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Le métissage en impro est un sport de combat


L’idée de cet article est née d’un coup de gueule, né lui-même de l’observation d'une situation. Je m’en souviens très bien, ça s’est passé lors des Assises Nationales de l’Improvisation Théâtrale, le vendredi 3 novembre 2017 aux alentours de 12H. Nous étions un certain nombre de participant.e.s à assister à l’atelier de réflexion autour de l’impro et le social, animé par Hervé Charton, au demeurant très intéressant. Au milieu de nos récits sur la réussite et la richesse de nos expériences de la pratique de l’impro auprès des publics aux différentes origines sociales, culturelles, et autres champs de misères, j’ai observé que, dans l’assistance, j’étais le rare fruit du «nous » qui vantait tant les mérites de la diversité en improvisation théâtrale. Alors, j’ai pris la parole et, poussé par cette onde de colère et de frustration, j’ai posé la question suivante à l’assistance : « Pourquoi il n’y a quasiment que des Blancs à ces Assises ? Pourquoi ça n’est pas plus métissé dans l’assistance ? Pourquoi ce rendez-vous, censé représenter l’improvisation théâtrale dans toute sa diversité, n’attire pas plus que ça les Noirs, Arabes, Asiatiques, etc. ? » Pardonnez-moi si vous trouvez que mes mots sont crus, mais ils ont le mérite d’appeler un chat un chat. Elle était où, en ce matin du 3 novembre 2017, la France « Black Blanc Beur » de l’improvisation théâtrale, pour reprendre l’expression post-Coupe du Monde de football 1998, qui avait suscité tant d’espoirs illusoires ? C’est dans cette salle, à deux pas de la plus grande Cathédrale de France, au milieu de mes nouveaux.elles ami.e.s d’impro et de ceux.celles de toujours, c’est là que moi, le Trappiste binational, j’ai eu cette révélation. Quand j’ai posé cette question, j’avais la certitude que mon constat n’avait rien de hasardeux. Je ne suis pas sociologue, je suis conscient de mes limites dans une analyse de la question qui se voudrait exhaustive, mais je sais que tout cela ne doit rien au hasard. Oui, je crois que nous tous et toutes présent.e.s avons ressenti le manque de diversité dans cet échantillon d’improvisateurs.trices. Alors, il fallait passer aux mots, l’exprimer, l’écrire et, devant tout le monde, j’ai demandé à mon vieux copain d’impro blanc Laurent Mazé s’il voulait bien être mon « nègre » pour l’écrire, cet article. On a ri tous et toutes ensemble pour ne pas pleurer, et Laurent a répondu « Oui, évidemment ». Par conséquent, les mots que vous lisez sont ceux de mon « nègre », mais la réflexion qui se déploie est la mienne. Voilà, ça, c’est dit et écrit, et merci Laurent.


Attention, cet article ne se veut pas polémique, il ne veut pointer du doigt personne, cela serait injuste et contre-productif. Il se veut simplement une alarme, une incitation à se questionner ensemble, alors que l’improvisation théâtrale est encore tout en bas de l’échelle de la reconnaissance « institutionnelle » des disciplines artistiques en France. La question est la suivante : est-ce que dans 50 ans, le trombinoscope de la Comédie Française de l’Improvisation Théâtrale, si tant est que ce truc existe un jour, ressemblera trait pour trait au trombinoscope tout blanc, ou presque, de La Comédie Française, la vraie, celle-là ? Je pose la question en des termes un peu radicaux, mais avouez qu’elle a le mérite de se poser pour une discipline artistique dont les valeurs centrales sont souvent proclamées comme étant celles du partage, de la rencontre et de la diversité.


Pour être tout à fait honnête, ma réflexion sur la question du métissage dans le monde de l’impro s’est déclenchée lors d’un évènement particulier, il y a quelques années. Ce devait être il y a 5 ans ou 6 ans (pardonnez-moi ma mémoire un peu approximative sur la date) et cet événement s’était déroulé au Bataclan. A l’époque, j’avais été contacté par la LIFI pour participer, en tant que comédien improvisateur, à un match d’impro pour la Francophonie. On m’avait invité pour représenter l’Afrique, la Tunisie plus précisément, puisque j’ai la double nationalité franco-tunisienne. J’ai été honoré de l’invitation, que j’ai acceptée avec joie. J’étais fier de représenter la Tunisie (post-révolution tunisienne, qui plus est) dans une patinoire au Bataclan, au milieu de joueurs et joueuses de renom du monde de la Francophonie (France, Québec, Belgique, Suisse, etc…). La soirée fut très belle, la LIFI avait très bien fait les choses. Et puis après l’événement, je me suis demandé : pourquoi moi ? Je ne faisais pas partie des joueurs qu’on appelait ordinairement pour les grands matches. On m’avait plus appelé pour ma double-nationalité et mon histoire personnelle que pour mes pures qualités intrinsèques de comédien.


De fil en aiguille, j’ai commencé à regarder sur internet les trombinoscopes des troupes professionnelles parisiennes, puis en France. Plus tard, j’ai scruté les pages présentant les comédiens et comédiennes qui étaient passé.e.s par l’Improvidence à Lyon, le premier théâtre en France entièrement dédié à l’improvisation théâtrale. Et mon constat fut sans appel : très peu de métissage, des trombinoscopes plutôt blancs. Naturellement ce constat m’a conduit à l’interrogation suivante : pourquoi un tel décalage de représentation entre des pratiques tournées vers les quartiers populaires et les enfants de la République Métissée (je mets volontairement des majuscules) et une sous-représentation chronique de ce métissage dans les structures professionnelles ou amateures, les grands festivals d’impro, que ce soit en tant qu’intervenant.e.s ou stagiaires ? Que se passe-t-il ? Quelles sont les raisons de ce décrochage ? Est-ce simplement un retard, dû à des raisons historiques, qui se comble progressivement ? Ou y a-t-il comme un plafond de verre contre lequel se cogne la République Métissée de l’Impro ? Le football français, si on devait faire une comparaison, propulse jusqu’au plus haut niveau toute une génération d’enfants de la diversité, significative en nombre et en représentation. Pourquoi l’impro n’en fait pas autant, à son niveau, et dans sa « hiérarchie » ?

Je n’ai pas la prétention d’apporter des réponses toutes faites ou d’être exhaustif dans l’analyse. Mais j’ai quelques pistes de réflexion à proposer. Sur le papier, tout porte à croire que l’impro est un outil puissant pour abattre les barrières des différences, qu’elles soient culturelles, ethniques, sociales, etc…et c’est en partie vrai. Comme le dit si bien Papy (NDLR : Alain Degois, co-fondateur avec Jibé Chauvin de Déclic Théâtre à Trappes), qui m’a pris sous son aile il y a 25 ans et m’a fait grandir et m’émanciper au sein de Déclic Théâtre, on s’appuie sur nos points communs pour construire et jouer en impro (et ailleurs !), et non pas sur nos différences. On crée une véritable culture commune, qui est le socle, et que tu enrichis avec tes différences culturelles. Dans un spectacle d’impro généraliste, tu n’es pas a priori casté pour jouer un Blanc, un Noir, un Arabe, un Asiatique, comme cela peut être le cas au cinéma, par exemple. Et pourtant, des barrières subsistent quant à la représentation de la diversité en impro.


Je reviens un instant sur l’histoire et l’action de Déclic Théâtre depuis sa création. A Trappes, l’improvisation théâtrale est une véritable culture locale. Depuis près de 30 ans, tous les collèges de Trappes font de l’impro. Des fratries y sont passées, des parents qui ont fait de l’impro avec Papy ont maintenant leurs enfants qui en en font avec moi. L’impro à Trappes, c’est une culture locale solidement implantée, qui échappe complètement à la culture CSP+ qui sévit ordinairement dans les ligues ou troupes des grandes villes, ou des catégories sociales plus élevées et très majoritairement blanches sont largement représentées. Déclic Théâtre n’est pas la seule structure à mener ce combat, loin de là (les structures qui participent au Trophée Culture et Diversité, pour ne citer que cet exemple, participent aussi à ce mouvement). Mais il n’y a pas suffisamment de relais dans ces quartiers populaires et métissés.


A Trappes, on essaie avec Déclic Théâtre de faire exploser les barrières ethniques et culturelles. C’est ma hantise de faire de « l’entrenous ». Pour moi, il est hors de question d’avoir les mêmes équipes juniors que celles des années 90. Nous ne sommes pas ou plus le porte-étendard des Arabes et des  Noirs de l’impro, pour parler vulgairement. Si vous venez chercher l’exotisme en impro chez nous, passez votre chemin. Nous ne sommes pas des noix de coco. Nous sommes l’impro métissée telle que la France est aujourd’hui, métissée, s’il faut marteler ce mot.  Nous avons construit à coups de débrouilles un château que François Hollande, alors Président de la République, est venu visiter. Nous ne sommes pas dupes, nous savons que nous avons été en partie instrumentalisés, même si ça partait d’un bon sentiment, mais lui a eu au moins le courage de venir voir. C’était le premier à le faire. Nous savons que nous pouvons vite tomber dans la case « Les Noirs et les Arabes font de l’impro et pas de l’art », mais il ne tient qu’à nous de faire mentir ces clichés dans notre pratique de l’impro.


