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Qu’est-ce qui fait qu’un spectacle d’improvisation est réussi ?

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 9 février 2017 à 09:00
Quelle question ! il y a aujourd’hui tellement de façons de jouer, de formats riches et variés qu’il est impossible de définir une recette qui fonctionnerait à chaque fois. Pourtant, il y a quelques composants qui font la différence selon nos conceptions de l'optimum. Si par hasard un jour, vous vous retrouvez face à un tel spectacle vous ne pourrez que l’admettre : voilà ce que vous attendiez depuis un moment ! Et si, en plus, la performance vous surprend en vous révélant de nouvelles perspectives sur votre approche du jeu, alors vous risquez fort de vous enflammer...


Une telle expérience m’est arrivée, alors que je pensais ne plus être surpris par le jeu improvisé, les presque 25 ans de mon expérience de témoin de cette discipline ayant quelque peu délavé les couleurs flamboyantes des mes premiers émois dans les années 90. En janvier 2017, j’ai vu ce spectacle qui remplit systématiquement l’Improvidence à Lyon : “Tandem”.


Il est probable que “Tandem” a été pensé avant tout comme une performance, un acte d’un soir, vue la simplicité de sa conception : deux improvisateurs jouent 80 minutes. Nicolas Tondreau et Patrick Saprille, s’y retrouvent pour se compléter parfaitement et surtout - chose rare - s’engager, se mettre au service de l’histoire à tel point qu’ils ressortent bouleversés par ce qu’ils ont traversé. Ils manipulent-là la matière la plus dangereuse pour l’acteur, en s’imprégnant au maximum des sentiments, épreuves et enjeux de leurs personnages. Comment arrivent-ils à atteindre ce degré de sensibilité ? En jouant pleinement avec leur seule contrainte de 80 minutes. Il ne remplissent pas, ils étirent, ils ne zappent jamais, ils s’approprient.


En les regardant tricoter leur histoire, je me suis souvenu de la description de “l’échelle de satisfaction du spectateur en improvisation” proposée par Thomas Debray dans le podcast* qu’Hugh Tebby lui consacre. Thomas déclare que le summum de l’expérience du spectateur se produit lorsque le public s'identifie aux personnages, lorsqu’il se fait embarquer malgré lui dans ses dilemmes, épreuves et transformations. “Tandem” illustre pleinement ce processus.


Aussi un ingrédient élémentaire serait l’empathie. La plupart des spectacles d’improvisation font appel à ce principe, seulement les spectateurs ont bien souvent plus d’empathie pour les comédiens que pour les personnages qu’ils incarnent. L’empathie a à voir avec l’attachement : pour être sensible aux tentatives de succès des protagonistes, il faut voir le filet se déployer, les tensions s’articuler. Un deuxième ingrédient serait alors la maîtrise de la narration. Les deux improvisateurs jouent brillamment, leur virtuosité participe évidemment au succès ce spectacle.


L’équation serait donc la suivante :


Virtuosité d’interprétation + maîtrise de la narration + durée étendue = empathie du public

Plus fort que l’empathie - et cela c’est encore Thomas qui le raconte fort bien - le spectateur peut avoir l’impression de devenir voyeur. Le voyeurisme flirte avec l’interdit. Il est certain que n’importe qui veut payer pour voir quelque chose qui, d’ordinaire, est interdit. C’est le principe des expositions de monstres ou, plus près de nous, des émissions télé filmant la vie privée. Déclenchez volontairement ce système et la plupart des spectateurs reculeront jugeant le spectacle “racoleur” mais si, avec le temps, comme le font si bien Nicolas Tondreau et Patrick Spadrille vous assumez jusqu’au bout les propositions, vous risquez fortement, à votre tour, d'enflammer le public.

*Les podcasts cités sont à retrouver à cette adresse.


Julien Gigault


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Chercher le beau

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 9 septembre 2016 à 09:09
En juillet dernier, lors de l’atelier des formateurs que je proposais à l’improvidence, nous avons cherché ensemble comment mener un exercice plus loin. Nous souhaitions mettre en avant l'importance d’avoir toujours un angle, un parti-pris clair lorsque nous travaillons avec un cadre. Dans la liste des pistes indispensables se trouve “Chercher le beau”. A la découverte de cet élément, certains stagiaires ont eu comme une révélation. Ce n’est, bien entendu, pas la première fois qu’ils considéraient l’esthétique en improvisation mais le rechercher dans l’exercice le plus basique était novateur pour eux.


