer une contrainte de jeu sur un temps donné, etc.) ? Les acteurs-trices sur scène sont-ils/elles vraiment dans le moment présent, dans l'Ici et le Maintenant quand ils/elles doivent répondre à des injonctions ? Que dire de ces catégories, que l'improvisateur/trice va chercher in fine à maîtriser, versant dans la technique de jeu plus que dans l'instinct du jeu ? Quant au spectateur, n'est-il pas sorti du moment présent quand on lui annonce ce qu'on va faire (thème, catégorie, contrainte...), quand on le place dans une situation de jugement (vote), quand il doit zapper d'une impro à l'autre ? Les matchs et cabarets d'impro s'apparenteraient au mieux à une succession de petites expériences optimales avortées, dont il faudrait constamment rallumer les feux. Les expériences optimales sur un match entier restent une denrée rare.

Mais le format long improvisé totalement libre, si tant est que la liberté totale existe en improvisation, réunit-il a priori des conditions plus favorables pour l'expérience optimale improvisée ? Car qui dit format long dit tentation irrépressible de construction d'une histoire à contre-courant du lâcher-prise tant recherché. Et l'improvisateur/trice sur scène, de façon souvent criante sur le temps long, peut se retrouver enfermé-e dans son indépassable dualité de constructeur-acteur, alors qu'il faut être radicalement dans le présent pour vivre une expérience optimale improvisée.

Ces dernières années, ce qu'on qualifie d'impro dirigée, d' impro "tramée", "à tableaux", une impro comme moyen et non plus comme fin en soi, se développe sous l'impulsion de précurseurs en la matière dans diverses compagnies. Ce serait faux de voir cela comme un simple effet de mode. Car, à bien écouter ceux et celles, acteurs/trices ou metteurs/ses en scène, qui soutiennent ce courant, cette façon de porter l'improvisation vise précisément, en dépit des apparences, à libérer l'improvisateur-trice de considérations qui l'empêchent d'être dans le jeu instinctif au présent et à ce que l'écoute soit affûtée. Pour avoir vécu personnellement ce type d'approche avec La Morsure, sous la direction de Christophe Le Cheviller  et Marie Parent, et notamment dans les spectacles "The Party" et "We Are Family-Le Banquet", j'ai ressenti cette libération de l'improvisateur qui est déchargé de l'histoire, qui ne voit  ni  ne contrôle tout ce qui se passe, et qui peut improviser au présent le plus présent. C'est en soi une véritable expérience optimale improvisée. Et même le public, qui ne voit pas tout tellement il y a à voir, vit l'expérience intense d'un présent improvisé. Le méta-auteur tire les ficelles de l'expérience optimale improvisée. Plus généralement, les spectacles à trame, sur des thématiques précises et un propos général assumé, peuvent régénérer l'expérience improvisée de la même façon.

En atelier, quand il faut travailler la matière impro, on s'assigne souvent des objectifs précis. Et les élèves, sans doute biberonnés aux contrats d'objectifs permanents que sont devenues nos vies sous l'ère du managérat à grande échelle, jusqu'à l'intime, demandent parfois qu'on les débriefe sur des points techniques précis. Le travail n'est pas vu comme un travail-processus d'ensemble mais comme un constant travail-résultat. Mais il faut aussi accepter de se perdre dans le travail, de le vivre au présent, car le travail, c'est aussi littéralement accepter la (petite) torture de l'incertitude au présent. Se mettre au travail, c'est avancer, pas à pas, sans se focaliser sur le résultat. Le travail improvisé, vu sous cet angle, peut être satisfaisant en soi et débouchera sur un résultat le moment venu.

L'improvisation théâtrale, une "petite mort" à portée de main ?


Depuis que j'ai lu Flow, et au fur et mesure de l'avancement de mon travail de la matière impro, je pense constamment au lien entre impro et expérience optimale.  L'expérience optimale sur scène permet de frapper de plein fouet l'inconscient du public, de lui faire ressentir "l'essence de la réalité", cette "essence de la réalité" que décrypte Robert Greene dans "Mastery", son bestseller sur les "maîtres" passés et présents dans diverses disciplines (sciences, arts, etc...). L'expérience optimale active l'intuition sur scène et dans le public. Pour être pleinement focalisé sur le moment présent, pour avoir un sentiment de puissance absolu sur le présent, pour que deux heures sur scène passent en cinq minutes, pour s'oublier soi-même sur scène, pour sortir littéralement de soi-même, encore faut-il accepter de mourir un peu sur scène pour mieux ressusciter. Quand j'improvise, Eros et Thanatos, pulsions indissociables, ne sont jamais loin.

Un certain 5 novembre 2015, j'ai joué "WE ARE FAMILY" et j'ai sans doute vécu ma plus grande expérience optimale improvisée. Je suis littéralement mort et j'ai ressuscité sur scène le même soir. Je vous le jure. Je souhaite à chacun et chacune de vivre ce genre d'expérience optimale.

Ce soir, je veux mourir sur scène, ne serai-ce qu'un instant. Pour me sentir vivant. Et si je te vois mourir sur scène, ne serait-ce qu'un instant, je mourrai avec toi, et me sentirai vivant.

C'est ça, le flow.

Laurent Mazé
pour Impro-Bretagne

Bibliographie :
-Flow, de Mihaly Csikszentmihaly, Harper Perennial Modern Classics, 1990.
-Mastery, de Robert Greene, Penguin, 1998.
-www.lamorsure.com, interview de Christophe Le Cheviller sur "The Party" et "L'improvisation", note d'intention de la La Morsure.

Quand un déplacement devient une oeuvre d'art



J’ai peur des vieux. Souvent j’aime à dire qu’il y a un âge limite pour commencer l’impro. Et puis… Marie Parent m’a emmené avec elle… rencontrer des vieux, qu’elle fait travailler en impro depuis 2 ans déjà. Des vieux entre 65 et 93 ans… Ça faisait longtemps qu’elle me disait de venir. Mais moi, les vieux… 

Il est admis que les vertues pédagogiques de l’impro sur la jeunesse sont remarquables pour le développement de nos chères tètes blondes. Mais qu’en est-il de nos vieux ? Doit-on encore attendre quelque chose d’eux ? Être exigent ? Mais finalement, c’est quoi un groupe de vieux ? C’est ce que je découvre dans ce lieu, en arrivant avec Marie. La Longère à Mordelle en Ille et Vilaine. Un modèle unique en son genre, une sorte de MJC pour les vieux. Un endroit de convivialité et de projet. 

Marie pose avec ce groupe plusieurs questions centrales à notre métier. Forme-t-on les gens ? Et en particulier, à quoi ça sert de former des gens à être improvisateur ? Ou encore, qu'est-ce que l'on doit apprendre quand on est improvisateur ? 
Devenir improvisateur, ça n’a aucun intérêt en soi. Ça ne sert pas à grand chose… Pourquoi improvise-t-on ? Pour s'exprimer. Mais pour dire quoi ? La spécificité de l'improvisation est d'écrire du théâtre à vue, sur scène. De travailler la matière TEMPS, et ESPACE au présent. De s'inscrire avec force dans l'ici et le maintenant. De mettre à nue l'acte de création artistique. Cette sculpture du temps présent se fait à la vue du public, souvent avec de très beaux outils, mais rarement des oeuvres intéressantes.


Travailler avec des personnes âgées ramène à l’essentiel et à l’urgence. Pas le temps de s’encombrer avec de la technique inutile. On ne formera pas des techniciens, on va créer des artistes. J’emploie le terme « personnes âgées » maintenant, car en fait, tout comme l’enfant, le vieux est une personne… Mais agée :-). Ce n’est pas juste politiquement correct. C’est une réalité objective qui ramène à la particularité de ce public : L’urgence. Avoir quelque chose à raconter. jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle, au dernier pas. Ici et maintenant. Demain il sera trop tard. Peu d'outils. Peu de temps. Art Brut

Jesse Reno - Old 2
Marie les fait travailler sur leur(s) mémoire(s). Pas seulement la mémoire physique. La Mémoire, avec un grand M. Celle qui nous raconte les années 50, les films en noir et blanc, les années 70, 80 quand ils avaient 40 ans… la libération de Paris, les bals, les douleurs, la vieillesse, leurs désirs, leurs désillusions, leurs amours… Et c’est la personne dans sa globalité qui apparait sur scène. Séductrice, vivante, mordante, ou sensible. Enfermée dans ce corps douloureux et défaillant. La jeunesse, la vie… Et je les vois. Je ne me vois plus moi, dans ma peur d’être eux un jour, je les vois eux. Si drôles, et si bouleversants. 