Le documentaire « Liberté, Egalité, Improvisez » a fait grand bruit et a eu un grand impact dynamique et positif, du point de vue de la reconnaissance de notre discipline artistique, dans le monde de l’impro. Mais je pense qu’il n’aborde pas le bon angle, ou de façon trop déformée, quand  Jamel Debbouze est mis autant en avant. Cela a un effet presque contre-productif. Ce que cela peut provoquer, et je le dénonce, c’est que les jeunes issu.e.s de la diversité soient mis dans la case « impro pour devenir des stars », alors que Déclic Théâtre et d’autres structures mènent un travail de fond pour que ces jeunes deviennent simplement comédiens et comédiennes professionnel.le.s et existent véritablement dans ce milieu en dehors de toute étiquette « génération Issa Doumbia /Jamel Debbouze ». Autant j’ai beaucoup de respect et d’estime pour ces personnes et leurs carrières, autant je pense qu’il faut qu’on sorte définitivement de ces représentations si on veut que l’impro soit véritablement un outil d’émancipation et d’éducation populaire de masse. Car pour l’instant, ces jeunes-là, quand ils et elles ne rentrent pas dans cette case rare, font face à un véritable plafond de verre. Une fois sorti.e.s des projets spécialement dédiés à la « diversité », ils sont peu ou pas du tout intégré.e.s à des compagnies pro, ils et elles ne construisent pas leur compagnie pro, ils et elles disparaissent largement du paysage pro. Je voudrais qu’on sorte de cette impression persistante : celle qu’il y a 2 impros, étanches entre elles, à savoir l’impro CSP+, partout répandue sur le même modèle et la même sociologie dans les grandes villes, et l’impro « diversité » style Trappes (ou ailleurs). Certes un championnat de match d’impro comme celui de la LIDY dans les Yvelines, par exemple, a été et reste un beau creuset, mais il faut que le métissage soit partout, qu’il soit déterritorialisé autant que possible.


Les « solutions », si tant est que ce soit le mot soit approprié, existent et sont en chacun de nous. L’idée n’est pas de faire de la discrimination positive pour la « diversité » dans nos castings de spectacle, ça n’aurait aucun sens, quoi de pire que la discrimination pour lutter contre celle-ci. Mais en tant qu’artistes improvisateurs et improvisatrices, directeurs et directrices de compagnies, si nous avons entres autres l’ambition de représenter notre société telle qu’elle est, dans sa diversité, alors nous devons quand même nous interroger sur nos castings de spectacles, malgré tout, au-delà de nos accointances artistiques. Avoir cette interrogation en tête, ne pas faire comme si ça allait de soi, c’est déjà faire avancer cette cause. Les structures professionnelles, associatives, etc, ont aussi une véritable responsabilité, une mission, celle de toujours plus s’ouvrir à la société, dans sa diversité sociale et culturelle, en direction de publics éloignés du « mainstream » CSP+ de l’impro.


Oui, on peut le dire sans crainte, pour reprendre en partie la célèbre formule de Bourdieu : le métissage en impro est un sport de combat.


Par Nour El Yakinn Louiz

(mis en forme par Laurent Mazé)



MATTHIEU RICARD : "L'impro de pleine conscience, c'est jouer dans l'Ici et le Maintenant"


Impro-Bretagne a obtenu un entretien exclusif avec Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire, moine bouddhiste tibétain, praticien et enseignant de la méditation de pleine conscience, qui se passionne depuis des années pour l’improvisation théâtrale. Cet entretien est l’occasion pour lui de faire un tour d’horizon de la production artistique actuelle en impro et de livrer sa vision d’une improvisation de pleine conscience. Un échange d’une rare intensité, qui aura sans aucun doute des répercussions importantes dans le monde de l’impro.


30 janvier 2018. Logan Hall, Londres. Il est 17H30.  Matthieu Ricard termine sa conférence « Bouddhisme et Neurosciences ». Je m’apprête à l’interroger. Pour Impro-Bretagne, le moment est solennel. Nous avons préparé la tenue et l’organisation de cet entretien pendant des mois, et le moment tant attendu se présente enfin. L’idée de cet entretien est née en salle de rédaction quand nous avons discuté de la montée en puissance dans le monde entier d’un courant d’improvisation théâtrale de pleine conscience, dont Matthieu Ricard est un des initiateurs. Depuis cette discussion, d’intenses tractations en coulisses ont eu lieu pour finalement déboucher sur cette entrevue.


Impro-Bretagne : A quand remonte votre passion pour l’improvisation théâtrale ?


Matthieu Ricard : Je m’y suis intéressé dès le début des années 70 quand j’ai entendu parler du travail de Del Close à Chicago dans les années 60. Tout cela m’a tout de suite intrigué, car j’y voyais des accointances troublantes avec certains principes de vie du bouddhisme et la pleine conscience. Mais le fait d’avoir décidé d’aller vivre dans l’Himalaya ne me permettait pas de me déplacer facilement pour mon agrément personnel, même si j’avais très envie de voir ce qui se passait à Chicago en matière d’improvisation théâtrale et de vérifier l’intuition puissante que je ressentais à l’époque. Puis, plus tard , j’ai entendu parler du travail de Keith Johnstone au Canada. J’ai lu avec avidité Impro et Impro for Storytellers. Puis j’ai eu vent de la naissance de la LNI et du match d’impro à Montréal, et j’ai d’ailleurs pu visionner des matches enregistrés sur des cassettes VHS acheminées jusqu'à moi, quand ils ont commencé à être diffusés à la télévision au Québec. Je crois que j’ai vécu la même chose que toutes les personnes passionnées par l’impro dans le monde : quand on attrape le virus, on ne peut plus s’en défaire ! (rires)


IB : Quelles accointances voyez-vous entre l’impro et la pratique de la pleine conscience ?


MR : Je me reconnais complètement dans la nécessité d’être connecté à l’instant présent, de faire fi de tout ce qui relève du passé ou du futur, pour vivre pleinement l’instant présent. Je note que partout dans le monde, les improvisateurs et improvisatrices insistent sur la nécessité d’être dans l’Ici et le Maintenant pour bien improviser, et cela résonne fortement avec l’enseignement et la pratique de la pleine conscience. L’impro de pleine conscience, c’est jouer dans l’Ici et le Maintenant. Au-delà de cet élément fondamental, je revendique aussi la nouveauté qu’apporte le courant d’impro de pleine conscience par rapport aux autres écoles.


"Moins tu es spectaculaire, plus tu es un spectacle à contempler."


IB : Quelle nouveauté apporte ce courant d’impro ?


MR : J’ai eu des échanges passionnants à ce sujet avec Del Close, Keith Johnstone et Robert Gravel, quand j’ai enfin pu les rencontrer au début des années 90. Au-delà de la vision commune de l’art improvisé qui nous rassemble, je prends mes distances par rapport à cette injonction quasi dictatoriale pour les improvisateurs et improvisatrices de vouloir créer à tous prix, de vouloir sortir quelque chose de leurs entrailles. L’école d’impro de pleine conscience insiste plus sur l’immanence de ce qui est déjà avant même que la scène ne commence, et sur l’idée d’être dans l’impro, tout simplement, plutôt que vouloir faire quelque chose à tous prix. L’impro de pleine conscience n’est ni volontariste ni virtuose, elle tend plus à l’immanence des choses et à l’essence de la réalité à dévoiler. Dans les années 90, les écoles d’impro de pleine conscience, avec lesquelles je suis engagé, plus ou moins inspirées des pratiques bouddhistes et implantées un peu partout dans le monde, ont progressivement repris à leur compte tous les formats d’impro « occidentaux », qu’elles ont adaptés à leur vision de l’impro. Quel que soit le format, les enseignants d’impro de pleine conscience ont constaté un invariant absolu, qu’ils transmettent à tous leurs élèves qui débutent en impro : moins tu fais, plus tu es et, partant, moins tu es spectaculaire, plus tu es un spectacle à contempler. Ce principe va plus loin que la célèbre formule « Less is More », répétée inlassablement dans les workshops du monde entier. L’école d’impro de pleine conscience dit plutôt : « Less is », littéralement que « Le moins est », avec cette idée sous-jacente que « More isn’t », que « Le plus n’existe pas ». En affirmant radicalement que « Less is », nous visons le dépouillement complet de l’instant improvisé, et le profond contentement qui en résulte.


IB : Concrètement, vous avez créé des workshops pour transmettre l’enseignement de l’impro de pleine conscience ?


MR : Effectivement, au milieu des années 2000, nous avons constaté une forte demande sur le sujet venant d’improvisateurs et d’improvisatrices du monde entier, lassés par l’impro frénétique, futile et sans fond. Nous avons développé un premier workshop, intitulé « BE PRESENT », qui a obtenu un grand succès. Puis nous avons développé d’autres workshops qui allaient encore plus loin dans la démarche : « BE PRESENT HERE AND NOW » (niveau 2), « BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE (niveau 3), «BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE IN THE STILLNESS OF THE HOLY SCENE » (niveau 4), puis enfin « «BE PRESENT HERE AND NOW AND NOWHERE ELSE IN THE STILLNESS OF THE HOLY SCENE, AND DON’T YOU LET YOUR MIND WANDER OTHERWISE YOU WILL NOT DEVELOP TRULY ORGANIC IMPROV (niveau 5). Depuis plusieurs années, tous nos workshops d’été, quel que soit le niveau, sont complets six mois à l’avance. Cela veut bien dire que l’impro occidentale est en quête de sens et qu’elle vient chercher une approche novatrice et plus authentique dans nos workshops.