Cela n’est pas étonnant. Bien qu’il s’agisse de pratiques artistiques à part entière, l’improvisation et le théâtre sont parfois utilisés comme des outils. Nombreux sont les improvisateurs recherchant les effets plutôt que l’expérience. Preuve en est : cet été, cette interview de comédiens spécialistes de la prise de parole qui conseillent allègrement de suivre des ateliers d'improvisation pour acquérir le sens de la répartie.


Journaliste : “Travailler sa capacité d’improviser permets de se faciliter la vie quotidienne ?”
Comédien :  “Oui complément [...] je travaille avec le cycle des récompenses.”


Le cycle des récompenses, l’escalier de la réussite… ces concepts venus tout droit du monde du travail s'immiscent peu à peu dans le vocabulaire de l’improvisation. Si, pédagogiquement, ce sont vos seuls phares ou recherche alors autant vous mettre aux fléchettes. Vous acquerrez plus de répartie en restant 3h dans un bar de quartier qu’en restant 9h dans un atelier d’improvisation. S’adonner, s’abandonner dans une pratique artistique permet justement de ne pas être à la recherche d'efficacité. L’art a besoin d’attention, de signification et non pas d’objectifs personnels qui feraient de l’improvisation une activité de simple consommation. Dans l'idéal, nous devrions nous demander avant chaque atelier pourquoi il est si important de défendre cette façon de créer.


Chercher le beau, le plaisir du geste, la connivence dans le jeu sans être dans le désir de monter une marche plus haute est fondamental. Bien sûr, nous savons rétorquer au fur et à mesure de nos heures de pratique, tout comme un aquarelliste d’extérieur sait sentir la pression atmosphérique, mais ce qu’il lui importe, c’est de peindre et non de prévoir le temps.


Chercher le beau est aussi, vis-à-vis du public, ce que nous avons de plus sublime à donner. Nous manions, généralement, extrêmement bien l’humour en improvisant. Seule la poésie peut désarmer autant que l’humour. Seulement cela n'apparaît pas au détour d’un chemin, cela doit être mis en valeur par les pédagogues. Sans tomber dans le piège qui serait d’opposer l’humour à la beauté, il s’agit de rappeler régulièrement que le délicieux ne peut nous faire que du bien, qu’il est plus facilement accessible qu’il n’y paraît si l’on veut bien être de ceux qui "demeurent dans la beauté des choses"...

Julien Gigault
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Heureusement nous ne sommes pas Pixar !

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 14 avril 2016 à 09:00
J'adore Pixar, ils ont un talent fou pour captiver avec la même histoire un public inter-générationnel. Evidemment la force de leurs récits ne sera jamais comparable à celle des créateurs japonais tel que Miyazaki ou Hosoda, sans doute à cause de cette manie très américaine de rendre tout mignon, même la fête des morts mexicaine va devenir mignonne à croquer avec "Coco" leur prochaine création prévue en 2017.

Alors qu'ils ne proposent dans les années à venir que des suites : Toy Story 4, Les Indestructibles 2, Cars 3... Ils font l'impasse sur la suite la plus sublime qu'ils auraient pu proposer au grand public : "Le monde de Nemo 2". Au lieu de cela, ils changent de personnage pour réaliser "Le monde de Dory". Ce personnage serait si attachant qu'il mériterait un film entier…

La vérité est que le sujet d'un "Monde de Némo 2" est bien trop subversif pour le grand public. Le poisson clown est un hermaphrodite successif ce qui signifie que les petits naissent mâles et finissent leur vie femelles. Imaginez le sujet d'un film où Némo passerait à l'âge adulte en devenant femelle guidé par son papa devenu lui-même maman... D'un point de vue scénaristique, c'est littéralement époustouflant : affronter le regard de l'autre, réussir sa quête identitaire, c'est la quintessence du "voyage du héros". D'un point de vue sociétal, c'est grandiose : cela renverse tous les arguments jugeant les trans-genres "contre-natures".

Heureusement, nous improvisateurs-trices, ne sommes pas Pixar. Nous n'avons pas la nécessité d'édulcorer nos histoires, bien au contraire Nous sommes ces gens comme tout le monde qui, pour vivre, apprennent des gens, comme tout le monde. Cette histoire de trans-genre nous pouvons la raconter en l'improvisant sur une scène. Il n'y a pas d'histoire sans transformation, même infime soit-elle. C'est ce qui définit une histoire : une suite d'événements qui transforme un ou plusieurs individu. Ne passons pas à coté d'un sujet pareil sous prétexte que le public ne va pas accrocher. Si cela vous anime, si votre interprétation est à la hauteur, toute histoire est bonne à vivre.