Nous travaillons toutes la journée avec Marie, sur la mise en scène d’un spectacle improvisé, s’articulant autour de tableaux liés aux souvenirs, aux émotions. Et puis à un moment, Guy, un homme de 93 ans. Il doit entrer sur scène. Il doit traverser le plateau pour aller s’asseoir face à celle qu’il aimera la scène suivante. 10m. Tellement loin. Tellement dangereux pour cet homme qui a si mal. Et il avance. Lentement. La beauté de l’instant figé. Le théâtre réduit à sa plus simple expression : un déplacement. Un déplacement chargé d’une vie de 93 ans. Un déplacement qui se suffit à lui même. Moment de grâce et de beauté absolue qui échappe à son interprète. Puis il arrive, il touche l’épaule à « son amoureuse » dans un remerciement silencieux et s’assoit en face d’elle.

Depuis, j’ai moins peur des vieux et j’ose les regarder.

Christophe Le Cheviller pour Impro-Bretagne



Qu’est-ce qui fait qu’un spectacle d’improvisation est réussi ?

Quelle question ! il y a aujourd’hui tellement de façons de jouer, de formats riches et variés qu’il est impossible de définir une recette qui fonctionnerait à chaque fois. Pourtant, il y a quelques composants qui font la différence selon nos conceptions de l'optimum. Si par hasard un jour, vous vous retrouvez face à un tel spectacle vous ne pourrez que l’admettre : voilà ce que vous attendiez depuis un moment ! Et si, en plus, la performance vous surprend en vous révélant de nouvelles perspectives sur votre approche du jeu, alors vous risquez fort de vous enflammer...


Une telle expérience m’est arrivée, alors que je pensais ne plus être surpris par le jeu improvisé, les presque 25 ans de mon expérience de témoin de cette discipline ayant quelque peu délavé les couleurs flamboyantes des mes premiers émois dans les années 90. En janvier 2017, j’ai vu ce spectacle qui remplit systématiquement l’Improvidence à Lyon : “Tandem”.


Il est probable que “Tandem” a été pensé avant tout comme une performance, un acte d’un soir, vue la simplicité de sa conception : deux improvisateurs jouent 80 minutes. Nicolas Tondreau et Patrick Saprille, s’y retrouvent pour se compléter parfaitement et surtout - chose rare - s’engager, se mettre au service de l’histoire à tel point qu’ils ressortent bouleversés par ce qu’ils ont traversé. Ils manipulent-là la matière la plus dangereuse pour l’acteur, en s’imprégnant au maximum des sentiments, épreuves et enjeux de leurs personnages. Comment arrivent-ils à atteindre ce degré de sensibilité ? En jouant pleinement avec leur seule contrainte de 80 minutes. Il ne remplissent pas, ils étirent, ils ne zappent jamais, ils s’approprient.


En les regardant tricoter leur histoire, je me suis souvenu de la description de “l’échelle de satisfaction du spectateur en improvisation” proposée par Thomas Debray dans le podcast* qu’Hugh Tebby lui consacre. Thomas déclare que le summum de l’expérience du spectateur se produit lorsque le public s'identifie aux personnages, lorsqu’il se fait embarquer malgré lui dans ses dilemmes, épreuves et transformations. “Tandem” illustre pleinement ce processus.


Aussi un ingrédient élémentaire serait l’empathie. La plupart des spectacles d’improvisation font appel à ce principe, seulement les spectateurs ont bien souvent plus d’empathie pour les comédiens que pour les personnages qu’ils incarnent. L’empathie a à voir avec l’attachement : pour être sensible aux tentatives de succès des protagonistes, il faut voir le filet se déployer, les tensions s’articuler. Un deuxième ingrédient serait alors la maîtrise de la narration. Les deux improvisateurs jouent brillamment, leur virtuosité participe évidemment au succès ce spectacle.


L’équation serait donc la suivante :


Virtuosité d’interprétation + maîtrise de la narration + durée étendue = empathie du public

Plus fort que l’empathie - et cela c’est encore Thomas qui le raconte fort bien - le spectateur peut avoir l’impression de devenir voyeur. Le voyeurisme flirte avec l’interdit. Il est certain que n’importe qui veut payer pour voir quelque chose qui, d’ordinaire, est interdit. C’est le principe des expositions de monstres ou, plus près de nous, des émissions télé filmant la vie privée. Déclenchez volontairement ce système et la plupart des spectateurs reculeront jugeant le spectacle “racoleur” mais si, avec le temps, comme le font si bien Nicolas Tondreau et Patrick Spadrille vous assumez jusqu’au bout les propositions, vous risquez fortement, à votre tour, d'enflammer le public.

*Les podcasts cités sont à retrouver à cette adresse.


Julien Gigault



'IMPROV IS NOT DEAD'




Octobre 2016, Théâtre Le Comedia, (Paris-la-capitale). 
Au sortir du lancement du Trophée Culture et Diversité,  je m'étais jurée d'écrire un papier sur Jacques Livchine et Hervée De Lafond, créateurs du Théâtre de l'Unité, grands-parents de l'improvisation théâtrale et figures incontournables du théâtre de rue en France...

Midinette comme je suis, inféodée au talent, j'avais été frappée par la foudre, à l'instant même où ils s'étaient adressés à l'assemblée de coachs, pour témoigner de leur expérience de comédiens, artistes militants, de directeurs de Théâtre et de Compagnie ;

Deux personnalités charismatiques, aussi libres qu'irrévérencieuses ; Des septuagénaires, arrogants comme à 20 ans et si humbles de par leur capacité à tenir l'exigence, à travailler sans relâche, à inventer encore.

Un non-couple intimement lié qui, dans le même entretien prétend avoir tout prédit de la société ... autant qu'il rit, se remémorant les échecs essuyés au cours de ses faits d'armes.

Retranscription non exhaustive mais presque objective d'une intense heure d'entretien où il est question du Match et de Kapouchnik, d'arts, de culture et de politique ; de voyous- voyeurs-voyants, de douane polonaise comme de pompier de Saint Quentin en Yvelines, d' Anton Tchekhov, de Patrick Sébastien et de Pierre Moscovici.


Marie Parent: C'est bien vous qui avez activement été à l'origine des matchs d'improvisation en France : ça s'est passé comment au juste ?

Hervée De Lafond et Jacques Livchine :

Oui, aux origines en 1981, Leduc et Gravel de la Ligue de Montréal sont venus à Aubervilliers et ont demandé à rencontrer les comédiens français.
Aubervilliers a demandé à plusieurs compagnies dont le Théâtre de l'Unité et on est venu à 3/4 , En 1 journée, on a fait un premier match... Emballés, ils ont émis le souhait qu'il y ait une ligue d'impro à Paris. On a fait des tas de répétition au théâtre d'Aubervilliers et puis 1 ou 2 matchs ;. Près de 100 comédiens sont passés à Aubervilliers pour répéter.
Peu à peu, au bout de 6 mois d'entraînement tous les lundis, (un endroit formidable de travail parce qu'on faisait connaissance avec plein de comédiens), on a dit qu'on était prêt à organiser un match et on a fondé la LIF (Ligue française d'improvisation) dont Jacques a été le premier président. On a commencé à vendre des matchs à des villes, On s'est fabriqué une patinoire au début, on n'était pas payé du tout, on investissait... Et on a commencé à créer des matchs un peu partout. On étaient très mauvais d'ailleurs … très mauvais, mais c'était très emballant...

Marie Parent: Qu'y avait-il de si emballant, en quoi était-ce différent et nouveau ?

Hervée De Lafond : Le mélange formel sport et théâtre était passionnant, les contraintes qui étaient données ne nous enfermaient pas, bien au contraire mais étaient dures à intégrer dans notre esprit français. Ça a été long avant qu'on les intègre ! Ce qu'il y avait d'amusant c'est que les comédiens qui avaient fait de grandes écoles de théâtre, des gens qui sortaient du conservatoire en particulier, étaient absolument à chier …
Jacques Livchine : L'improvisation exige des qualités orales et physiques et de lâcher prise que n’avaient pas tous ces comédiens et ça on adorait ! En fait, les québecois nous ont appris cette spontanéité alors que les comédiens classiques avaient énormément de mal à sortir de leur cadre.

HD : Ceux qui surnageaient (comme nous) avaient l'habitude de faire de la rue ou du hors les murs s'en sortaient beaucoup mieux !
J L : Nous allions sur des sentiers que l'on ne connaissait pas, la manière américaine...
Ce qui nous fascinait c'était la décontraction avec laquelle les comédiens québecois jouaient, leur calme... Les québecois, jouaient quasiment en mâchant du chewing gum. Nous avons beaucoup appris quand nous sommes allés jouer au Québec sur leur terres
Et puis...
L'égo mal placé était ramené à sa juste place en fait, les godasses ou chaussons balancés remettaient les compteurs à zéro.