"L’improvisation théâtrale est un souffle commun bienveillant qui passe à travers tous les êtres"


IB : Vous avez même développé une approche du match d’impro de pleine conscience, n’est-ce pas ?

MR : Oui, nous l’avons fait en collaboration avec Robert Gravel et Yvon Leduc au début des années 90. Nous avons tenu à ce que cette adaptation reste confidentielle, car nous ne voulions pas participer aux Mondiaux de Matches d’Impro. Nous voulions garder une identité forte par rapport à notre approche du match d’impro. Nous savions que nous n’aurions pas pu suivre un autre décorum que le nôtre.

IB : Quelles différences y a-t-il entre le match d’impro originel et le match d’impro de pleine conscience ?


MR : Nous avons gardé la patinoire car cet espace scénique nous parait intéressant. Il est l’espace sacré de l’être véritable. Nous avons également gardé les maillots de hockey, en hommage à Robert Gravel, mais nous n’avons ni numéros ni nominettes. En effet, nous rejetons fondamentalement l’idée d’individualisation de l’acte improvisé. Pour nous, l’improvisation théâtrale est un souffle commun bienveillant qui passe à travers tous les êtres. Inutile donc d’identifier les participants. Nous ne faisons que des improvisations mixtes, nous rejetons les improvisations comparées, car l’acte d'improviser est un rassemblement des énergies communes, plutôt qu’une comparaison. Il n’y a pas non plus de vote. A la fin de chaque improvisation, les spectateurs se recueillent pour décider, en pleine conscience, chacun et chacune dans son être intérieur, si l’improvisation jouée se rapprochait d’un être total improvisé ou pas. L’arbitre n’est que le réceptacle de ce ressenti collectif, qu’il doit saisir avant de complimenter ou d’admonester les joueurs. L’arbitre ne prépare pas de thèmes, comme le font les arbitres occidentaux. Il prend le thème immanent, qui est déjà là. Il l’accueille et l’accepte sans jugement. L’arbitre ne signale aucune faute. Les joueurs et joueuses sont libres de se les décerner, en pleine conscience, d’accueillir leurs insuffisances sans jugement. Les étoiles sont remises aux joueurs et aux joueuses les plus effacés, à ceux et celles qui ont accepté de dissoudre leur être improvisant dans le tout du match. Notre décorum est aussi plus léger que le vôtre. Il n’y a pas de MC, juste un messager, de préférence frêle et discret, et l’ambiance sonore consiste en quelques coups de gongs pour marquer les fins d’impros. Nous ne faisons pas cinq minutes d’échauffement réglementaire et obligatoire. Nous avons préféré instaurer cinq minutes de méditation de pleine conscience réglementaire et obligatoire, pour mieux connecter les acteurs et les spectateurs. Quant aux hymnes, ils ne sont pas chantés. Ils sont juste vécus intérieurement par les joueurs et les joueuses, assis sur le rebord avant de la patinoire. Nous avons gardé le principe de trois périodes de trente minutes entrecoupées de deux pauses de dix minutes, car improviser en pleine conscience nécessite de s’octroyer deux pauses pour reposer l’esprit et les sens.


« A chaque fois que tu avales un bonbon Haribo ou un sandwich aux rillettes, c’est ton être intérieur que tu dévores. »



IB : Vous avez gardé le pantalon de jogging pour les joueurs et joueuses. Pourquoi ?

MR :  Oui ! Cela peut paraître surprenant au premier abord car c’est résolument un accoutrement occidental. Mais il faut y voir un clin d’œil ironique de notre part ! (rires). Le pantalon de jogging est le symbole de l’Occidental qui s’ennuie, qui mange des chips devant sa télévision le dimanche après- midi, ou qui tond sa pelouse en grommelant. (rires) Le pantalon de jogging révèle le dénuement de l’Occidental. C’est cette notion de dénuement qui nous intéresse, le dénuement pour accueillir sans jugement ce qui est déjà, et le pantalon de jogging le symbolise parfaitement.


IB : Avez-vous vu des matches d’impro occidentaux ? Qu’avez-vous remarqué de particulier dans ceux-ci ?


MR : Les rires mécaniques des spectateurs m’ont dérangé. Le rire du spectateur de match d’impro occidental est une réaction gutturale, guère plus. Nos spectateurs de pleine conscience rient dans le recueillement, et pourtant ils assistent à des impros diaboliquement drôles. Vous auriez peut-être intérêt à rire plus intérieurement, pour développer un rire véritable. Lors d’un récent déplacement en France, je suis allé voir un match et on m’a présenté aux joueurs et joueuses dans les coulisses. Le catering d’avant-match m’a horrifié, au vu des quantités gastronomiques de nourriture d’appoint ingurgitées avant le match. C’est un symptôme de votre société de consommation et du spectacle, qui brûle ses ressources et se vide de son être. J’aurais envie de dire à vos joueurs et joueuses de matchs d’impro : « A chaque fois que tu avales un bonbon Haribo ou un sandwich aux rillettes, c’est ton être intérieur que tu dévores. »


IB : Approuvez-vous la notion du « Oui et… », commune à toutes les écoles d’impro occidentales ?


MR : Là encore, nous faisons un pas de côté. Nous, improvisateurs et improvisatrices de pleine conscience, nous nous contentons de dire « Oui » aux propositions du partenaire de jeu. Pour nous, le « Oui et… » va déjà trop loin. Il est une tentative d’appropriation de l’impro, de développement quasi narcissique de sa propre proposition personnelle, d’avancement inapproprié de son ego. Dire seulement « Oui », c’est accepter radicalement l’autre, sans vouloir le transformer, voire le pervertir. Cela donne des improvisations formidablement statiques, d’une puissance insoupçonnée. Il n’y a ni début, ni milieu, ni fin : l’impro est, et elle se suffit à elle-même. Et d’ailleurs, nous ne faisons aucune différence entre impro courte et impro longue. Nos impros n’ont pas de durée, nous les percevons comme suspendues dans le temps.


"Il faut chercher en tant que spectateur à accéder à la sublime contemplation du vide."


IB : Quel regard portez-vous sur la nouvelle scène française de l’impro ? Quels spectacles vous intéressent ?


MR : Je m’informe régulièrement des dernières tendances. Je note une volonté commune de plus en plus répandue de jouer de l’impro véritablement organique. Pour encore plus rapprocher les points de vue, les écoles d’impro de pleine conscience souhaitent organiser un Mindfulness Improv Festival en 2019 à l’Improvidence à Lyon. C’est en cours de négociation. Par ailleurs, j’ai assisté au spectacle « The Party » l’année dernière lors du festival WISE en 2017 près de Clermont-Ferrand. J’ai beaucoup aimé. J’aime cette idée de soirée qui se termine dans le chaos, c’est un peu une allégorie des sociétés occidentales qui vont droit dans le mur. Nous prévoyons d’obtenir les droits de ce spectacle et d’en faire une adaptation de pleine conscience. Notre adaptation ne se terminera pas dans le chaos, elle aura au contraire pour fil conducteur la restauration de l’ordre et d’un état de sérénité après le désordre temporaire. Ce serait plus l’idée d’une soirée qui se déroule dans la plus parfaite sérénité quand soudainement, un ou une des invités renverse l’assiette de curly. Comment la surface de l’eau redevient-elle parfaitement plate après avoir été troublée par le jet d’un caillou ? C’est cela qui nous intéresse dans notre approche de l’impro de pleine conscience. Je me répète sans cesse la même chose à chaque fois que je vais voir un spectacle d’impro n’importe où dans le monde : au-delà de l’agitation des corps, au-delà du fracas des mots, il faut chercher en tant que spectateur à accéder à la sublime contemplation du vide. Ce n'est pas la surface agitée de l’océan qu’il faut regarder, mais les abysses qui renferment des trésors immémoriaux.


Propos recueillis par Laurent Mazé pour Impro-Bretagne


(Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique…)


EMMANUEL MACRON : "J'aime l'impro parce que c'est une activité libérale"


Vendredi 29 septembre 2017. 11H11. Le moment est solennel. Je suis dans la cour de l’Elysée. J’attends que le Président de la République me reçoive pour un entretien sur l’improvisation théâtrale. Pour la rédaction d’Impro-Bretagne, c’est un aboutissement, la fin d’un combat acharné qui a duré trois longs mois. Après d’innombrables coups de téléphone, des mails fiévreux, des ultimatums audacieux, c’est fait. Emmanuel Macron a accepté notre proposition d’entretien. L’idée est née quand nous avons su que le Président de la République s’intéressait de très près à l’impro, dans les pas de François Hollande, son maître à penser. C’est un petit miracle qu’il ait pu me recevoir et me caler un rendez-vous dans son emploi du temps surchargé.
J’entre dans son bureau. Il a l’air détendu. Une chanson de Rihanna résonne dans la pièce. Il m’offre un Perrier tranche. Sur son bureau, plusieurs magazines en désordre : L’Express, Le Point, The Economist, Pélerin Magazine. Nemo, son chien, est affalé sur le tapis en face de la cheminée. Il me regarde fixement, sans bouger. Lui aussi a l’air détendu. Mon cœur bat la chamade. Je sors mon micro ZoomH2. Je sors mon cahier avec mes questions réécrites cent fois. Le Président reçoit un coup de fil. Il décroche et répond à son interlocutrice : « Non, Muriel, je peux pas, là. Plus tard. » Il coupe son téléphone et me dit : « On y va ? ». C’est parti.