Aussi est-il temps de prendre conscience de notre chance. Assumons nos opinions, nos doutes, nos craintes, nos efforts, nos victoires sur scène. Un de mes "chevals de bataille" en ce moment est de demander aux improvisateurs ce qu'il pensent réellement, sur scène, d'un sujet de société ou d'une question philosophique sans qu'ils se cachent derrière un personnage. Je suis surpris de voir que beaucoup pensent ne pas avoir d'opinions et que, a minima, elles ne méritent pas d'être partagées. Bien au contraire : nous avons la parole prenons-la ! Il est certainement bien plus aisé de prétexter jouer un personnage mais, à force de sauter d'histoire en histoire, aucune ne nous atteint réellement. Quel est le sujet que personnellement vous adoreriez traiter sur scène ? Si vous le trouvez, racontez-le encore et encore. Improvisez autour, questionnez-le dans diverses narrations.

Est-ce alors toujours de l'improvisation ? Bien sûr, c'est même de l'improvisation persistante avouée car bien souvent l'improvisation persistante n'est pas voulue ou conscientisée. Voyez comme certains sujets nous habitent plus que d'autres. Et si nous décidions de réitérer un propos pour le questionner dans le temps ? Nous sommes les seuls créateurs refusant totalement de revenir sur ce que nous avons déjà traversé. En improvisant, les peintres pratiquent la série, les danseurs le motif, les musiciens le style. Et nous que nous reste-t-il ? Les accents ? D'"occasionnels" devenons "obsessionnels" : en improvisation cela n'a rien de contre-nature.

Julien Gigault
improconcept

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12 questions à Gustave Parking

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 1 avril 2016 à 09:00

Un porte flambeau de l'improvisation francophone est sur le devant de la scène depuis bientôt 40 ans. Gustave Parking a commencé sa carrière en improvisant dans la rue, il revient en tournée en France pour jouer son spectacle et propose une série de Masters Class sur l'improvisation théâtrale. En complément de cette interview, visionnez sa magnifique conférence TED sur l'improvisation c'est vivifiant !

A partir de quand a tu utilisé l’improvisation dans tes spectacles ?

J’ai Toujours utilisé l’improvisation car quand je répète devant ma glace elle a tendance à fondre….en larme…. Mes spectacles ne sont plus improvisés mais ont tous été créé en improvisant c’est ce qui les rends plus efficace. La plupart des comiques écrivent une trame et puis trouve la majorité de leurs gags dans l’improvisation quotidienne avec leur publique.

Est-ce que tu travailles ces moments au préalable ou est-ce une nature d’improviser chez toi ?

C’EST LA NATURE DE TOUT LE MONDE D’IMPROVISER mais les institutions, les traditions, la famille et le regard des autres par moment les bloque.

Est-ce que tu as été influencé par des théoriciens ou des artistes liés à l’improvisation ?

Oui évidemment notre mémoire est un grenier qui contient tous les personnages que nous avons connus et que nous devenons en parti. Je ne suis que la somme de mes rencontres. Pour ma part la liste est trop longue mais elle va de Paul andré Sagel à Carlos Traffic en passant pas hENRI bERGSON, JEAN GAGNE-PAIN, Coluche, Rufus, etc…..

J’ai lu que tu avais joué dans un spectacle entier d’improvisation AAAAAAAAAARGLL ! Peux tu nous en parler ?
Qu’elle est ton expérience des autres formats (match, impro longue…) ?

J’ai essayé de faire un solo entier monté à partir d’improvisation en utilisant une montagne d’objets sur scène. Cela se passait dans un grenier. J’ai arrêté car pour les tournées c’était trop lourd d’emmener autant d’objet sans forcément les utiliser. Mais cela m’a servi pour trouver de nouveaux sketchs. Sinon j’ai fais deux saisons au bataclan au début de la lif et quelques expérience en province mais j’étais trop pris par mes propres spectacles pour poursuivre. Je m’y suis remis en Guadeloupe car il nous fallait trouver des formules pour nous renouveler facilement devant un public qui est assez limité en nombre. (Nous sommes à la campagne )

Est-ce que ça te ferait toujours envie de jouer dans un spectacle où le contenu serait improvisé ? 

Oui bien sûr nous le faisons dans les derniers spectacle (concepts) que j’ai écrit « les improvizados », improvizonzon, le grand écolo circus où j’anime des troupes d’improvisateurs.

Tu as écrit une méthode « Impro pour tous », peux tu nous l’exposer ?