Enfin, c'était l'occasion incroyable surtout d'un grand rassemblement de comédiens et de rencontres multipliées.

Bref...
Arès un grand écrémage, on s'est retrouvé une vingtaine à Créteil et là grand stage de 2 jours : on tournait comme coachs sur les ateliers et ce qu'on adorait c'était qu'on s'auto-éduquait ! Et là, quelques personnalités au dessus du lot se révèlent et deviennent indispensable : Eric Métayer, Michel Lopez... on a été rejoint aussi par Rufus...

La gouvernance était formidable, dans les réunions pour faire la sélection, il n' y avait pas de chef, des prises de becs incroyables, on votait ensuite à bulletin secret. Il y avait aussi des questions de savoirs être qui comptaient beaucoup en fait.
Pour anecdote : une comédienne qui se plaignait de ne pas avoir été retenue alors qu'elle se disait 'bonne' s’était vue rétorquer par Hervée « oui tu es bonne mais tu es chiante »... c'était l'apprentissage du collectif absolument génial !.

H D : On adorait la dimension COLLECTIVE, relations intér-équipes et intertroupes !Le mélange nous intéressait beaucoup ;

MP : Et alors, comment êtes-vous arrivés au Bataclan ?

J L : Lorsqu'il a fallu chercher des salles pour faire connaître les matchs, on a prospecté et avec beaucoup d’enthousiasme, le directeur du Bataclan, nous a accueilli à bras ouvert, et nous a mis à disposition sa salle gratuitement, tous les lundis.
Tout de suit c'est devenu un rdv parisien incontournable fréquenté par les profs les médecins, les bobos de l'époque...

H D : Ce qui créaient l'engouement aussi c'est qu'il y avait des vedettes françaises et américaines qui venaient à chaque rdv et qui parrainaient les équipes, il y avait Bedos, Métayer, Jolivet... Eux-même invitaient leurs amis...
C'étaient une ambiance incroyable, tout le monde clopait, il y avait même une crêpière !
Et puis dans la patinoire d'autres vedettes jouaient (Miou Miou, Genest, Moustaki, Charlebois) On avait les médias, des musiciens, c'était un spectacle total !

Ce qui était impressionnant, c'est à quel point cet échec sur la patinoire, impossible à éviter sur des impros- était difficile pour les comédiens reconnus...
C'était très dur pour eux, peu persistaient..
Tout le monde était traité à égalité, c'était intéressant, c'était ça le propos !!

Le Bataclan c'était l'âge d'or pour nous ! Puis il y a eu le cirque d'hiver... C était trop grand mais ça a marché d'enfer quand même,

Au bout de 10 ans on s'est mis à tourner en rond, des démarrages d'improvisation toujours identiques toujours les même personnages, les mêmes histoires et les mêmes réactions du public...

M P : C'est là, c'est pour cette raison que l'aventure match s'est arrêtée pour vous?

H D : Oui on a été nommé directeurs de la scène nationale de Montbéliard, on a juste fait 2/3 matchs la bas et puis on a arrêté, plus de réservoir de comédiens et puis franchement on était lassé vraiment..

Ah si ! Faut quand même le dire, entre temps il y a quand même eu les mondiaux , là ça relançait l'excitation, il fallait parler d'autres langues, découvrir d'autre cultures, d'autres façon de jouer !

M P : Qu'avez vous gardé du match ?

J L : Mmmm, les produits dérivés, les impostures notamment. On était demandé par les boîtes privés, on n'aimait pas beaucoup...

Mais en fait et surtout... on a décidé de politiser le match d'impro !
Et en 2003, on a créé le Kapouchnik.

M P : Le Kapouchnik est un comme un cousin éloigné du match d'impro, c'est bien ça ?

H D : Oui...
Un spectacle d'improvisation avec des mélanges de comédiens qu'on ne connaît pas, des règles, des rites, rituels, toujours les mêmes (hymne, musique...), la similitude et ce qui nous plaît beaucoup, c'est que le public n'a pas l'impression de voir du théâtre, il est excité comme à un match de foot, il règne une ferveur incroyable ! Et les comédiens sont en permanence sur le fil de l'échec. Il y a toujours aussi la question de l'attachement au comédien qu'on a avec les match et qui nous plaît !

J L : Mais avec le Kapouchnik, on a décidé de sortir du divertissement. Avec le match, les rires devenaient toxiques, et les comédiens se forçaient à faire des vannes, la gaudriole devenait l'ennemi (les français ont malheureusement tous une case Bigard... c'est le problème du off à Avignon d'ailleurs)
Avec le Kapouchnik, on a aussi rencontré ce problème au début ; Mais pour contrer ça on a décidé d'imposer des sujets, dans notre préparation ,

H D : Alors ici les comédiens peuvent reprendre un certain pouvoir sur le public et finalement le public accepte et adore.

M P : Comment fait-on un spectacle politique, qu'est ce qui garantit son inscription dans le réel ?

On y traite des sujets politiques et d'actualités comme la montée du front national, les migrants, le Tsunami, les casques blancs d'Alep...
Après dans le K, il y a toujours un ou deux sujets archis bouffons !

Pour garantir aussi l'inscription du Kapouchnik dans le réel, on a imaginé et intégré dans le spectacle en ouverture, une petite scène ou chaque comédien raconte quelque chose de personnel, d'important voir de grave (Jacques a raconté l’enterrement de sa mère, une autre comédienne à évoqué son avortement...)
Enfin, quand on parle d'une personnalité- y compris locale- on tâche de la faire vraiment exister sur scène et on la ridiculise comme les autres. Notre maire ou Pierre Moscovici de notre région n'y ont pas échappé !


M P Et ça marche ? Quel succès cela rencontre-t-il auprès du public?

H D : Énorme ! Le public, très populaire cette fois contrairement à Paris, se déplace en masse. Surtout en période électorale ! Toute notre vie nous avons espéré ce type et fréquentation de public, c'est un miracle et c'est magnifique.
Tous les mois 400 personnes se déplacent en une matinée, on remplit les réservations !
Nul bonheur n'étant parfait, ce public ne vient pas encore voir nos pièces de Répertoire... C'est chiant mais c'est comme ça.
Nous sommes très fiers, le Kapouchnik est subversif, le match n'est plus que divertissement, des fois les gens viennent nous engueuler à la fin ! C'est indispensable !

M P : Ca fait 13 ans le Kapouchnik et là... vous ne vous lassez toujours pas ?

H D : Non on est souvent terrorisé mais il y a toujours à raconter ! En tous cas, notre règle c'est que le plaisir soit toujours plus important que notre peur et pour l'instant, c'est absolument le cas !


M P : Vous travaillez depuis presque 50 ans, sur une multitude d'autres formes théâtrales et notamment sur des pièces de Répertoire, des performances,  des installations ...
Quelle part à l'improvisation dans votre recherche et production ?

H D : On a souvent travaillé sur des impros longues ex. La nuit unique à Calais(7 h). En fait tous nos spectacles de rue sont de longues impro à canevas, la 2 CV, spectacle majeur dans notre parcours était grandement improvisé !

J L :C'est paradoxalement l'impro qui nous a amené au texte, on en avait marre du langage oral à l'Unité, alors nous nous sommes mis à travailler du Tchekhov, on se desséchait... On s'est dit qu'il fallait se ressourcer avec du texte.

M P : En parlant de texte, je me suis amusée à reprendre certaines de vos citations en les transformant en questions, une façon de les comprendre plus profondément et de vous connaître davantage...
Alors ...

M P : Êtes-vous « Plus voyant plus voyous plus voyeurs » ?

J L : On est les 3, c'est ça le truc!
Hervée, c'est elle la voyou, elle rue dans les brancards , elle tape les flics, une fois on a quitté la Pologne en catastrophe, par une douane de secours, parce qu'on était poursuivi, elle avait frappé la milice pour rire ça n'avait plu...Et puis il y a eu tellement d'autres aventures...

Voyeur parce que on passe notre temps à regarder les gens vivre et à les analyser et c'est que qui nourrit notre théâtre.

Voyant, parce que je ne veux pas nous vanter, n'empêche tout ce qui passe en France on l'a vu venir et on l'a joué (Montée du FN...)

M P : Pourquoi faut il « aller là où il y a du désert »?
J L : Parce que c'était notre mot d'ordre dès le début, si on faisait ce que tout le monde faisait, on allait pas être les meilleurs, Quand on a commencé le théâtre de rue, on était tout seul, le Kapouchnik, on est tout seul en France, on tient beaucoup à faire naître des choses nouvelles, on a, par exemple, fait un spectacle de 13 jours et 13 nuits, un Macbeth en forêt au flambeau … un bordel dans un Hôtel, une spectacle pour démocratiser la tragédie grecque à l'adresse des chiens...