Impro-Bretagne : Monsieur le Président, nous savons que vous aimez beaucoup l’improvisation théâtrale. Pourquoi ce grand intérêt pour cette discipline artistique ?


Emmanuel Macron : Je trouve ça particulièrement bluffant. Jouer sans texte, je trouve ça vraiment bluffant. C’est incroyable, on vous donne un mot et boum, vous partez sur une impro, sans réfléchir. J’ai récemment vu un cabaret d’impro. Les comédiens ont eu le mot «mammifère » et ils ont embarqué dans une histoire de baleine qui adoptait un bébé panda qui avait perdu sa maman. Le théâtre de texte ne permet pas ça. Vous pouvez chercher dans le répertoire théâtral : vous ne trouverez jamais une histoire de baleine qui adopte un bébé panda qui a perdu sa maman. L’improvisation apporte un souffle vital au spectacle vivant en cela qu’on peut absolument tout raconter avec l’improvisation. Tout est possible, c’est la liberté totale. J’aime cette idée de liberté totale. C’est comme si vous passiez un pacte de confiance avec le public et que vous lui disiez : « Ensemble, tout devient possible. » Je crois que l’improvisation est essentielle dans notre monde de latéralité : nous construisons ensemble le monde de demain, acteurs et spectateurs. Nous passons un contrat de confiance, en toute liberté, ensemble.


IB : Vous avez vu différents formats de spectacles d’improvisation ?


EM : Oui, j’ai vu de multiples concepts de cabarets, qui sont vraiment tous très intéressants, car ils sont chacun une proposition dans un tout, une manière d’aborder la discipline à chaque fois différente et complémentaire. Ils sont chacun une pièce dans un puzzle qui n’est jamais terminé. Le puzzle de l’improvisation se construit au fur et à mesure, dans un monde changeant. Il est adaptable et mouvant, comme le monde, lui aussi mouvant. J’ai aussi vu des formats d’impros longues. C’est encore plus bluffant que les formats d’impros courtes. Par exemple, si  je reprends l’histoire de la baleine qui adopte le bébé panda, grâce au format long, on va s’intéresser de très près à la psychologie de la baleine. On va se demander pourquoi la baleine adopte le bébé panda. Et on va aussi pouvoir développer le point de vue du bébé panda. Qu’est-ce qu’on ressent, quand on est un bébé panda et qu’on a une maman baleine ? Grâce à l’imaginaire débridé de l’improvisation, on arrive à aborder des thématiques universelles, comme le combat contre le racisme ou le droit à la différence, par exemple. J'aime cette idée, cette pensée complexe que déploie l'improvisation.


IB : La rumeur dit que votre format préféré reste le match d’improvisation. Vous confirmez ? Si oui, pourquoi ?


EM : Oui, absolument ! J’adore le match d’impro. D’abord, j’adore l’ambiance festive qui y règne. C’est important, l’ambiance festive, on a tendance à l’oublier. C’est comme en communication : le message passe d’autant mieux quand la forme du message est bien travaillée. C’est ce qui me plaît dans le match d’impro : quand le contenu a tendance à faiblir, le décorum du message vient prendre le relais. Il supplée, voire supplante, le message. Le message peut être indifféremment forme et fond, on s’en fiche, après tout. Je me permets une petite comparaison avec le message politique : il peut arriver à certains moments qu’on n’ait rien à dire dans ce monde où on doit toujours dire quelque chose, mais ce n’est pas si grave. Ce sont des temps de transition de recherche de sens, mais allant vers un nouveau sens qui viendra, c’est certain. Il faut occuper le terrain. C’est ce que je me tue à répéter à mes conseillers politiques : « Vous êtes des chroniqueurs politiques. Entre deux rubriques, pensez toujours aux jingles. » Le match d’impro me plaît beaucoup pour ça : quand le sens disparaît, il nous divertit élégamment, en attendant que le sens revienne. Le match d’impro est un bon communicant, en somme.(Rires) Dans le match d'impro, j'aime également cette collusion entre banal et extraordinaire : costume banal mais histoires extraordinaires. Cette proximité entre port du pantalon de jogging et port altier du geste et du verbe est véritablement disruptive. C'est une idée moderne : les génies peuvent aussi tondre leur pelouse, en pantalon de jogging. Les Grands de ce Monde sont des êtres humains comme les autres. Après tout, il n'est pas interdit de penser que Shakespeare ait écrit "Hamlet" alors qu'il portait ce qui était considéré à l'époque comme le pantalon de jogging Elizabethain. Cassons cette image d'une société de classes enfermées dans leurs habits respectifs. Aujourd'hui, tout le monde porte son propre pantalon de jogging. Le plus important, ce n'est pas de porter le pantalon de jogging, mais de savoir comment on le porte. 

C'est cela que raconte le match d'impro en creux, et c'est passionnant.

IB : Que pensez-vous du vote lors des matchs d’impro ? L’élu de la Nation que vous êtes doit y attacher une importance particulière ?


EM : Absolument. Pour moi, c’est très important que les spectateurs puissent choisir en conscience l’impro qu’ils ou elles ont préférée. L’idée que l’art puisse être démocratique est une idée que je défends.  Le vote avec  le carton bicolore est un geste qui a des conséquences, il n’est pas anodin. Je suis allé voir un match d’impro la semaine dernière. Je peux vous certifier que pour un bon nombre d’impros mixtes, le choix a été cornélien dans le vote. A qui dois-je donner le point ? A ce comédien qui a génialement joué cet ours polaire enfermé dans un réfrigérateur, ou à cette comédienne qui a subtilement mimé le même réfrigérateur, en se mettant au service de l’impro ? Choix difficile. C’est un peu comme en politique : certains dirigeants profitent dans les sondages du travail de fond entrepris par d’autres. L’Histoire est parfois cruelle avec les uns, qu'on décrit injustement comme des rois fainéants qui n’ont rien fait, alors que d’autres trustent les pages des livres d’Histoire, puncheurs opportunistes quand les grandes batailles ont déjà été menées. Le moment de la remise des étoiles est d’autant plus important. C’est par essence le moment méritocratique du match d’impro. Il faut savoir reconnaître les meilleurs d’entre nous, comme la République sait reconnaître les siens. Celui ou celle qui a su convaincre le public mérite les éloges, celui ou celle qui est au passé.e au travers du désir du public doit revoir sa copie. Croyez-moi, je sais de quoi je parle.


IB : Certains et certaines n’utilisent pas l’impro comme fin mais comme moyen, vers la création de spectacles plus ou moins écrits et figés ? Qu’en pensez-vous ?


EM : J’ai de grandes réserves par rapport à cette démarche. Pardonnez-moi  l’expression, mais on ne peut pas mentir sur la marchandise. Quand on annonce « spectacle improvisé », il faut que ce soit vraiment improvisé, de bout en bout. Sinon à quoi bon ? Autant faire tout de suite un spectacle écrit. Le public, comme l’électeur, n’aime pas être floué et voit d’un très mauvais œil les promesses non tenues. Si je ne tenais pas mes engagements pris pendant la campagne présidentielle, de quoi  j’aurais l’air ? Vous seriez le premier à me le reprocher et vous auriez raison. Il faut tenir ses engagements. Le spectacle d’impro est un contrat de confiance entre les personnes sur scène et le public. Pas d’écran de fumée, que diable ! Soyons transparents quand nous improvisons !


IB : Vous dites accorder une attention particulière aux produits dérivés de l’impro destinés au monde de l’entreprise ? Pourquoi ?


EM : Je trouve ça très intéressant d’amener l’impro dans le monde de l’entreprise. Les valeurs de l’impro sont communes à celles de l’entreprise : savoir s’adapter, écouter l’autre, construire ensemble, lâcher prise. L’entreprise est aussi une improvisation : nous ne savons jamais de quoi demain sera fait. Tout s’écrit en direct, et sans filet. Parfois, le personnage qu’on défend mordicus doit sortir de l’improvisation, pour le bien de l’improvisation. L’entreprise et l’improvisation doivent être toutes les deux défendues coûte que coûte, au-dessus des intérêts individuels ou catégoriels. L’histoire prime sur les personnages.


IB : Finalement, d’un point de vue philosophique, pourquoi aimez-vous l’improvisation ?


EM : Parce que l’improvisation, c’est déjà demain. Ce qui a été joué n’existe déjà plus. Il faut regarder devant. L’improvisation, c’est la liberté des pionniers de l’imaginaire, dans un monde qui bouge. Déjà, je le vois bien, vous vous adaptez au monde de demain. Vous ne dites plus « atelier » mais « workshop », et vous commencez à donner des titres anglais à tous vos spectacles et autres workshops. Vous êtes les auto-entrepreneurs de vos imaginaires, vous êtes les startups qui vont révolutionner le théâtre. J’aime aussi cette idée, largement répandue dans votre milieu, que « Less is more ». Oui, exactement ! Faisons mieux avec moins ! A bien y réfléchir, j’aime l’impro parce que c’est une activité libérale.



Propos recueillis par Laurent Mazé pour Impro-Bretagne



NDLR : Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique...

Dans les coulisses de la Police de l'Impro

Organisation encore méconnue, la Police de l'Impro repère et met fin aux fraudes à l'impro. Enquête exclusive. 


25 mars 2017. Nanterre. 10H30. J'entre dans un petit immeuble cossu, qui ne paie pas de mine : la Brigade Centrale pour la Répression des Fraudes Communautaires. Nichée en son sein, une équipe indépendante y opère, au 7 ème étage, sous un mystérieux sigle : la B.R.F. I. T.