Nous avons de très bon retour sur notre expérience en maison d’arrêt pour prévenir la violence et c’est de là que m’es venu l’idée de vulgariser la discipline.

J'ai sélectionné ou inventé une série d’exercices spectaculaires et efficaces qui permet au plus grand nombre de faire rire, donc de prendre confiance et de jouer facilement. Ceci lié à la qualité de l’animateur permet de faire de très bons concepts .

Dans ta conférence TED, tu parles d’être dans l’évidence de soi-même pour jouer, est-cela que tu vises au fond ? l’improvisation pour accéder à la liberté d’expression ?

Le problème des match est qu’ils mettent en avant des comédiens de talent, du coup de nombreuses personnes se disent ce n’est pas pour moi. C’est comme ci tu voyais un super cuisinier et que tu refuse de faire à manger le soir même. Se faire accepter pour ce que l’on est rend plus heureux ...
L’improvisation est devenu un outil pour nous à la préparation de théâtre forum et de spectacles thématiques sur les grand problèmes sociétaux. Les stéréotypes sexistes, la violence scolaire, la relation parent enfant, le VIH, la dépendance…

L’improvisation est reconnue comme pratique artistique mais pas encore comme discipline, pour preuve le peu de scène conventionnée diffusant des spectacles d’improvisations.
Qu’est-ce qui bloque d’après toi ? Est-ce l’image que l’on en donne, la frilosité des institutions… ?

Ce qui bloque c’est la méconnaissance de cette pratique :
Certains pensent que c’est comme le "Jamel Comédie Club", alors que l’idée première est de comprendre la création d’histoire à plusieurs, d'autres pensent que ce ne sont que des matchs, alors que la moitié des improvisateurs ne font jamais de matchs et certains sont carrément contre. D’autres encore pensent qu'il n’y a pas de fond et que les impros sont racoleuses sans sujets de fond. Ce qui est faux car les grands spectacles de A. Mnouchkine comme par exemple " l’Âge d’or" ont été créé à partir d’improvisations. 

Si tu avais en charge une délégation ministériel aux développement de l’improvisation en France, quelles seraient les 3 actions fortes que tu mettrait en place ? 

J’en ferais, avec le chant choral, une discipline à part entière (sans forcément organiser de match) et ce dès le plus jeune âge. J’obligerais les professeurs de toutes disciplines à suivre des stages d’improvisation et j’organiserais au maximum des ateliers parents- enfants. 

L’écologie c’est trouver ce qu’il nous manque dans ce que l’on a déjà et l’improvisation c’est aussi une façon de créer à plusieurs ses propres spectacles, SON PROPRE CHEMIN.






Julien Gigault
improconcept

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Une autre journée du héros

Par : noreply@blogger.com (Anonymous) — 4 février 2016 à 09:30
On peut dire ce qu'on veut à propos des vacances de Noël, c'est un des rares moments où on peut revoir Sissi ou des vieux Belmondo à 15h de l'après midi. Si les semaines avant Noël ont vraiment été longues et fatigantes, on peut même enchainer avec un bétisier. J'ai donc profité de mes congés en Normandie pour accrocher 30 minutes du film de Jean Paul Rappeneau Les Mariés de l'an II. N'ayant pas vu le film en entier, je serai incapable de me livrer à une quelconque critique mais je vais par contre tenter de partager les envies d'improviser qu'il m'a éveillé. Nous en profiterons aussi pour parler Mac Guffin selon Hitchcock, enjeux et structure narrative.

Dans le film de Rappeneau, le personnage de Belmondo cherche sa femme pour pouvoir divorcer d'elle. L'intrigue se déroule durant les mois qui suivent la révolution de 1789 et le pays est en ébullition. Cette quête de Belmondo est un pur prétexte pour permettre à Rappeneau de filmer la révolution et réaliser une sorte de tableau des différents partis en présence à l'époque. Le film s'organise comme une suite de situation dans lequel Henry (le personnage de Belmondo) va venir se fourrer, presque toujours par hasard. Il n'est au centre de rien, toujours périphérique, prend très peu de décision, et quand il en prend, elles sont pulsionnelles et non réfléchies au service de sa quête. Soumis aux soubresauts de l'époque révolutionnaire, Belmondo erre. Il marche, se prend les pieds dans une situation fortuie, roule, se lève, tombe dans un autre trou, roule etc.
Cela donne une impression étrange au spectateur. Henry n'est pas vraiment un héros. Il n'y a pas vraiment d'histoire. Il y en a de multiples, et le personnage finit d'ailleurs par s'épaissir au fur et à mesure de ces mesaventures.