M P : Hervée,  qu'entends-tu par " c'est la haine des vies gâchées qui nous tient en éveil "?

H D C'est ce qui me bouleverse tout le temps, c'est qu'on est entouré surtout ici à Audincourt d'une flopée de vie gâchées et on veut au moins dire en théâtre pourquoi il y a des vies gâchées... et essayer de donner au public les armes de l'esprit...

M P : Mais... c'est quoi au juste une vie gâchée ?

H D : Oh il y a plein de façons, c'est ceux qui ne réalisent rien leur rêves, qui ratent leur vie affective, professionnelle, tous ces jeunes que l'on rencontre, ceux qui ne lisent pas, n'écoutent pas de musique, ne lisent aucun poème... on est des pompiers en quelque sorte. Mais attention, on ne veut jamais faire la morale, attention jamais! Notamment avec les jeunes sortis de prisons et que l'on accueillait, dans nos chantiers d'insertion scénographiques... Je me rappelle de ce chef pompier à Saint Quentin en Yvelines, qui avait dit lors d'une réunion avec les acteurs sociaux et culturels locaux, «  Il faut donner de l'argent public au théâtre de l'Unité parce que si nous, on ramasse les jeunes qui se suicident , eux,  les en empêchent parfois » …

J L : Nous, on veut faire du populaire classieux, notre ennemi numéro 1 c'est Patrick Sébastien, même si le gars est hyper généreux et que je l'aime pourtant beaucoup, mais il faut tout de même faire monter l'âme d'un petit centimètre...

H D : Par exemple dans les Kapouchniks, on prend des styles, des grands créateurs, des auteurs ( Claude Regy, Bob Wilson, Pina Bausch récemment) -sans prévenir notre public d'Audincourt- qui fuirait sinon et on traite nos impros à leur manière (comme dans l'idée du match mais vraiment cette fois) !

Enfin...
M P : Pourquoi « Si on invente rien, nous dévorez-vous ? »

J L : Il y a quantité de gens qui meurent de ne s'être jamais renouveler, c'est le théâtre vieux...
Pour nous on n'a pas le droit de reproduire ce qu'on a déjà fait, c'est très dur, c'est un 'pétard dans le cul' parce qu'on est toujours obligé de trouver autre chose... ça nous arrive bien entendu, mais ce n'est pas plaisant... Le Théâtre du Soleil lui invente toujours... On essaie de faire changer le public de chemins, la seule façon d'y arriver c'est de procurer des émotions. Toi, t'as vécu une émotion au théâtre qui t' a fait bouger sûrement ? Le théâtre a le devoir de faire bouger voilà tout. »

           
... Voilà tout... Quand l'intransigeance et la rage de créer ont l'élégance de durer toute une vie...
                                     


Pour en savoir plus sur le THÉÂTRE DE L 'UNITÉ: http://www.theatredelunite.com/
                                                                 Marie P. pour Impro Bretagne, le 17/01/2017

EXCLUSIF : François Hollande lance son spectacle d'impro en janvier 2017



Impro-Bretagne vous révèle en exclusivité le pari fou de François Hollande pour reconquérir son électorat et remporter l'élection présidentielle en 2017. 

La rumeur enfle dans le Tout-Paris du spectacle et de la politique. Le Président de la République s'apprête à accomplir la campagne présidentielle  la plus audacieuse de toute l'Histoire de la 5éme République. C'est maintenant confirmé, même si le projet reste confiné dans le plus grand secret pour le moment : en parallèle d'une série de meetings et d'émissions télévisées classiques, François Hollande va lancer  un spectacle d'improvisation théâtrale en janvier 2017, dont il assurera la direction artistique et dans lequel il jouera."L'idée a germé quand il a vu le Trophée d'Impro Culture et Diversité, un grand tournoi de matchs d'impro entre collégiens des quatre coins de la France", confie un de ses proches conseillers. "Manuel Valls est allé voir ça l'année suivante. Puis les deux s'en sont parlé, et là, ils ont décidé de le faire."

Selon nos informations, le spectacle s'appellera C'était Pas au Programme et sera programmé tous les 2 émes dimanches du mois à l'Entrepôt, dans le 14 éme arrondissement à Paris, et ce jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle. "François ne voulait surtout pas un lieu trop grand et trop prestigieux. Son choix s'est vite arrêté sur ce fief de l'improvisation, où déjà plusieurs troupes se produisent." La première aura donc lieu le dimanche 8 janvier 2017 et François Hollande sera accompagné sur scène par Manuel Valls, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine. Benjamin Biolay accompagnera les impros au piano. L'entrée sera libre, les invitations à la presse et les réservations grand public vont être ouvertes début décembre.

"Un show qui dépote grave"


"Le pari semble insensé, confie un journaliste parisien, mais c'est sa dernière chance de reconquérir l'électorat jeune. Et ça peut marcher." Encore faut-il que François Hollande soit prêt pour l'événement. Depuis septembre, le Président lit tous les livres sur l'impro et se fait expliquer tous les concepts d'impro par des visiteurs du soir à l'Elysée. Tous ses proches conseillers ont dévoré le Manuel d'Improvisation Théâtrale de Christophe Tournier et Improconcept de Julien Gigault,  et Michel Sapin, chargé des premiers ateliers de préparation, s'en est largement inspiré. "L'idée n'est pas de passer pour des pros de l'impro. Nous jouons plutôt le pari de l'authenticité, confie un autre conseiller. Avec nos faiblesses, mais aussi et surtout avec notre audace." C'est Jacques Séguéla qui assurera la communication autour du spectacle. "Nous voulons faire passer des slogans forts, explique un membre éminent de l'agence de communication de Séguéla. Un show qui dépote grave, des amis qui improvisent ensemble sans se prendre la tête et aussi le côté No Limit du show. Ils vont être incontrôlables !  Et on n'hésitera pas à faire de l'auto-dérision, avec des impros qui se moqueront gentiment des promesses qui n'ont pas été tenues pendant le quinquennat."

A droite, c'est l'incrédulité qui prédomine. "Juppé n'y a pas cru au début quand on lui a raconté ce que Hollande préparait. Sarkozy en fait ses choux gras lors de dîners privés avec des journalistes. Mais il se raconte que les deux ont fait un stage d'initiation à l'impro début octobre", raconte un membre du bureau national du PS. "Hollande est même prêt à organiser un match d'impro PS-Les Républicains. Tout le monde devient fou avec cette histoire."

"L'impro, c'est pas que de la gaudriole"


Un format long improvisé avec le Président de la République est aussi en préparation et sera, selon toute vraisemblance, programmé à La Bellevilloise, à Paris, début mars 2017. D'après certaines sources proches de l'Elysée, ce format long aura pour thème un sujet grave et sera moins festif que le cabaret à l'Entrepôt. Le spectacle pourrait tourner autour de la fermeture de la Jungle de Calais ou des chômeurs de longue durée. "Hollande veut montrer que l'impro, ce n'est pas que de la gaudriole. On peut aussi  y faire passer des choses fortes", confie un de ses amis proches.

A l'Elysée, tout le monde est donc sur le pont pour lancer cette opération de la dernière chance. "Oui, c'est très risqué, avoue une conseillère de l'ombre. Mais c'est en parfaite cohérence avec ce qu'on fait depuis 2012. Hollande n'a fait qu'improviser depuis qu'il est au pouvoir. Autant en faire une force."

Cette campagne présidentielle s'annonce plus imprévisible que ce qui était pronostiqué.

Laurent Mazé
pour Impro-Bretagne

NDLR : Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique.

Chercher le beau

En juillet dernier, lors de l’atelier des formateurs que je proposais à l’improvidence, nous avons cherché ensemble comment mener un exercice plus loin. Nous souhaitions mettre en avant l'importance d’avoir toujours un angle, un parti-pris clair lorsque nous travaillons avec un cadre. Dans la liste des pistes indispensables se trouve “Chercher le beau”. A la découverte de cet élément, certains stagiaires ont eu comme une révélation. Ce n’est, bien entendu, pas la première fois qu’ils considéraient l’esthétique en improvisation mais le rechercher dans l’exercice le plus basique était novateur pour eux.


Cela n’est pas étonnant. Bien qu’il s’agisse de pratiques artistiques à part entière, l’improvisation et le théâtre sont parfois utilisés comme des outils. Nombreux sont les improvisateurs recherchant les effets plutôt que l’expérience. Preuve en est : cet été, cette interview de comédiens spécialistes de la prise de parole qui conseillent allègrement de suivre des ateliers d'improvisation pour acquérir le sens de la répartie.


Journaliste : “Travailler sa capacité d’improviser permets de se faciliter la vie quotidienne ?”
Comédien :  “Oui complément [...] je travaille avec le cycle des récompenses.”