"Des plaintes arrivent de partout"


La B.R.F.I.T. c'est la Brigade de Répression des Fraudes à l'Improvisation Théâtrale, plus communément surnommée "Police de l'Impro" par ses agents. La Police de l'Impro a été instaurée par les pouvoirs publics en septembre 2008, suite à de nombreuses plaintes de spectateurs. Marc Pelletier, la quarantaine, jean-baskets, coupe de cheveux en brosse, témoigne : "Au début, on n'était pas submergé par le boulot, mais maintenant, des plaintes arrivent de partout. On a doublé nos effectifs depuis la création de la Brigade." Sur son bureau, les dossiers s'empilent, pour divers motifs, mais se rapportant tous au même grief : la fraude au spectacle d'impro. Marc a dû couper son portable pendant notre entretien, car il reçoit un signalement "toutes les dix minutes environ." Quand le signalement est réceptionné, la procédure est toujours la même : aller sur Billet Réduc pour faire une fiche signalétique du spectacle, enquêter sur le casting pour voir s'il y a des récidivistes, recouper l'info avec des spectateurs-indics et, le cas échéant, "aller taper le théâtre", c'est à dire procéder à des interpellations en plein spectacle. La suite de la procédure peut aller du classement sans suite au reclassement du spectacle à la rubrique "théâtre écrit", voire, dans le pire des cas, à l'interdiction pure et simple du spectacle avec remboursement des places aux spectateurs.

"Ce n'est plus de l'impro, c'est préparé à l'avance, ça se voit bien."


Neullly-sur-Marne, 13H30, place André-Malraux. C'est là où habite Sylvie Poulbaux, spectatrice passionnée d'impro, depuis les débuts de la Ligue d'Improvisation Française au début des années 80. "A cette époque, c'était magique, les joueurs et joueuses ne savaient pas du tout ce qu'ils allaient jouer à la seconde près." Sylvie se dit ulcérée par la plupart des spectacles d'impro qu'elle voit maintenant. "Ce n'est plus de l'impro, c'est préparé à l'avance, ça se voit bien. Dès le début des spectacles, on voit que les scènes ont été répétées." Il y a trois ans, après avoir fait des dizaines de signalements, Sylvie, à bout de nerfs, a franchi le pas : "Je suis devenu informatrice officielle, ou indic si vous préférez, de la Police de l'Impro. Parce que je trouve ça indispensable de défendre l'impro, et puis ça me permet de boucler mes fins de mois." Sylvie Poulbaux n'est pas la seule spectatrice d'impro en colère. Partout, aux quatre coins de la France, des passionnés de l'art improvisé dénoncent les pires fraudes à l'impro.

"Je sépare bien théâtre et impro. Je ne veux pas replonger."


Frédéric habite à Nantes. Comédien improvisateur depuis 10 ans, il a été interpellé puis mis à l'épreuve pour participation à un faux spectacle improvisé à trames, recel de conduite de spectacle, préparation en amont de personnages et réutilisation de personnages aggravée. "Je ne sais pas ce qui m'a pris, confesse Frédéric. Je suis tombé dans un engrenage. Après plusieurs années de cabarets d'impros dans lesquels, à partir d'un mot tiré au sort, on jouait des impros, j'ai commencé à prendre goût à des spectacles plus léchés, pensés en amont. Je voulais faire le lien entre mise en scène et impro, avec un parti-pris, un point de vue. C'était de la pure folie." Puis, un soir, la Police de l'Impro est venue  interrompre un format long de sa troupe. "C'était un membre infiltré de la troupe qui nous avait dénoncés. On n'avait rien vu venir." Lors de l'interrogatoire, Frédéric a tout nié devant des agents de la Police de l'Impro. Mais, pendant l'interrogatoire, on a demandé à Frédéric de faire une impro solo sur le mot "Concombre". Le piège s'est refermé sur lui. "Je ne savais plus improviser. Le mot "concombre" m'a complètement bloqué. J'étais démasqué. J'ai paniqué, j'ai fait n'importe quoi." Aujourd'hui, Frédéric dit s'être rangé. "Je me suis remis à faire des cabarets dans des petits bars. Je sépare bien théâtre et impro. Je ne veux pas replonger."


"Ils sont où, les acrobates de l'imaginaire, les funambules de l'impro, bordel ?"


Cergy Pontoise. 20H45. L'agent Pelletier et son équipe sont prêts à intervenir lors d'un spectacle soupçonné d'être un simulacre d'improvisation. Une fois à l'intérieur, les agents plient l'affaire en quelques minutes. La musicienne avoue rapidement avoir préparé des morceaux et une conduite avec une trame d'histoire est retrouvée en coulisses. Le régisseur lumières avoue aussi rapidement que toutes les transitions entre les scènes étaient calées.

De retour à la Brigade à Nanterre, Marc Pelletier a les traits tirés, après une dure journée. Son visage laisse transparaître un fond de colère. "Ces gens-là sont en train de tuer l'impro. C'est une honte ! Ils sont complètement inconscients, s'exclame-t-il. Ils sont où, les acrobates de l'imaginaire, les funambules de l'impro, bordel ?" Mais, à peine Pelletier a-t-il entamé sa diatribe qu'il doit déjà repartir sur le terrain. Au même moment, sans doute, ses collègues à Nantes, Rennes, Lyon ou Grenoble partent aussi sur le terrain pour mettre les mains dans le cambouis.

Je me retrouve bientôt seul dans son bureau, prêt à partir. Je regarde une dernière fois autour de moi. De grandes affiches, comme autant de slogans, s'étalent sur les murs du bureau :

"Ta première idée est la bonne".
"Ne réfléchis pas. Vas-y, lâche-toi !"
"Vous ne savez pas ce que vous allez voir, ils ne savent pas ce qu'ils vont jouer."

Dans les bureaux adjacents, on entend les agents taper fiévreusement leurs rapports sur leurs claviers d'ordinateur, tous tendus vers leur unique objectif : débusquer les fraudes  à l'impro. Et à voir leur engagement de tous les instants, ce n'est pas seulement leur métier.
C'est d'abord et avant tout une vocation.

Laurent Mazé, pour Impro-Bretagne


L'improvisation théâtrale, une expérience optimale a priori ?

Le flow, une histoire un peu personnelle

Flow.

Ce livre a changé ma vie quand elle était un peu en suspension. Ce mot a changé ma vie quand elle était un peu en courant alternatif. Je ne vais pas vous raconter ma vie. Enfin si, un peu, quand même, parce que c'est mon article et je fais ce que je veux. Au  moment où j'écris ces premières lignes, je suis déjà en plein flow. Vous allez comprendre.

Ma découverte du flow commence en février 2014. Je vous la fais courte. Je suis malade. Mes deux reins ne fonctionnent plus, je dois être dialysé 2 nuits par semaine. Je découvre cette monstrueuse soeur de chambrée qui va me maintenir en vie 7 mois durant avant une greffe : la machine à dialyser. Deux nuits par semaine, elle est là, à coté de moi, elle vrombit, elle éructe, elle clignote, elle sonne même, parfois. Et surtout, elle me maintient éveillé. Pendant des mois, deux nuits par semaine, je fais des quasi nuits blanches. Impossible de dormir. J'ai littéralement besoin de sortir de moi-même.

A la même époque, je continue toujours mon métier de comédien (improvisateur), bon an mal an. Je me rends souvent aux répétitions et aux spectacles épuisé avant même que ça ait commencé. Mais, miracle, sur scène, une fois que je suis en jeu, je retrouve une force insoupçonnée, puissante, mystérieuse, qui m'emmène dans des états de quasi-transe, inversement proportionnels aux instants de souffrance physique et morale entre deux couloirs d'hôpital. Sur scène, je sors littéralement de moi-même. A ce moment particulier de ma vie, plus qu'à aucun autre moment de ma vie d'avant,  je ressens profondément cette sensation puissante. Alors, je réfléchis, je cherche, je me documente. Et je trouve.

Je tombe sur Flow, ouvrage sorti en 1990, de Mihaly Csikszentmihaly, psychologue hongrois, ancien directeur du département de psychologie de l'Université de Chicago et du département de sociologie et d'anthropologie du Lake Forrest College. Ce livre est un choc pour moi, une météorite. Il y est question d'expérience optimale, concept élaboré par le chercheur hongrois. Le flow.

Le flow, qu'est-ce que c'est ?


 Le flow, l'expérience optimale, ou expérience-flux, y est décrite comme un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement plongée dans une activité, et se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. Fondamentalement, le flow se caractérise par l'absorption totale d'une personne dans son occupation.

Csíkszentmihályi a identifié six aspects entourant une expérience de flow :

-concentration intense focalisée sur le moment présent
-disparition de la distance entre le sujet et l'objet
-perte du sentiment de conscience de soi
-sensation de contrôle et de puissance sur l'activité ou la situation
-distorsion de la perception du temps
-l'activité est en soi source de satisfaction (une expérience qualifiée d'autotélique)

Le chercheur hongrois identifie également deux conditions saillantes (parmi d'autres) pour qu'une personne vive une expérience véritablement optimale :

-que l'activité soit a priori motivante pour le sujet, que le sujet ait la volonté de s'engager pleinement dans l'activité
-que l'accomplissement de la tâche teste constamment les capacités maximales intrinsèques du sujet pour la tâche ciblée

Quand le sujet vit une expérience véritablement optimale, il progresse, dépasse ses limites, franchit des caps, aussi petits soient-ils. Le flow peut surgir dans toutes les activités humaines (travail manuel ou intellectuel, enseignement, sport, art, sexualité, etc...). Encore faut-il que les conditions soient réunies pour "être dans la zone".