J'ai joué beaucoup de longues formes ces dernières années mais jamais de cette façon. J'ai appris, comme nombre d'entre nous je pense, à trouver un enjeu fort pour les personnages principaux et à faire avancer l'histoire en fonction de ces enjeux. Les propositions des autres joueurs sont des services, c'est donc bien qu'il servent l'histoire principale et oeuvrent à sa résolution. Là, il s'agit au contraire de faire l'école buissonnière le plus souvent possible. Perdre son temps pour raconter ce qu'il y a autour. Le héros n'est qu'un fil conducteur entre des histoires qu'on devine plus longues mais dont on ne voit que des extraits, ceux que le héros traverse. Ramené sur une impro longue, il s'agirait donc de donner à un personnage un enjeu, quel qu'il soit, mais de choisir de ne pas le traiter en priorité. Les comédiens au service s'amuseraient alors à créer des situations qui n'ont rien à voir avec l'enjeu du héros, qu'il traverserait, sans forcément les résoudre, puis plongeraient dans une nouvelle situation proposée par ses partenaires. Le travail du "banc" devient donc radicalement différent et complètement libre. Une scène du film résume à lui seul cette méthode. Belmondo se rend à une adresse où il espère obtenir des informations sur sa femme, et quand il rentre, des gens répètent une scène lyrique. Le pianiste l'interpelle et lui dit "ah tiens vous êtes là". Belmondo est pris pour quelqu'un d'autre, et va donc suivre pendant quelques temps l'histoire d'un autre. Pas la sienne. 
Oh le beau spectacle ! Celui dans lequel chaque nouvelle scène commencerait par "ah tiens vous êtes là", et le héros se retrouverait dans une situation complètement nouvelle, sans logique apparente avec le début de l'histoire. Tout est à construire, à inventer, à justifier. Le personnage principal devient un conteur qui éclaire des situations jusque là cachées aux yeux du spectateur.

Dans ce procédé le héros devient une sorte de MacGuffin. Hitchcock définissait le MacGuffin comme l'objet après lequel tout le monde court, méchants comme gentils, mais dont l'importance est secondaire. Prétexte à l'histoire, il n'a même pas besoin d'être défini précisément ni d'être trouvé. C'est un moteur qui met en action les personnages et les oblige à se croiser. Ne pas préciser un élément est souvent une des grosses lacunes des improvisations. Personne ne sait vraiment de quoi on parle : C'est quoi cette valise ? Elle est à qui ? Pourquoi la cherche-t-on ? En quoi c'est important ? Ce sont des questions que j'ai posé 100 fois aux comédiens en atelier. La construction avec un anti-héros MacGuffin court-circuite ce questionnement : public, ne vous focalisez pas la-dessus, l'essentiel est dans les détours ! L'histoire n'est donc plus construite selon le schéma classique de la journée du héros. Pas de seuil, pas d'apprentissage, pas de descente dans la caverne, ou alors uniquement à postériori. On peut en effet imaginer qu'au bout de plusieurs scènes sans réelle cohérence narrative, leur impact sur le héros (ce qu'il est, ce qu'il pense) dessine en filigrane un nouvel enjeu qui vient suppléer l'enjeu mineur initial.

Amis improvisateurs, je m'engage à expérimenter en 2016 une impro longue façon Les mariés du MacGuffin. Je ne manquerai pas alors de venir partager ce retour d'expérience. Si vous faites le test avant moi, merci de venir nous le raconter. Les commentaires sont là pour ça.

A.L. pour les Coyotes à l'Huile 

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7 raisons d'utiliser l'uchronie en improvisation théâtrale.

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 23 octobre 2015 à 10:21
Le principe de l'uchronie, sous-genre de la science fiction*, est d'appliquer deux mots magiques au début de la narration pour revisiter une période historique : “et si...” Et si la vapeur était notre seule énergie ? Et si la civilisation incas dominait le monde ? Et si les frères Lumière n'avaient jamais inventé le cinéma ?

En improvisation, son utilisation est profitable à plus d'un titre. Elle permettra en premier lieu de sortir de notre carcan de narration habituel, le champ des possibles devient alors infini. Et si finalement l'improvisation théâtrale, par son aspect exploratoire était le terrain le plus favorable à l'uchronie...