Le cycle des récompenses, l’escalier de la réussite… ces concepts venus tout droit du monde du travail s'immiscent peu à peu dans le vocabulaire de l’improvisation. Si, pédagogiquement, ce sont vos seuls phares ou recherche alors autant vous mettre aux fléchettes. Vous acquerrez plus de répartie en restant 3h dans un bar de quartier qu’en restant 9h dans un atelier d’improvisation. S’adonner, s’abandonner dans une pratique artistique permet justement de ne pas être à la recherche d'efficacité. L’art a besoin d’attention, de signification et non pas d’objectifs personnels qui feraient de l’improvisation une activité de simple consommation. Dans l'idéal, nous devrions nous demander avant chaque atelier pourquoi il est si important de défendre cette façon de créer.


Chercher le beau, le plaisir du geste, la connivence dans le jeu sans être dans le désir de monter une marche plus haute est fondamental. Bien sûr, nous savons rétorquer au fur et à mesure de nos heures de pratique, tout comme un aquarelliste d’extérieur sait sentir la pression atmosphérique, mais ce qu’il lui importe, c’est de peindre et non de prévoir le temps.


Chercher le beau est aussi, vis-à-vis du public, ce que nous avons de plus sublime à donner. Nous manions, généralement, extrêmement bien l’humour en improvisant. Seule la poésie peut désarmer autant que l’humour. Seulement cela n'apparaît pas au détour d’un chemin, cela doit être mis en valeur par les pédagogues. Sans tomber dans le piège qui serait d’opposer l’humour à la beauté, il s’agit de rappeler régulièrement que le délicieux ne peut nous faire que du bien, qu’il est plus facilement accessible qu’il n’y paraît si l’on veut bien être de ceux qui "demeurent dans la beauté des choses"...

Julien Gigault

La Crise de la Quarantaine en Impro

Un mal étrange frappe souvent les improvisateurs et improvisatrices après plusieurs années de pratique. C'est ce que le professeur Bjorklund a diagnostiqué comme étant la Improv Midlife Crisis (1), plus communément connue sous le nom de "Crise de la Quarantaine en Impro". Longtemps ignoré, le mal commence à être pris au sérieux et traité. En 2010, le cabinet de consultation Impro Analyse a été ouvert à Paris par le docteur Marc Le Pelletier et y accueille plus de 300 patients en quête de sens dans leur pratique de l'impro.


"Docteur, pourquoi j'improvise ?"

Paris, 11 ème arrondissement, 66 Boulevard Voltaire. Vendredi 1er juillet 2016. 9h30. Marc Le Pelletier, 45 ans, la blouse blanche délavée et la barbe en bataille, passe machinalement la main dans ses cheveux. Il m'offre un café et me lance sur un ton provocateur : " Vous êtes venu pour écrire sur la souffrance de l'improvisateur ? C'est pas joli-joli." Malaise. Silence gêné. Puis, il détend immédiatement l'atmosphère. "Je ne savais pas qu'Impro Analyse susciterait autant d'intérêt !" Sur son bureau, une pile de dossiers, comme autant de profils d'improvisateurs et d'improvisatrices qui viennent chercher des réponses à leurs questions. "On a de tout : du match d'impro, du cabaret à n'en plus finir, du catch, du format long. Et ils me posent tous la même question : docteur, pourquoi j'improvise ?"

Jean-Jacques, 44 ans, est dans la salle d'attente. Il est le premier rendez-vous de la journée et me parle de sa carrière d'improvisateur. "J'ai été 7 fois Champion du Monde d'Impro, avec plus de 1000 spectacles joués en 15 ans." Il y a quelques mois, lors d'un match d'improvisation, sur une impro comparée ayant pour titre  Du Rififi à Paname, catégorie chantée, c'est le drame. Jean-Jacques fond en larmes dès les premières secondes de jeu. "J'avais commandé un rhythm'n'blues à Didier, notre musicien. J'étais sur scène avec Valérie, avec qui je joue toutes les impros chantées depuis 10 ans. Et quand j'ai commencé à chanter, je me suis aperçu que j'avais fait exactement le même début de chanson deux ans auparavant, mot pour mot. Je me le suis pris en pleine gueule et j'ai craqué." Dès les premières consultations avec Jean-Jacques , le docteur Le Pelletier a dû employer la manière forte pour lui faire admettre qu'il souffrait de la fameuse Improv Midlife Crisis. "Il était dans le déni : il me répétait sans cesse qu'il avait été 7 fois Champion du Monde d'Impro, que ça ne pouvait pas s'arrêter du jour au lendemain, qu'il avait gagné le Mondial d'Impro de Palavas-les-Flots, de Noeux-les-Mines, de Lons-Le-Saunier, de Jouy-en-Josas, de Bourg-La-Reine, de Choisy-Le-Roi, et j'en passe." Puis, un jour, Le Pelletier lui a asséné la phrase-choc. "Je l'ai regardé droit dans les yeux, j'ai avalé une gorgée de café et je lui ai dit qu'il n'était Champion du Monde que de lui-même. Il a pleuré, je l'ai raccompagné en salle d'attente, il a regardé « Le Cercle des Poètes Disparus » avec Robin Williams et deux heures après, ça allait beaucoup mieux."



"J'ai eu soudainement l'impression que je me prostituais quand je jouais un spectacle d'impro."


Christian a 48 ans. Il a 19 ans d'improvisation derrière lui. Il est venu consulter car il ressentait un malaise dont il avait presque honte. "Il y a environ 5 ans, j'ai eu soudainement l'impression que je me prostituais quand je jouais un spectacle d'impro." Au bout de quelques séances, le docteur Le Pelletier met le doigt sur une récurrence étrange. A chaque cabaret d'impro, au moment d'aller chercher un nouveau thème auprès du public, Christian s'aperçoit qu'il hurle à tue-tête aux spectateurs : "Est-ce que ça va toujours ? Est-ce que vous êtes chauds ?" Le Pelletier constate froidement : " Il a besoin de l'approbation du public et de se sentir validé. Un jour, il s'est même excusé auprès du public après ce qu'il considérait comme une mauvaise impro." Lors de la dernière séance, Christian a rédigé un mot qu'il lira aux spectateurs lors de son prochain cabaret d'impro : "Mesdames, messieurs, ce soir, je ne vous demanderai pas comment ça va entre chaque impro. J'imagine qu'il ne va rien vous arriver de catastrophique pendant le spectacle. Et je ne vous demanderai pas d'aller mettre vos commentaires positifs sur BilletRéduc. Vous faites ce que vous voulez, j'en ai rien à branler. Bonne soirée !"


"Je lui ai brusquement serré très fort les couilles. Et je lui ai dit que dorénavant, il n'y aurait plus de caucus avant les impros."


Maryline, 41 ans, est comédienne professionnelle dans la même compagnie d'impro depuis 10 ans. Elle souffre beaucoup sur scène depuis 3 ans. "Tout ça m'est tombé sur la gueule du jour au lendemain. Je n'avais plus envie d'improviser." Depuis 10 ans, toutes ses idées lors des caucus avant les impros étaient systématiquement rejetées par F., partenaire de jeu et directeur artistique de la compagnie. "On a affaire à un cas typique de mansplaining, très courant dans le milieu de l'impro, diagnostique Le Pelletier. L'homme improvisateur dit à la femme improvisatrice : je sais mieux que toi." Maryline a dû prendre son courage à deux mains pour affronter le censeur. "La veille d'un spectacle important, j'ai regardé "Kill Bill 1" et "Kill Bill 2" et ça m'a galvanisée. Le lendemain, avant la première impro, pendant le caucus, j'ai regardé F. dans les yeux et je lui ai brusquement serré très fort les couilles. Et je lui ai dit que dorénavant, il n'y aurait plus de caucus avant les impros. Sur le coup, il a été pétrifié. Je crois qu'il a vu Uma Thurman en face de lui."

Laurent, 42 ans, est aussi comédien improvisateur professionnel. Il n'a pas tout de suite su précisément pourquoi il venait consulter. Ce n'est qu'au fur et à mesure que c'est devenu clair. "Lors d'une séance, raconte Le Pelletier,  je lui ai demandé d'apporter toutes les photos de lui en spectacle qu'il pouvait se procurer. Sur un bon tiers de ces photos, il est torse nu ou en slip et il embrasse une ou plusieurs partenaires de jeu. C'est typique de l'improvisateur en pleine Improv Midlife Crisis. Il suraffirme sa masculinité par le biais de l'impro, protégé qu'il est par le fameux quatrième mur qui le sépare du réel. Pour retrouver du sens, je lui ai suggéré de ne se déshabiller en spectacle que lorsque c'est vraiment nécessaire." Laurent semble en convenir. "J'essaie de me contrôler maintenant. En plus, récemment, je peux libérer mes instincts sur un seul spectacle qui met en scène une douzaine de comédiens et comédiennes participant à une soirée alcoolisée qui tourne mal. Là, il y a prétexte à embrasser !", ajoute-t-il, goguenard.