Le flow et l'improvisation théâtrale, vraiment compatibles a priori ?


L'improvisation théâtrale, parce qu'elle est l'art de l'Ici et du Maintenant, parce qu'elle est nimbée de son aura de lâcher-prise, de liberté théorique sur scène, de création sans entraves, paraît être la discipline rêvée pour vivre facilement et à peu de frais une expérience optimale. Trop souvent, la description de l'activité improvisée est confondante de naiveté, quand on la vante grossièrement au vu de la supposée liberté qu'elle offre face au texte écrit et à la mise en scène théâtrale (comme si improvisation d'une part, et texte et mise en scène, d'autre part, s'opposaient !). Il suffit de se souvenir de ses expériences cuisantes en tant qu'acteur/trice ou spectateur/trice de spectacles d'improvisation pour conclure que l'expérience optimale improvisée, qu'on soit en jeu ou à la mise en scène, est un véritable Graal à re-toucher du doigt, sans cesse, et c'est heureux.

Le flow en impro, ça arrive quand ?

Dans le manuel du parfait improvisateur, on dit constamment qu'il faut faire preuve d'ouverture maximale sur ce qui se passe maintenant, qu'il faut accepter, qu'il faut lâcher prise, qu'il faut jouer libéré. Certes. L'art improvisé, en travaillant la matière temps et espace au présent, en magnifiant le processus de création de l'oeuvre au présent, peut prétendre réunir les conditions de l'expérience optimale sur scène et dans la salle. Les comédiens-nes, armé-e-s de la feuille de route de l'Ici et du Maintenant, ont une responsabilité individuelle et collective pour faire émerger le flow.

Mais il faut aussi tenir compte des conditions exogènes de l'expérience optimale improvisée. Tous les spectacles d'impro permettent-ils un flow puissant ? Que penser du match d'impro, par exemple, et de tous ses dérivés d'impro-performance (j'entends par impro-performance le fait d'improviser pour atteindre un résultat précis en un temps relativement court ou moyen : traiter le thème, intégrer une contrainte de jeu sur un temps donné, etc.) ? Les acteurs-trices sur scène sont-ils/elles vraiment dans le moment présent, dans l'Ici et le Maintenant quand ils/elles doivent répondre à des injonctions ? Que dire de ces catégories, que l'improvisateur/trice va chercher in fine à maîtriser, versant dans la technique de jeu plus que dans l'instinct du jeu ? Quant au spectateur, n'est-il pas sorti du moment présent quand on lui annonce ce qu'on va faire (thème, catégorie, contrainte...), quand on le place dans une situation de jugement (vote), quand il doit zapper d'une impro à l'autre ? Les matchs et cabarets d'impro s'apparenteraient au mieux à une succession de petites expériences optimales avortées, dont il faudrait constamment rallumer les feux. Les expériences optimales sur un match entier restent une denrée rare.

Mais le format long improvisé totalement libre, si tant est que la liberté totale existe en improvisation, réunit-il a priori des conditions plus favorables pour l'expérience optimale improvisée ? Car qui dit format long dit tentation irrépressible de construction d'une histoire à contre-courant du lâcher-prise tant recherché. Et l'improvisateur/trice sur scène, de façon souvent criante sur le temps long, peut se retrouver enfermé-e dans son indépassable dualité de constructeur-acteur, alors qu'il faut être radicalement dans le présent pour vivre une expérience optimale improvisée.

Ces dernières années, ce qu'on qualifie d'impro dirigée, d' impro "tramée", "à tableaux", une impro comme moyen et non plus comme fin en soi, se développe sous l'impulsion de précurseurs en la matière dans diverses compagnies. Ce serait faux de voir cela comme un simple effet de mode. Car, à bien écouter ceux et celles, acteurs/trices ou metteurs/ses en scène, qui soutiennent ce courant, cette façon de porter l'improvisation vise précisément, en dépit des apparences, à libérer l'improvisateur-trice de considérations qui l'empêchent d'être dans le jeu instinctif au présent et à ce que l'écoute soit affûtée. Pour avoir vécu personnellement ce type d'approche avec La Morsure, sous la direction de Christophe Le Cheviller  et Marie Parent, et notamment dans les spectacles "The Party" et "We Are Family-Le Banquet", j'ai ressenti cette libération de l'improvisateur qui est déchargé de l'histoire, qui ne voit  ni  ne contrôle tout ce qui se passe, et qui peut improviser au présent le plus présent. C'est en soi une véritable expérience optimale improvisée. Et même le public, qui ne voit pas tout tellement il y a à voir, vit l'expérience intense d'un présent improvisé. Le méta-auteur tire les ficelles de l'expérience optimale improvisée. Plus généralement, les spectacles à trame, sur des thématiques précises et un propos général assumé, peuvent régénérer l'expérience improvisée de la même façon.

En atelier, quand il faut travailler la matière impro, on s'assigne souvent des objectifs précis. Et les élèves, sans doute biberonnés aux contrats d'objectifs permanents que sont devenues nos vies sous l'ère du managérat à grande échelle, jusqu'à l'intime, demandent parfois qu'on les débriefe sur des points techniques précis. Le travail n'est pas vu comme un travail-processus d'ensemble mais comme un constant travail-résultat. Mais il faut aussi accepter de se perdre dans le travail, de le vivre au présent, car le travail, c'est aussi littéralement accepter la (petite) torture de l'incertitude au présent. Se mettre au travail, c'est avancer, pas à pas, sans se focaliser sur le résultat. Le travail improvisé, vu sous cet angle, peut être satisfaisant en soi et débouchera sur un résultat le moment venu.

L'improvisation théâtrale, une "petite mort" à portée de main ?


Depuis que j'ai lu Flow, et au fur et mesure de l'avancement de mon travail de la matière impro, je pense constamment au lien entre impro et expérience optimale.  L'expérience optimale sur scène permet de frapper de plein fouet l'inconscient du public, de lui faire ressentir "l'essence de la réalité", cette "essence de la réalité" que décrypte Robert Greene dans "Mastery", son bestseller sur les "maîtres" passés et présents dans diverses disciplines (sciences, arts, etc...). L'expérience optimale active l'intuition sur scène et dans le public. Pour être pleinement focalisé sur le moment présent, pour avoir un sentiment de puissance absolu sur le présent, pour que deux heures sur scène passent en cinq minutes, pour s'oublier soi-même sur scène, pour sortir littéralement de soi-même, encore faut-il accepter de mourir un peu sur scène pour mieux ressusciter. Quand j'improvise, Eros et Thanatos, pulsions indissociables, ne sont jamais loin.

Un certain 5 novembre 2015, j'ai joué "WE ARE FAMILY" et j'ai sans doute vécu ma plus grande expérience optimale improvisée. Je suis littéralement mort et j'ai ressuscité sur scène le même soir. Je vous le jure. Je souhaite à chacun et chacune de vivre ce genre d'expérience optimale.

Ce soir, je veux mourir sur scène, ne serai-ce qu'un instant. Pour me sentir vivant. Et si je te vois mourir sur scène, ne serait-ce qu'un instant, je mourrai avec toi, et me sentirai vivant.

C'est ça, le flow.

Laurent Mazé
pour Impro-Bretagne

Bibliographie :
-Flow, de Mihaly Csikszentmihaly, Harper Perennial Modern Classics, 1990.
-Mastery, de Robert Greene, Penguin, 1998.
-www.lamorsure.com, interview de Christophe Le Cheviller sur "The Party" et "L'improvisation", note d'intention de la La Morsure.

EXCLUSIF : François Hollande lance son spectacle d'impro en janvier 2017



Impro-Bretagne vous révèle en exclusivité le pari fou de François Hollande pour reconquérir son électorat et remporter l'élection présidentielle en 2017. 

La rumeur enfle dans le Tout-Paris du spectacle et de la politique. Le Président de la République s'apprête à accomplir la campagne présidentielle  la plus audacieuse de toute l'Histoire de la 5éme République. C'est maintenant confirmé, même si le projet reste confiné dans le plus grand secret pour le moment : en parallèle d'une série de meetings et d'émissions télévisées classiques, François Hollande va lancer  un spectacle d'improvisation théâtrale en janvier 2017, dont il assurera la direction artistique et dans lequel il jouera."L'idée a germé quand il a vu le Trophée d'Impro Culture et Diversité, un grand tournoi de matchs d'impro entre collégiens des quatre coins de la France", confie un de ses proches conseillers. "Manuel Valls est allé voir ça l'année suivante. Puis les deux s'en sont parlé, et là, ils ont décidé de le faire."

Selon nos informations, le spectacle s'appellera C'était Pas au Programme et sera programmé tous les 2 émes dimanches du mois à l'Entrepôt, dans le 14 éme arrondissement à Paris, et ce jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle. "François ne voulait surtout pas un lieu trop grand et trop prestigieux. Son choix s'est vite arrêté sur ce fief de l'improvisation, où déjà plusieurs troupes se produisent." La première aura donc lieu le dimanche 8 janvier 2017 et François Hollande sera accompagné sur scène par Manuel Valls, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine. Benjamin Biolay accompagnera les impros au piano. L'entrée sera libre, les invitations à la presse et les réservations grand public vont être ouvertes début décembre.