1- L’uchronie permet de porter un message engagé ou politique

Le spectateur peut se retrouver déstabilisé face à l'uchronie, lui présenter une narration où le chanteur Johnny serait un illustre inconnu, ou où les singes seraient l'espèce dominante, demande un temps d'acceptation. Seulement par ce moyen, l'auteur peut faire entendre des messages très forts sur la starisation des individus (dans le cas du film "Jean Phillipe" de Laurent Tuel) ou sur l'oligarchie (pour le roman "La planète des singes" de Pierre Boulle)

2 – L’uchronie nous oblige à tirer un fil narratif

Dans la nouvelle sur le voyage temporelle "Un coup de tonnerre" de Ray Bradbury, lorsque Eckels le chasseur écrase un papillon dans le passé, il est loin de se douter quelles répercussions cet acte anodin prendra dans le futur. Imaginer les effets immenses, de ce “non” battement d'ailes de papillons nous oblige à envisager les retentissements possibles bien plus en avant que dans une narration classique.

3- L’uchronie questionne notre rapport à l'histoire et à l’actualité

En supposant que nous ayons, par avance, l'envie de traiter une période historique ou un fait d'actualité, se demander quelle idée singulière nous allons porter, donne un supplément d'intérêt aux situations ou narrations. Les partis pris doivent très clairs pour que l'uchronie fonctionne.

4- L’uchronie ne supporte pas les bluffeurs

Difficile en effet de créer du suspense ou du mystère sur un fait historique que tout le monde connaît. Le “Et si...” ne doit s'appliquer que sur un seul élément. Si nous transformons les vikings en peuple habillé de pailles et prônant le végétarisme nous ne sommes plus dans l'uchronie mais dans la fantaisie. (Et non dans la Fantasy, bien que cet autre genre accueille volontiers les vikings d'ordinaire.)

5- Notre psyché se nourrit d’uchronie

Lorsque dans une journée un événement qui nous tient à cœur ne se passe pas comme nous l'aurions souhaité, que fait notre psyché ? Elle fait en sorte que cet accomplissement se réalise lors de notre sommeil, en rêve. Quelque part, nous sommes habitués à cette forme de narration accordée pleinement à nos envies et fantasmes. Tout comme le songe, la scène est l'endroit où crier nos désirs cruciaux.

6- L’uchronie peut faire bouger les lignes

Et si le président des Etats Unis était noir ? Il y a 7 ans, ce n'était pas gagner d'avance. La série "24h chrono" a sans doute permis aux électeurs de se projeter. Si les idées sont des graines d'actions, les histoires sont le terreau rêvé pour qu'elles poussent.

7- L’uchronie est plus que jamais d’actualité

Pour preuve cette nouvelle série télévisuelle produit par Ridley Scott "The man in the High Castle" tirée du roman phare de P. K.Dick : Le maître du haut château. Ou encore cet excellent site web proposant, en complément d'une brève histoire de l'uchronie, des scénarios alternatifs permettants de revisiter l'histoire du Titanic, de Michael Jackson ou de Louis Pasteur.

Peu de spectacles d'improvisation utilisants ce genre existent. Si jamais vous en connaissez n'hésitez pas à nous en faire part dans la partie commentaire. On ne sait jamais... et si ces articles vous donnaient l'envie de jouer un peu plus d'improvisations théâtrales uchroniques…

Vous pouvez retrouver le précédent article traitant lui aussi de l'uchronie ici.
Pour aller plus loin : "Le Guide de l'Uchronie" de B.Campeis & K.Gobled. Edition Les 3 Souhaits.

Julien Gigault 
improconcept
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*encore peut-on la définir comme sous-genre tant elle est prothéiforme ? Entre le roman historique ("22/11/63" de S. King), la comédie ("Un jour sans fin" de H.Ramis) ou la biographie fabulée ("la part de l'autre" de E.E. Schmitt), nous pouvons prétendre à la qualifier de genre en soi.
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Et si l'improvisation n'était qu'une vaste uchronie ?

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 14 octobre 2015 à 09:00
L'improvisation théâtrale permet-elle de porter des messages engagés ?

Certainement, cependant tout porte à croire que mise à part une vague idée citoyenne comme quoi le vivre ensemble et le tri des déchets est important, beaucoup de joueurs semblent encore loin de savoir quels propos ils défendent réellement. C'est peut-être assez caricatural mais c'est un fait, nous sommes trop peu à porter un message engagé ou singulier dans nos spectacles.

Actuellement, l’improvisateur est un peu ce parachutiste voulant absolument sauter de l’avion sans savoir quel sera son temps de chute libre, la forme de son parachute ou le site d'atterrissage.
C'est à priori gage d'expertise que de sauter ainsi. Le public sachant cela se déplace d'autant plus pour la performance que pour le résultat. Les histoires peuvent être touchantes sans jamais questionner la conviction des auteurs. L'improvisation est pour tous synonyme de liberté de création mais force est de constater qu'au fur et à mesure des années passées à jouer, nous nous installons dans cet agréable accommodement avec la salle. Surtout ne pas chercher une matière à réflexion ou un parti-pris original.