"Moi aussi, j'ai le droit à ma part d'ombre." 


La journée des consultations est maintenant terminée. Je marche sur le trottoir avec le docteur Le Pelletier. Nous remontons le Boulevard Voltaire et passons devant le Bataclan. Silence. Nous allons nous installer dans un bar quelques dizaines de mètres plus loin. J'ai encore quelques questions à lui poser. J'hésite un instant, puis j'ouvre le Pariscope et je lui montre l'objet de mon questionnement. A la rubrique théâtre, page 69, on voit Les Rois de l’Impro, un spectacle de "malades où les impros s'enchaînent à un rythme effréné dans un délire verbal et gestuel totalement improvisé" (sic). Le spectacle y est décrit comme "le meilleur show d'impro à Paris". Et Marc Le Pelletier joue dans Les Rois de l’Impro. Ce dernier se lève, vexé, et me lance : "Moi aussi, j'ai le droit à ma part d'ombre." Au moment où il quitte le bar, me laissant seul avec mes interrogations, je n'ai qu'une question encore en suspens.


Docteur, pourquoi vous improvisez ?


Laurent Mazé

pour Impro-Bretagne



(1) Improv Midlife Crisis, an insight into a new pathology and the means to cure it, T.S.Bjorklund, Stockholm University Press, 2003.

Heureusement nous ne sommes pas Pixar !

J'adore Pixar, ils ont un talent fou pour captiver avec la même histoire un public inter-générationnel. Evidemment la force de leurs récits ne sera jamais comparable à celle des créateurs japonais tel que Miyazaki ou Hosoda, sans doute à cause de cette manie très américaine de rendre tout mignon, même la fête des morts mexicaine va devenir mignonne à croquer avec "Coco" leur prochaine création prévue en 2017.

Alors qu'ils ne proposent dans les années à venir que des suites : Toy Story 4, Les Indestructibles 2, Cars 3... Ils font l'impasse sur la suite la plus sublime qu'ils auraient pu proposer au grand public : "Le monde de Nemo 2". Au lieu de cela, ils changent de personnage pour réaliser "Le monde de Dory". Ce personnage serait si attachant qu'il mériterait un film entier…

La vérité est que le sujet d'un "Monde de Némo 2" est bien trop subversif pour le grand public. Le poisson clown est un hermaphrodite successif ce qui signifie que les petits naissent mâles et finissent leur vie femelles. Imaginez le sujet d'un film où Némo passerait à l'âge adulte en devenant femelle guidé par son papa devenu lui-même maman... D'un point de vue scénaristique, c'est littéralement époustouflant : affronter le regard de l'autre, réussir sa quête identitaire, c'est la quintessence du "voyage du héros". D'un point de vue sociétal, c'est grandiose : cela renverse tous les arguments jugeant les trans-genres "contre-natures".

Heureusement, nous improvisateurs-trices, ne sommes pas Pixar. Nous n'avons pas la nécessité d'édulcorer nos histoires, bien au contraire Nous sommes ces gens comme tout le monde qui, pour vivre, apprennent des gens, comme tout le monde. Cette histoire de trans-genre nous pouvons la raconter en l'improvisant sur une scène. Il n'y a pas d'histoire sans transformation, même infime soit-elle. C'est ce qui définit une histoire : une suite d'événements qui transforme un ou plusieurs individu. Ne passons pas à coté d'un sujet pareil sous prétexte que le public ne va pas accrocher. Si cela vous anime, si votre interprétation est à la hauteur, toute histoire est bonne à vivre.

Aussi est-il temps de prendre conscience de notre chance. Assumons nos opinions, nos doutes, nos craintes, nos efforts, nos victoires sur scène. Un de mes "chevals de bataille" en ce moment est de demander aux improvisateurs ce qu'il pensent réellement, sur scène, d'un sujet de société ou d'une question philosophique sans qu'ils se cachent derrière un personnage. Je suis surpris de voir que beaucoup pensent ne pas avoir d'opinions et que, a minima, elles ne méritent pas d'être partagées. Bien au contraire : nous avons la parole prenons-la ! Il est certainement bien plus aisé de prétexter jouer un personnage mais, à force de sauter d'histoire en histoire, aucune ne nous atteint réellement. Quel est le sujet que personnellement vous adoreriez traiter sur scène ? Si vous le trouvez, racontez-le encore et encore. Improvisez autour, questionnez-le dans diverses narrations.

Est-ce alors toujours de l'improvisation ? Bien sûr, c'est même de l'improvisation persistante avouée car bien souvent l'improvisation persistante n'est pas voulue ou conscientisée. Voyez comme certains sujets nous habitent plus que d'autres. Et si nous décidions de réitérer un propos pour le questionner dans le temps ? Nous sommes les seuls créateurs refusant totalement de revenir sur ce que nous avons déjà traversé. En improvisant, les peintres pratiquent la série, les danseurs le motif, les musiciens le style. Et nous que nous reste-t-il ? Les accents ? D'"occasionnels" devenons "obsessionnels" : en improvisation cela n'a rien de contre-nature.

Julien Gigault
improconcept

12 questions à Gustave Parking


Un porte flambeau de l'improvisation francophone est sur le devant de la scène depuis bientôt 40 ans. Gustave Parking a commencé sa carrière en improvisant dans la rue, il revient en tournée en France pour jouer son spectacle et propose une série de Masters Class sur l'improvisation théâtrale. En complément de cette interview, visionnez sa magnifique conférence TED sur l'improvisation c'est vivifiant !

A partir de quand a tu utilisé l’improvisation dans tes spectacles ?

J’ai Toujours utilisé l’improvisation car quand je répète devant ma glace elle a tendance à fondre….en larme…. Mes spectacles ne sont plus improvisés mais ont tous été créé en improvisant c’est ce qui les rends plus efficace. La plupart des comiques écrivent une trame et puis trouve la majorité de leurs gags dans l’improvisation quotidienne avec leur publique.

Est-ce que tu travailles ces moments au préalable ou est-ce une nature d’improviser chez toi ?

C’EST LA NATURE DE TOUT LE MONDE D’IMPROVISER mais les institutions, les traditions, la famille et le regard des autres par moment les bloque.

Est-ce que tu as été influencé par des théoriciens ou des artistes liés à l’improvisation ?

Oui évidemment notre mémoire est un grenier qui contient tous les personnages que nous avons connus et que nous devenons en parti. Je ne suis que la somme de mes rencontres. Pour ma part la liste est trop longue mais elle va de Paul andré Sagel à Carlos Traffic en passant pas hENRI bERGSON, JEAN GAGNE-PAIN, Coluche, Rufus, etc…..

J’ai lu que tu avais joué dans un spectacle entier d’improvisation AAAAAAAAAARGLL ! Peux tu nous en parler ?
Qu’elle est ton expérience des autres formats (match, impro longue…) ?

J’ai essayé de faire un solo entier monté à partir d’improvisation en utilisant une montagne d’objets sur scène. Cela se passait dans un grenier. J’ai arrêté car pour les tournées c’était trop lourd d’emmener autant d’objet sans forcément les utiliser. Mais cela m’a servi pour trouver de nouveaux sketchs. Sinon j’ai fais deux saisons au bataclan au début de la lif et quelques expérience en province mais j’étais trop pris par mes propres spectacles pour poursuivre. Je m’y suis remis en Guadeloupe car il nous fallait trouver des formules pour nous renouveler facilement devant un public qui est assez limité en nombre. (Nous sommes à la campagne )

Est-ce que ça te ferait toujours envie de jouer dans un spectacle où le contenu serait improvisé ? 

Oui bien sûr nous le faisons dans les derniers spectacle (concepts) que j’ai écrit « les improvizados », improvizonzon, le grand écolo circus où j’anime des troupes d’improvisateurs.

Tu as écrit une méthode « Impro pour tous », peux tu nous l’exposer ?

Nous avons de très bon retour sur notre expérience en maison d’arrêt pour prévenir la violence et c’est de là que m’es venu l’idée de vulgariser la discipline.

J'ai sélectionné ou inventé une série d’exercices spectaculaires et efficaces qui permet au plus grand nombre de faire rire, donc de prendre confiance et de jouer facilement. Ceci lié à la qualité de l’animateur permet de faire de très bons concepts .

Dans ta conférence TED, tu parles d’être dans l’évidence de soi-même pour jouer, est-cela que tu vises au fond ? l’improvisation pour accéder à la liberté d’expression ?