"Un show qui dépote grave"


"Le pari semble insensé, confie un journaliste parisien, mais c'est sa dernière chance de reconquérir l'électorat jeune. Et ça peut marcher." Encore faut-il que François Hollande soit prêt pour l'événement. Depuis septembre, le Président lit tous les livres sur l'impro et se fait expliquer tous les concepts d'impro par des visiteurs du soir à l'Elysée. Tous ses proches conseillers ont dévoré le Manuel d'Improvisation Théâtrale de Christophe Tournier et Improconcept de Julien Gigault,  et Michel Sapin, chargé des premiers ateliers de préparation, s'en est largement inspiré. "L'idée n'est pas de passer pour des pros de l'impro. Nous jouons plutôt le pari de l'authenticité, confie un autre conseiller. Avec nos faiblesses, mais aussi et surtout avec notre audace." C'est Jacques Séguéla qui assurera la communication autour du spectacle. "Nous voulons faire passer des slogans forts, explique un membre éminent de l'agence de communication de Séguéla. Un show qui dépote grave, des amis qui improvisent ensemble sans se prendre la tête et aussi le côté No Limit du show. Ils vont être incontrôlables !  Et on n'hésitera pas à faire de l'auto-dérision, avec des impros qui se moqueront gentiment des promesses qui n'ont pas été tenues pendant le quinquennat."

A droite, c'est l'incrédulité qui prédomine. "Juppé n'y a pas cru au début quand on lui a raconté ce que Hollande préparait. Sarkozy en fait ses choux gras lors de dîners privés avec des journalistes. Mais il se raconte que les deux ont fait un stage d'initiation à l'impro début octobre", raconte un membre du bureau national du PS. "Hollande est même prêt à organiser un match d'impro PS-Les Républicains. Tout le monde devient fou avec cette histoire."

"L'impro, c'est pas que de la gaudriole"


Un format long improvisé avec le Président de la République est aussi en préparation et sera, selon toute vraisemblance, programmé à La Bellevilloise, à Paris, début mars 2017. D'après certaines sources proches de l'Elysée, ce format long aura pour thème un sujet grave et sera moins festif que le cabaret à l'Entrepôt. Le spectacle pourrait tourner autour de la fermeture de la Jungle de Calais ou des chômeurs de longue durée. "Hollande veut montrer que l'impro, ce n'est pas que de la gaudriole. On peut aussi  y faire passer des choses fortes", confie un de ses amis proches.

A l'Elysée, tout le monde est donc sur le pont pour lancer cette opération de la dernière chance. "Oui, c'est très risqué, avoue une conseillère de l'ombre. Mais c'est en parfaite cohérence avec ce qu'on fait depuis 2012. Hollande n'a fait qu'improviser depuis qu'il est au pouvoir. Autant en faire une force."

Cette campagne présidentielle s'annonce plus imprévisible que ce qui était pronostiqué.

Laurent Mazé
pour Impro-Bretagne

NDLR : Toute ressemblance avec un quelconque élément de réalité ne serait que purement fortuite. Quoique.

La Crise de la Quarantaine en Impro

Un mal étrange frappe souvent les improvisateurs et improvisatrices après plusieurs années de pratique. C'est ce que le professeur Bjorklund a diagnostiqué comme étant la Improv Midlife Crisis (1), plus communément connue sous le nom de "Crise de la Quarantaine en Impro". Longtemps ignoré, le mal commence à être pris au sérieux et traité. En 2010, le cabinet de consultation Impro Analyse a été ouvert à Paris par le docteur Marc Le Pelletier et y accueille plus de 300 patients en quête de sens dans leur pratique de l'impro.


"Docteur, pourquoi j'improvise ?"

Paris, 11 ème arrondissement, 66 Boulevard Voltaire. Vendredi 1er juillet 2016. 9h30. Marc Le Pelletier, 45 ans, la blouse blanche délavée et la barbe en bataille, passe machinalement la main dans ses cheveux. Il m'offre un café et me lance sur un ton provocateur : " Vous êtes venu pour écrire sur la souffrance de l'improvisateur ? C'est pas joli-joli." Malaise. Silence gêné. Puis, il détend immédiatement l'atmosphère. "Je ne savais pas qu'Impro Analyse susciterait autant d'intérêt !" Sur son bureau, une pile de dossiers, comme autant de profils d'improvisateurs et d'improvisatrices qui viennent chercher des réponses à leurs questions. "On a de tout : du match d'impro, du cabaret à n'en plus finir, du catch, du format long. Et ils me posent tous la même question : docteur, pourquoi j'improvise ?"

Jean-Jacques, 44 ans, est dans la salle d'attente. Il est le premier rendez-vous de la journée et me parle de sa carrière d'improvisateur. "J'ai été 7 fois Champion du Monde d'Impro, avec plus de 1000 spectacles joués en 15 ans." Il y a quelques mois, lors d'un match d'improvisation, sur une impro comparée ayant pour titre  Du Rififi à Paname, catégorie chantée, c'est le drame. Jean-Jacques fond en larmes dès les premières secondes de jeu. "J'avais commandé un rhythm'n'blues à Didier, notre musicien. J'étais sur scène avec Valérie, avec qui je joue toutes les impros chantées depuis 10 ans. Et quand j'ai commencé à chanter, je me suis aperçu que j'avais fait exactement le même début de chanson deux ans auparavant, mot pour mot. Je me le suis pris en pleine gueule et j'ai craqué." Dès les premières consultations avec Jean-Jacques , le docteur Le Pelletier a dû employer la manière forte pour lui faire admettre qu'il souffrait de la fameuse Improv Midlife Crisis. "Il était dans le déni : il me répétait sans cesse qu'il avait été 7 fois Champion du Monde d'Impro, que ça ne pouvait pas s'arrêter du jour au lendemain, qu'il avait gagné le Mondial d'Impro de Palavas-les-Flots, de Noeux-les-Mines, de Lons-Le-Saunier, de Jouy-en-Josas, de Bourg-La-Reine, de Choisy-Le-Roi, et j'en passe." Puis, un jour, Le Pelletier lui a asséné la phrase-choc. "Je l'ai regardé droit dans les yeux, j'ai avalé une gorgée de café et je lui ai dit qu'il n'était Champion du Monde que de lui-même. Il a pleuré, je l'ai raccompagné en salle d'attente, il a regardé « Le Cercle des Poètes Disparus » avec Robin Williams et deux heures après, ça allait beaucoup mieux."



"J'ai eu soudainement l'impression que je me prostituais quand je jouais un spectacle d'impro."


Christian a 48 ans. Il a 19 ans d'improvisation derrière lui. Il est venu consulter car il ressentait un malaise dont il avait presque honte. "Il y a environ 5 ans, j'ai eu soudainement l'impression que je me prostituais quand je jouais un spectacle d'impro." Au bout de quelques séances, le docteur Le Pelletier met le doigt sur une récurrence étrange. A chaque cabaret d'impro, au moment d'aller chercher un nouveau thème auprès du public, Christian s'aperçoit qu'il hurle à tue-tête aux spectateurs : "Est-ce que ça va toujours ? Est-ce que vous êtes chauds ?" Le Pelletier constate froidement : " Il a besoin de l'approbation du public et de se sentir validé. Un jour, il s'est même excusé auprès du public après ce qu'il considérait comme une mauvaise impro." Lors de la dernière séance, Christian a rédigé un mot qu'il lira aux spectateurs lors de son prochain cabaret d'impro : "Mesdames, messieurs, ce soir, je ne vous demanderai pas comment ça va entre chaque impro. J'imagine qu'il ne va rien vous arriver de catastrophique pendant le spectacle. Et je ne vous demanderai pas d'aller mettre vos commentaires positifs sur BilletRéduc. Vous faites ce que vous voulez, j'en ai rien à branler. Bonne soirée !"


"Je lui ai brusquement serré très fort les couilles. Et je lui ai dit que dorénavant, il n'y aurait plus de caucus avant les impros."


Maryline, 41 ans, est comédienne professionnelle dans la même compagnie d'impro depuis 10 ans. Elle souffre beaucoup sur scène depuis 3 ans. "Tout ça m'est tombé sur la gueule du jour au lendemain. Je n'avais plus envie d'improviser." Depuis 10 ans, toutes ses idées lors des caucus avant les impros étaient systématiquement rejetées par F., partenaire de jeu et directeur artistique de la compagnie. "On a affaire à un cas typique de mansplaining, très courant dans le milieu de l'impro, diagnostique Le Pelletier. L'homme improvisateur dit à la femme improvisatrice : je sais mieux que toi." Maryline a dû prendre son courage à deux mains pour affronter le censeur. "La veille d'un spectacle important, j'ai regardé "Kill Bill 1" et "Kill Bill 2" et ça m'a galvanisée. Le lendemain, avant la première impro, pendant le caucus, j'ai regardé F. dans les yeux et je lui ai brusquement serré très fort les couilles. Et je lui ai dit que dorénavant, il n'y aurait plus de caucus avant les impros. Sur le coup, il a été pétrifié. Je crois qu'il a vu Uma Thurman en face de lui."