Il ne s'agit pas d'intellectualiser notre discipline mais de rappeler que ce champ des possibles est l'une de ses raisons d'être. Au delà de ce formidable outil d'expression, de la drôlerie ou de l'intensité dramatique dont elle favorise la création, l'improvisation peut tout à fait devenir un outil de questionnement.

En ce sens, l'uchronie nous est d'un grand secours. Par ce terme nous désignons une utopie appliquée à l'histoire. Comment quelle histoire ?! La grande avec un grand H ? Oui, mais pas que. Se retourner sur notre passé pour y appliquer une bifurcation peut vite devenir tendancieux si l'on ne maîtrise pas un tant soit peu son sujet. Pour travailler avec des faits historiques, il est nécessaire de les étudier et par conséquent de préparer son terrain de jeu. L'uchronie s'accorde alors moins bien à l'improvisation totale, celle de ce parachutiste rétif à tout plan de vol.

Il est toutefois possible de l'utiliser pour une histoire venant de se créer. L'exemple le plus connu étant le film « Un jour sans fin » de H. Ramis. Sur ce modèle, réécrire une trame déjà donnée devient un défi pour notre écoute et notre sens de la prospection. Cela enlève aussi toute pression quant à la conclusion plausible de la scène, l'essentiel étant de manier correctement un processus d'écriture. L'uchronie offre au spectateur un espace pour qu'il puisse envisager, le temps d'un récit, la réalité sous un autre angle. Les références foisonnent dans la littérature ou le cinéma, ces perspectives parallèles ouvrent notre perception du monde. Notre discipline a tout intérêt à s'en emparer. C'est ce que nous verrons la semaine prochaine dans un nouvel article intitulé : "7 raisons d'utiliser l'uchronie en improvisation théâtrale".


Julien Gigault 
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Moi au milieu de "2"

Par : noreply@blogger.com (Anonymous) — 16 juillet 2015 à 09:00
Depuis les débuts d'Impro-Bretagne, j'aime parler de ce que les autres font. Pour la première fois, fait étrange, j'ai envie de raconter le dernier spectacle que j'ai eu la chance de jouer : "2".

"2", est un spectacle très simple sur le papier. L'idée m'est venue en allant assister à un concert de musique improvisée. A la fin du concert, l'un des 2 musiciens me révélait, qu'ils n'avaient absolument rien préparé... Pas de point de départ, de registre, de concept, simplement une écriture motivée par la relation de ce duo, l'écoute et l'envie de se surprendre, de réécrire un nouveau langage musical, propre à eux seuls et ouvert à un public.

C'est évidemment plein d'excitation que j'allais trouver Julien Gigault, pour tenter d'adapter ce "concept" à l'impro. Nous sommes assez vite tombés d'accord sur ce que nous souhaitions faire : jouer simple, avec ce qui est (Lui, moi, table, chaises, eau, pendule, public), pendant 60 minutes... Et surtout, rien d'autre, par peur de perdre cette précieuse excitation qui nous habitait. C'est drôle qu'en 20 ans d'impro, je n'ai jamais osé faire ça avant... Je pense que les rencontres et les envies sont toujours liées à un moment précis. Sur le papier, encore une fois rien de bien effrayant. Juste l'envie d'en faire un moment exceptionnel.

Et c'est parti ! 

Drôle de moment que ce spectacle construit sur la peur de deux comédiens chevronnés, et sur le refus. Sur les 60 minutes, j'ai savamment passé 20 minutes à refuser d'avancer. Je m'accrochais désespérément à ce moment magique ou tout était encore possible, par peur d'être déçu par notre prestation, qu'elle ne soit pas au niveau de nos attentes respectives.  Car ce qui s'est dessiné, n'est pas un bal de virtuosité. Nous avons découvert ensemble, que ce soir là, il nous était impossible de partir sur une belle histoire, bien construite, ou des impros courtes, variées comme on les aime. Non, ce soir là, nous avions décidé d'être ailleurs, nous jouions du free jazz...