Le problème des match est qu’ils mettent en avant des comédiens de talent, du coup de nombreuses personnes se disent ce n’est pas pour moi. C’est comme ci tu voyais un super cuisinier et que tu refuse de faire à manger le soir même. Se faire accepter pour ce que l’on est rend plus heureux ...
L’improvisation est devenu un outil pour nous à la préparation de théâtre forum et de spectacles thématiques sur les grand problèmes sociétaux. Les stéréotypes sexistes, la violence scolaire, la relation parent enfant, le VIH, la dépendance…

L’improvisation est reconnue comme pratique artistique mais pas encore comme discipline, pour preuve le peu de scène conventionnée diffusant des spectacles d’improvisations.
Qu’est-ce qui bloque d’après toi ? Est-ce l’image que l’on en donne, la frilosité des institutions… ?

Ce qui bloque c’est la méconnaissance de cette pratique :
Certains pensent que c’est comme le "Jamel Comédie Club", alors que l’idée première est de comprendre la création d’histoire à plusieurs, d'autres pensent que ce ne sont que des matchs, alors que la moitié des improvisateurs ne font jamais de matchs et certains sont carrément contre. D’autres encore pensent qu'il n’y a pas de fond et que les impros sont racoleuses sans sujets de fond. Ce qui est faux car les grands spectacles de A. Mnouchkine comme par exemple " l’Âge d’or" ont été créé à partir d’improvisations. 

Si tu avais en charge une délégation ministériel aux développement de l’improvisation en France, quelles seraient les 3 actions fortes que tu mettrait en place ? 

J’en ferais, avec le chant choral, une discipline à part entière (sans forcément organiser de match) et ce dès le plus jeune âge. J’obligerais les professeurs de toutes disciplines à suivre des stages d’improvisation et j’organiserais au maximum des ateliers parents- enfants. 

L’écologie c’est trouver ce qu’il nous manque dans ce que l’on a déjà et l’improvisation c’est aussi une façon de créer à plusieurs ses propres spectacles, SON PROPRE CHEMIN.






Julien Gigault
improconcept

La Course au Ralenti du match d'impro, histoire d'une genèse

Afficher l'image d'origineC'est sans aucun doute le moment le plus connu des 5 minutes réglementaires et obligatoires d'échauffement avant les matchs d'improvisation théâtrale. Impro-Bretagne revient sur la petite et la grande histoire de La Course au Ralenti.

Nevers, 30 janvier 2016. Le ciel est gris ce jour-là, alors que j'entre dans le bar-PMU "Chez Didier et Marie-Annick" où Jean-Michel Médard, le créateur de La Course au Ralenti, m'a donné rendez-vous. Le bar se situe à quelques encablures de la MJC Daniel Balavoine, où ce soir les Improthésistes de Nevers rencontrent les Funambules de l'Imaginaire Débridé de Chateauroux dans un match qui s'annonce endiablé. Dès que je pénètre dans le débit de boissons nivernais, je reconnais tout de suite Médard, à la grosse moustache blanche goguenarde et au regard rêveur de ceux qui sont restés d'éternels enfants. Je commande un Perrier, il recommande un Picon bière, et je ne sais pas encore que je m'embarque dans une conversation passionnante de 3h30.


"La Course au Ralenti, c'est mon "Abbey Road" à moi"


"La Course au Ralenti, c'est mon "Abbey Road" à moi", me lance Médard, le regard embué, après quelques minutes. Je me souviens avoir lu une interview de Mc Cartney, qui racontait qu'après la séparation des Beatles, il n'imaginait pas sa vie autrement que comme un appendice de sa vie pendant les Beatles. Après avoir inventé la Course au Ralenti, c'est ce que j'ai ressenti. Cela n'a pas été toujours facile à gérer." La Course au Ralenti naît dans l'esprit bouillonnant de Jean-Michel Médard en 1982. A l'époque, c'est déjà un inconditionnel des matches d'improvisation théâtrale, qui viennent de débarquer en France. "Dès que j'entendais qu'il y avait un match à Paris, j'y allais. J'étais metteur en scène à l'époque. Je voyais le match d'impro comme un extraordinaire nouvel espace de possibles. Ca me fascinait." Quand on lui demande comment l'idée a germé dans son esprit, Médard part dans un grand éclat de rire. "C'était le 12 août 1982, je m'en souviens très bien. Je me faisais chier à mourir à la maison. Je regardais un meeting d'athlétisme à la télé. Un moment donné, c'est le départ du 10 000 mètres. Je vois les gars derrière la ligne de départ, serrés les uns contre les autres et là, j'ai un flash."

Médard, son idée dans la besace, cherche à contacter les responsables de la Ligue d'Impro Française. "Au début, ça n'a pas été simple. Bon, je les comprenais. Qu'est ce qu'un petit metteur en scène de Nevers allait bien pouvoir révolutionner dans leur échauffement de match d'impro ?" Au bout de plusieurs tentatives, Médard décroche un rendez-vous. Il présente son idée aux responsables de la Ligue d'Impro avec passion et engagement. "C'est bien simple, dans ma tête, j'étais Spielberg et je vendais mon prochain film", se souvient-il avec émotion. La direction artistique est séduite par l'idée. "Les échauffements jusque là étaient vraiment très emmerdants. C'étaient plus des étirements de sportifs que quelque chose de théâtral." Vient alors  le moment de présenter l'idée et de la mettre en scène avec les comédiens titulaires de la Ligue. Mais Médard fait face à beaucoup de résistances. Remarques désobligeantes, moqueries, quolibets, tout y passe. Après deux jours de travail avec les comédiens, Médard est à deux doigts de jeter l'éponge. Mais la direction artistique le soutient et impose La Course au Ralenti aux comédiens. "Heureusement qu'ils m'ont soutenu. J'avais pris cher pendant ces deux jours." 

"La Course au Ralenti, c'était d'abord et avant tout un geste métathéâtral."

Le grand moment arrive lors du premier match de la saison régulière 1982-1983. Au moment de leur dernière minute d'échauffement, les comédiens de la Ligue d'Impro exécutent La Course au Ralenti devant un public ravi. "C'était magique, se souvient Médard. Mon fantasme prenait littéralement vie sous mes yeux. C'était incroyable de voir tout le monde au diapason, les visages déformés, avec le suspense sur le fait de savoir qui allait gagner la course. Et puis, ce que beaucoup de gens n'ont vu que plus tard, c'est que La Course au Ralenti faisait écho aux impros qui allaient suivre. C'était une course échevelée vers l'inconnu, où l'instant comptait plus que la fin. D'ailleurs, à l'époque, j'avais bien insisté pour que le Maître de Cérémonie arrête la course avant la fin. La Course au Ralenti, c'était d'abord et avant tout un geste métathéâtral."

Le succès de La Course au Ralenti est foudroyant. Le public en redemande. Pour étoffer ses 5 minutes d'échauffements,  la Ligue d'Impro commande d'autres mises en scène à Jean-Michel Médard et lui propose de travailler avec Jean-Pierre Helbert, disparu en 1998. "C'était un mec très inventif, un type adorable, de La Flèche, dans la Sarthe. On était connectés tous les deux. Un jour, je lui ai dit en plaisantant qu'on était les Lennon-Mc Cartney des échauffements de matchs d'impro. Il y avait sans doute un peu de vrai là-dedans", ajoute Médard, des sanglots dans la voix. Six mois après le début de leur collaboration en mai 1983, Helbert et Médard ont déjà créé Le Défilé de Mode, Le Cache-Cache dans le Public, Le Grand Huit, L'Engueulade avec le Coach, La Bombe Qui Passe de Mains en Mains et Le Tai-Chi Entre Les Deux Equipes. "Il y a un exercice que Jean-Pierre a créé tout seul et dont je suis extrêmement jaloux, confie avec malice Médard. C'est Le Samourai, mais à l'époque, j'étais en arrêt de travail car je m'étais fait opérer de la hanche."


"Je constate avec regret que la notion de métathéâtralité est peu à peu évacuée des échauffements de matchs d'impro."


Jean-Michel Médard continue à suivre avec assiduité les matchs d'impro dans sa région et observe plus particulièrement les 5 minutes d'échauffement, nourries année après année de nouveaux numéros. Son verdict est sans appel : "Les coachs qui créent des échauffements aujourd'hui ont complètement dénaturé l'exercice. Déjà, quand je vois ma Course au Ralenti agrémentée de coups de poings dans la gueule entre joueurs, j'ai envie de pleurer. C'est pas ça, la Course au Ralenti. Et puis, ils les finissent, les courses ! N'importe quoi  ! Je constate avec regret que la notion de métathéâtralité est peu à peu évacuée des échauffements de matchs d'impro. Pourtant, c'est important, la métathéâtralité : on dit quelque chose au public sous le vernis du divertissement, et on se dit aussi des choses entre artistes. Des fois, quand je vais voir des échauffements de matchs, j'ai envie de me lever et de gueuler : et la métathéâtralité, bordel ?"