Laurent, 42 ans, est aussi comédien improvisateur professionnel. Il n'a pas tout de suite su précisément pourquoi il venait consulter. Ce n'est qu'au fur et à mesure que c'est devenu clair. "Lors d'une séance, raconte Le Pelletier,  je lui ai demandé d'apporter toutes les photos de lui en spectacle qu'il pouvait se procurer. Sur un bon tiers de ces photos, il est torse nu ou en slip et il embrasse une ou plusieurs partenaires de jeu. C'est typique de l'improvisateur en pleine Improv Midlife Crisis. Il suraffirme sa masculinité par le biais de l'impro, protégé qu'il est par le fameux quatrième mur qui le sépare du réel. Pour retrouver du sens, je lui ai suggéré de ne se déshabiller en spectacle que lorsque c'est vraiment nécessaire." Laurent semble en convenir. "J'essaie de me contrôler maintenant. En plus, récemment, je peux libérer mes instincts sur un seul spectacle qui met en scène une douzaine de comédiens et comédiennes participant à une soirée alcoolisée qui tourne mal. Là, il y a prétexte à embrasser !", ajoute-t-il, goguenard.



"Moi aussi, j'ai le droit à ma part d'ombre." 


La journée des consultations est maintenant terminée. Je marche sur le trottoir avec le docteur Le Pelletier. Nous remontons le Boulevard Voltaire et passons devant le Bataclan. Silence. Nous allons nous installer dans un bar quelques dizaines de mètres plus loin. J'ai encore quelques questions à lui poser. J'hésite un instant, puis j'ouvre le Pariscope et je lui montre l'objet de mon questionnement. A la rubrique théâtre, page 69, on voit Les Rois de l’Impro, un spectacle de "malades où les impros s'enchaînent à un rythme effréné dans un délire verbal et gestuel totalement improvisé" (sic). Le spectacle y est décrit comme "le meilleur show d'impro à Paris". Et Marc Le Pelletier joue dans Les Rois de l’Impro. Ce dernier se lève, vexé, et me lance : "Moi aussi, j'ai le droit à ma part d'ombre." Au moment où il quitte le bar, me laissant seul avec mes interrogations, je n'ai qu'une question encore en suspens.


Docteur, pourquoi vous improvisez ?


Laurent Mazé

pour Impro-Bretagne



(1) Improv Midlife Crisis, an insight into a new pathology and the means to cure it, T.S.Bjorklund, Stockholm University Press, 2003.

La Course au Ralenti du match d'impro, histoire d'une genèse

Afficher l'image d'origineC'est sans aucun doute le moment le plus connu des 5 minutes réglementaires et obligatoires d'échauffement avant les matchs d'improvisation théâtrale. Impro-Bretagne revient sur la petite et la grande histoire de La Course au Ralenti.

Nevers, 30 janvier 2016. Le ciel est gris ce jour-là, alors que j'entre dans le bar-PMU "Chez Didier et Marie-Annick" où Jean-Michel Médard, le créateur de La Course au Ralenti, m'a donné rendez-vous. Le bar se situe à quelques encablures de la MJC Daniel Balavoine, où ce soir les Improthésistes de Nevers rencontrent les Funambules de l'Imaginaire Débridé de Chateauroux dans un match qui s'annonce endiablé. Dès que je pénètre dans le débit de boissons nivernais, je reconnais tout de suite Médard, à la grosse moustache blanche goguenarde et au regard rêveur de ceux qui sont restés d'éternels enfants. Je commande un Perrier, il recommande un Picon bière, et je ne sais pas encore que je m'embarque dans une conversation passionnante de 3h30.


"La Course au Ralenti, c'est mon "Abbey Road" à moi"


"La Course au Ralenti, c'est mon "Abbey Road" à moi", me lance Médard, le regard embué, après quelques minutes. Je me souviens avoir lu une interview de Mc Cartney, qui racontait qu'après la séparation des Beatles, il n'imaginait pas sa vie autrement que comme un appendice de sa vie pendant les Beatles. Après avoir inventé la Course au Ralenti, c'est ce que j'ai ressenti. Cela n'a pas été toujours facile à gérer." La Course au Ralenti naît dans l'esprit bouillonnant de Jean-Michel Médard en 1982. A l'époque, c'est déjà un inconditionnel des matches d'improvisation théâtrale, qui viennent de débarquer en France. "Dès que j'entendais qu'il y avait un match à Paris, j'y allais. J'étais metteur en scène à l'époque. Je voyais le match d'impro comme un extraordinaire nouvel espace de possibles. Ca me fascinait." Quand on lui demande comment l'idée a germé dans son esprit, Médard part dans un grand éclat de rire. "C'était le 12 août 1982, je m'en souviens très bien. Je me faisais chier à mourir à la maison. Je regardais un meeting d'athlétisme à la télé. Un moment donné, c'est le départ du 10 000 mètres. Je vois les gars derrière la ligne de départ, serrés les uns contre les autres et là, j'ai un flash."

Médard, son idée dans la besace, cherche à contacter les responsables de la Ligue d'Impro Française. "Au début, ça n'a pas été simple. Bon, je les comprenais. Qu'est ce qu'un petit metteur en scène de Nevers allait bien pouvoir révolutionner dans leur échauffement de match d'impro ?" Au bout de plusieurs tentatives, Médard décroche un rendez-vous. Il présente son idée aux responsables de la Ligue d'Impro avec passion et engagement. "C'est bien simple, dans ma tête, j'étais Spielberg et je vendais mon prochain film", se souvient-il avec émotion. La direction artistique est séduite par l'idée. "Les échauffements jusque là étaient vraiment très emmerdants. C'étaient plus des étirements de sportifs que quelque chose de théâtral." Vient alors  le moment de présenter l'idée et de la mettre en scène avec les comédiens titulaires de la Ligue. Mais Médard fait face à beaucoup de résistances. Remarques désobligeantes, moqueries, quolibets, tout y passe. Après deux jours de travail avec les comédiens, Médard est à deux doigts de jeter l'éponge. Mais la direction artistique le soutient et impose La Course au Ralenti aux comédiens. "Heureusement qu'ils m'ont soutenu. J'avais pris cher pendant ces deux jours." 

"La Course au Ralenti, c'était d'abord et avant tout un geste métathéâtral."

Le grand moment arrive lors du premier match de la saison régulière 1982-1983. Au moment de leur dernière minute d'échauffement, les comédiens de la Ligue d'Impro exécutent La Course au Ralenti devant un public ravi. "C'était magique, se souvient Médard. Mon fantasme prenait littéralement vie sous mes yeux. C'était incroyable de voir tout le monde au diapason, les visages déformés, avec le suspense sur le fait de savoir qui allait gagner la course. Et puis, ce que beaucoup de gens n'ont vu que plus tard, c'est que La Course au Ralenti faisait écho aux impros qui allaient suivre. C'était une course échevelée vers l'inconnu, où l'instant comptait plus que la fin. D'ailleurs, à l'époque, j'avais bien insisté pour que le Maître de Cérémonie arrête la course avant la fin. La Course au Ralenti, c'était d'abord et avant tout un geste métathéâtral."

Le succès de La Course au Ralenti est foudroyant. Le public en redemande. Pour étoffer ses 5 minutes d'échauffements,  la Ligue d'Impro commande d'autres mises en scène à Jean-Michel Médard et lui propose de travailler avec Jean-Pierre Helbert, disparu en 1998. "C'était un mec très inventif, un type adorable, de La Flèche, dans la Sarthe. On était connectés tous les deux. Un jour, je lui ai dit en plaisantant qu'on était les Lennon-Mc Cartney des échauffements de matchs d'impro. Il y avait sans doute un peu de vrai là-dedans", ajoute Médard, des sanglots dans la voix. Six mois après le début de leur collaboration en mai 1983, Helbert et Médard ont déjà créé Le Défilé de Mode, Le Cache-Cache dans le Public, Le Grand Huit, L'Engueulade avec le Coach, La Bombe Qui Passe de Mains en Mains et Le Tai-Chi Entre Les Deux Equipes. "Il y a un exercice que Jean-Pierre a créé tout seul et dont je suis extrêmement jaloux, confie avec malice Médard. C'est Le Samourai, mais à l'époque, j'étais en arrêt de travail car je m'étais fait opérer de la hanche."


"Je constate avec regret que la notion de métathéâtralité est peu à peu évacuée des échauffements de matchs d'impro."


Jean-Michel Médard continue à suivre avec assiduité les matchs d'impro dans sa région et observe plus particulièrement les 5 minutes d'échauffement, nourries année après année de nouveaux numéros. Son verdict est sans appel : "Les coachs qui créent des échauffements aujourd'hui ont complètement dénaturé l'exercice. Déjà, quand je vois ma Course au Ralenti agrémentée de coups de poings dans la gueule entre joueurs, j'ai envie de pleurer. C'est pas ça, la Course au Ralenti. Et puis, ils les finissent, les courses ! N'importe quoi  ! Je constate avec regret que la notion de métathéâtralité est peu à peu évacuée des échauffements de matchs d'impro. Pourtant, c'est important, la métathéâtralité : on dit quelque chose au public sous le vernis du divertissement, et on se dit aussi des choses entre artistes. Des fois, quand je vais voir des échauffements de matchs, j'ai envie de me lever et de gueuler : et la métathéâtralité, bordel ?"

Le soir venu, après l'interview, je vais voir seul le match Nevers-Chateauroux. Et, constatant moi-même l'appauvrissement progressif des échauffements de matchs d'impro, j'ai cette phrase de Jean-Michel Médard qui me résonne dans la tête.

Et la métathéâtralité, bordel ?

Laurent Mazé, pour Impro-Bretagne
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