Cela commence par des négociations entre 2 improvisateurs... Un table, deux chaises, une bouteille d'eau, et un radio réveil lancé à la fin de la présentation du spectacle :

- Tu as commencé à jouer là ?
- Non je n'ai pas allumé le réveil.
- Pourtant tu joues...
- Oui mais ça ne compte pas, je n'ai pas allumé le réveil...
- Mais moi je joue, alors que le réveil n'est pas allumé ! J'arrête, je commencerai à jouer quand le réveil indiquera 5 minutes de passées... 
- T'es pas capable...
- SI !

Il allume le réveil... A une minute passée...

- Je suis une merde, je n'ai pas réussi à tenir jusqu'à 5...
- Je te l'avais dit...

Voilà sur quoi nous étions partis. Moi accroché à la peur de rater ce magnifique rendez-vous, attendant un bus, que j'avais peur de prendre car je ne savais pas où il irait. Nous étions au milieu d'une tragédie annoncée, où le temps qui passe, minute après minute, serait notre fil conducteur, notre promesse dramatique, permettant de prophétiser des évènements qui arriveraient, ou pas... Un spectacle obsessionnel passant son "temps" à se citer lui même, et laissant ses auteurs donner libre cours à leurs désirs, leurs angoisses, leur amitié... reprenant même à notre compte certains standards que nous condamnons en impro, pour les mettre en abîme : mouettes, robots, zombies...  racontant que par le passé, j'aimais jouer Jésus sur sa croix, et me visser moi même avec une visseuse électrique...  Julien se clouait au mur, et nous reprenions un instant ces gestes cabotins, enfouis du passé pour en faire autre chose... Entre hyper conscience de ce qui se joue, et lâcher prise.

Pendant 20 minutes nous avons tendus la situation, restant chacun sur nos positions, pour les confronter, et ne pas se précipiter dans la facilité... Une chute vertigineuse et angoissante... Sublime pour moi... J'ai eu des retours disant que j'étais rude, ou en manque d'écoute... Vraiment je ne crois pas :-) Je tenais. Je ne VOULAIS pas que ce spectacle ne soit pas fidèle à nos promesses. Rude ? Nous l'étions ensembles, à attendre le bon moment, embusqués. Pourquoi lui ou moi aurions cédé ? Car c'était exactement ce qui se jouait, et le danger de ce OUI, qui nous aurait desservi. Le public était un public en grande partie d'improvisateurs, parfois perdus, parfois applaudissant les punchs ou les exploits, tels des solos de jazz. Nous avons joué avec lui, mais pas pour lui. Nous n'avons pas cherché à nous rassurer. 

20 minutes plus tard...

Et au bout de 20 minutes, sûrs de nos acquis, nous avons lâché et nous nous sommes trouvés. Ce n'est pas que cela ramait au début. Je n'ai jamais eu l'impression d'être perdu. Nous n'étions juste pas encore 2 mais plutôt 1+1. Et puis le petit miracle que nous attendions, que nous guettions, un tourbillon de 35 minutes, allant du récit intime, à l'attaque de zombies, et ceci toujours sans justifier, juste surfer sur cette vague de plaisir, une fois la peur passée et le serment tenu. Nous avons passé notre temps à ouvrir des portes, que nous avons refermées, une à une à la fin du spectacle. Nous avons continué notre quête, notre lutte. Nous avons été fidèles et courageux.

Nous avions tous deux une vision globale du spectacle. Sans savoir où nous allions, nous avons combiné et utilisé tous les éléments joués. Ce qui était dit, et le registre dans lequel c'était joué. Cela a donné une écriture très théâtrale, toujours sur deux niveaux : ce qui est joué, et ce qui est vécu par les comédiens le jouant... enivrant.

Puis arrive la fin. la dernière minute. Une promesse dramatique. Celle d'un baiser entre nous deux. Une promesse faite à plusieurs reprises. Et Julien, dans un dernier refus magnifique, sortait à la 59ème minute chargé d'une belle émotion, me laissant "seul" avec ce baisé. Nous commencions par un refus, et nous finissions par lui aussi, laissant le public avec sa frustration. C'était la meilleur fin possible.

Nous avons, Julien et moi traversé ce spectacle comme des cascadeurs. Le vrai risque de ce spectacle aurait été de faire ce que nous savions faire et trahir ce rendez-vous. Certaines personnes du public étaient enthousiastes et touchées par la démarche, d'autres mitigées, et enfin d'autres plus circonspects... En tout cas, tout le monde était conscient d'avoir assisté à un moment à part... Je ne sais pas si c'est un spectacle ou une performance, en tout cas c'était une expérience unique. Je ne sais pas non plus vraiment si nous étions en état de grâce ou en travail... en tout cas je veux vivre un autre "2".

Christophe Le Cheviller
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