Le soir venu, après l'interview, je vais voir seul le match Nevers-Chateauroux. Et, constatant moi-même l'appauvrissement progressif des échauffements de matchs d'impro, j'ai cette phrase de Jean-Michel Médard qui me résonne dans la tête.

Et la métathéâtralité, bordel ?

Laurent Mazé, pour Impro-Bretagne

Une autre journée du héros

On peut dire ce qu'on veut à propos des vacances de Noël, c'est un des rares moments où on peut revoir Sissi ou des vieux Belmondo à 15h de l'après midi. Si les semaines avant Noël ont vraiment été longues et fatigantes, on peut même enchainer avec un bétisier. J'ai donc profité de mes congés en Normandie pour accrocher 30 minutes du film de Jean Paul Rappeneau Les Mariés de l'an II. N'ayant pas vu le film en entier, je serai incapable de me livrer à une quelconque critique mais je vais par contre tenter de partager les envies d'improviser qu'il m'a éveillé. Nous en profiterons aussi pour parler Mac Guffin selon Hitchcock, enjeux et structure narrative.

Dans le film de Rappeneau, le personnage de Belmondo cherche sa femme pour pouvoir divorcer d'elle. L'intrigue se déroule durant les mois qui suivent la révolution de 1789 et le pays est en ébullition. Cette quête de Belmondo est un pur prétexte pour permettre à Rappeneau de filmer la révolution et réaliser une sorte de tableau des différents partis en présence à l'époque. Le film s'organise comme une suite de situation dans lequel Henry (le personnage de Belmondo) va venir se fourrer, presque toujours par hasard. Il n'est au centre de rien, toujours périphérique, prend très peu de décision, et quand il en prend, elles sont pulsionnelles et non réfléchies au service de sa quête. Soumis aux soubresauts de l'époque révolutionnaire, Belmondo erre. Il marche, se prend les pieds dans une situation fortuie, roule, se lève, tombe dans un autre trou, roule etc.
Cela donne une impression étrange au spectateur. Henry n'est pas vraiment un héros. Il n'y a pas vraiment d'histoire. Il y en a de multiples, et le personnage finit d'ailleurs par s'épaissir au fur et à mesure de ces mesaventures.

J'ai joué beaucoup de longues formes ces dernières années mais jamais de cette façon. J'ai appris, comme nombre d'entre nous je pense, à trouver un enjeu fort pour les personnages principaux et à faire avancer l'histoire en fonction de ces enjeux. Les propositions des autres joueurs sont des services, c'est donc bien qu'il servent l'histoire principale et oeuvrent à sa résolution. Là, il s'agit au contraire de faire l'école buissonnière le plus souvent possible. Perdre son temps pour raconter ce qu'il y a autour. Le héros n'est qu'un fil conducteur entre des histoires qu'on devine plus longues mais dont on ne voit que des extraits, ceux que le héros traverse. Ramené sur une impro longue, il s'agirait donc de donner à un personnage un enjeu, quel qu'il soit, mais de choisir de ne pas le traiter en priorité. Les comédiens au service s'amuseraient alors à créer des situations qui n'ont rien à voir avec l'enjeu du héros, qu'il traverserait, sans forcément les résoudre, puis plongeraient dans une nouvelle situation proposée par ses partenaires. Le travail du "banc" devient donc radicalement différent et complètement libre. Une scène du film résume à lui seul cette méthode. Belmondo se rend à une adresse où il espère obtenir des informations sur sa femme, et quand il rentre, des gens répètent une scène lyrique. Le pianiste l'interpelle et lui dit "ah tiens vous êtes là". Belmondo est pris pour quelqu'un d'autre, et va donc suivre pendant quelques temps l'histoire d'un autre. Pas la sienne. 
Oh le beau spectacle ! Celui dans lequel chaque nouvelle scène commencerait par "ah tiens vous êtes là", et le héros se retrouverait dans une situation complètement nouvelle, sans logique apparente avec le début de l'histoire. Tout est à construire, à inventer, à justifier. Le personnage principal devient un conteur qui éclaire des situations jusque là cachées aux yeux du spectateur.

Dans ce procédé le héros devient une sorte de MacGuffin. Hitchcock définissait le MacGuffin comme l'objet après lequel tout le monde court, méchants comme gentils, mais dont l'importance est secondaire. Prétexte à l'histoire, il n'a même pas besoin d'être défini précisément ni d'être trouvé. C'est un moteur qui met en action les personnages et les oblige à se croiser. Ne pas préciser un élément est souvent une des grosses lacunes des improvisations. Personne ne sait vraiment de quoi on parle : C'est quoi cette valise ? Elle est à qui ? Pourquoi la cherche-t-on ? En quoi c'est important ? Ce sont des questions que j'ai posé 100 fois aux comédiens en atelier. La construction avec un anti-héros MacGuffin court-circuite ce questionnement : public, ne vous focalisez pas la-dessus, l'essentiel est dans les détours ! L'histoire n'est donc plus construite selon le schéma classique de la journée du héros. Pas de seuil, pas d'apprentissage, pas de descente dans la caverne, ou alors uniquement à postériori. On peut en effet imaginer qu'au bout de plusieurs scènes sans réelle cohérence narrative, leur impact sur le héros (ce qu'il est, ce qu'il pense) dessine en filigrane un nouvel enjeu qui vient suppléer l'enjeu mineur initial.

Amis improvisateurs, je m'engage à expérimenter en 2016 une impro longue façon Les mariés du MacGuffin. Je ne manquerai pas alors de venir partager ce retour d'expérience. Si vous faites le test avant moi, merci de venir nous le raconter. Les commentaires sont là pour ça.

A.L. pour les Coyotes à l'Huile 

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Le MC de spectacle d'improvisation et la pédale magique !

La créativité de l'improvisateur étant par nature en Open Source, je partage ici une astuce technique à destination des troupes d'impro pauvres ou sous-staffées.

Oui il est facilement possible de faire à la fois le MC et le DJ sur un cabaret, voir sur un match (si vraiment vous êtes fauchés ou sous-staffés). Comment donc ?

1- Retrouvez votre carton avec vos affiches de Nirvana et ouvrez-le. Peut être y trouverez-vous au fond une pédale d'expression de guitare, vestige de l'époque où vous vous rêviez guitariste solo d'un groupe vraiment trop cool. Sinon, entrez dans un magasin de musique et achetez une pédale d'expression.

2- Branchez cette pédale entre votre source de musique (un téléphone, un ordinateur) et la diffusion de ce son (la table de mixage, ou directement l'ampli). Le tout à l'aide d'un jack.

Branchée ainsi, la pédale vous permet de contrôler simplement avec votre pied le volume du son que vous souhaitez diffuser : de 0 (aucun son) à normal.

3- Préparez-vous une super play-liste d'environ 3h de musique. Que du bon ! Paramétrez votre play-liste de façon à ce que les morceaux s'enchainent en fondu bien appuyé afin d'être sur de ne jamais avoir de blanc entre vos morceaux.

4- Lancez la play-liste !

5- Avec votre pied, vous pouvez donc depuis votre table de MC en match, depuis le devant de la scène en tant que MC de cabaret, ou dans une toute autre configuration non homologuée, décider à quelle moment il y a du son, et et à quel moment il n'y en a pas. La pédale sert de robinet à musique. Vous ouvrez la musique s'entend, vous fermez la musique est coupée.

Attention, dans cette configuration, vous ne contrôlez pas votre play-liste. Elle tourne en continu, vous choisissez juste les moments où vous souhaitez entendre ce qui est joué. Ce que vous entendez à ce moment là est donc aléatoire. D'où l'importance de faire une bonne play-liste, qui colle avec votre type de spectacle.
Vous bénéficiez par contre d'un contrôle assez fin du volume pour pouvoir moduler à loisir entre tout et rien. C'est extrêmement rapide à contrôler et très facile d'installation.

Bons spectacles de pauvre !

A.L. pour les Coyotes à l'Huile 

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La théorie des Cacahuètes par Fabien Velhmann

Fabien Velhmann est scénariste de BD. Et il le fait plutôt très bien. Les participants de l'édition 2014 des Grandes Improvisées à Nantes ont eu l'occasion de suivre sa "Master Class" sur l'imagination et l'écriture d'histoire.

Lors de cette rencontre avec la centaine d'improvisateur présents, il avait partagé sa théorie des cacahuètes, la voilà présentée ici sous forme d'un Pecha Kucha de 7 minutes sous le titre : The peanuts theory


C'est très bon, très simple et ne peut faire que du bien. (Et c'est en français !) 


A.L. pour les Coyotes à l'Huile

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