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L'impro en trois livres pour cet été.

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 12 juillet 2018 à 15:20
Enfin ! Après des années de traversée du désert où seuls les livres de C.Tournier venaient épancher notre soif de comprendre, apprendre, conceptualiser l’improvisation théâtrale, enfin chacun peut comme il le souhaite cultiver son oasis. Avec l’écrit sur le match de J.B Chauvin, l’analyse universitaire de l’empreinte du travail d’Alain Knapp par H.Charton, il y avait déjà ces derniers temps un vent de renouveau mais cette période estivale nous apporte carrément un bain de jouvence. Trois livres, riches d’expériences et de réflexions, trois livres lequel choisir ? Pourquoi choisir ? J’ai lu les trois, les trois sont indispensables voici pourquoi :

“Yes But...”
d’Omar Galvan - Traduit par Yann Berriet

Qui contrairement à ce qu’il pourrait laisser supposer n’est pas un petit livre mais un véritable pavé. Si vous commencez l’improvisation le contenu risque guère de vous intéresser, Omar y livre sa réflexion d’improvisateur professionnel, une réflexion honnête d’un comédien, qui une fois qu’il a maîtrisé la plupart des formes improvisées se demande comment atteindre un véritable niveau de discipline artistique ? Argh ! Oui, l’improvisation ne serait pas à la hauteur “artistiquement” tellement noyée dans des “concept” de spectacles, ornementée de punch line pédagogique et emballée dans du beau discours marketing. L’impro aujourd’hui ne serait même que le Karaoké de l’impro. Un pavé donc qui propose peu de solutions toutes faites mais de belles pistes en filigrane pour les artistes exigeants qui tiennent absolument à présenter de l’impro sur scène, là où d’autres ont choisi le terme : écriture sur plateau.
Où se procurer l’ouvrage : directement auprès de Yann Berriet

Improvisation théâtrale, la fabuleuse science de l’imprévu.
De Nabla Leviste

Ce livre fût pour moi le compagnon d’un voyage d’une journée entière. En y replongeant régulièrement au fil de cette journée, j’ai eu la sensation de savoir de mieux en mieux improviser tant les chemins que nous empruntons d’ordinaire pour jouer y sont finement analysés. Nabla se positionne dès le début comme une sorte de majordome, un Alfred Penny, il nous fait faire le tour de la propriété jusqu’à ce qu’il pose les conditions pour la suite de la visite : il va falloir accepter d’être un super héros, d’être Batman, ni plus, ni moins. Car avant de développer des aptitudes, il faut adopter des attitudes; être le contenant pour que le contenu prenne place. 

Forcément, avec un tel postulat de départ, ce livre nous transforme. Mon seul bémol serait sur les illustrations qui manquent quelque peu de “Mojo” mais j’ai vraiment apprécié la partie sur la pédagogie dont tout pédagogue devrait s’emparer. Pour le reste, vous le connaissez sans doute ce sont les théories qui fondent l’improvisation mais racontées par un improvisateur qui de surcroît possède une grande pratique et une formation d’ingénieur ce qui aide grandement pour théoriser. Vous risquez donc de voir votre compréhension prendre une autre dimension.
Où se procurer l’ouvrage : En librairie physique ou virtuelle



Jeux et enjeux, la boîte à outils de l’improvisation théâtrale
De Mark Jane - Traduit par Anne-Gaëlle Argy

J’avais commandé le “Mark Jane” (car c’est comme ça qu’on appelle ce livre entre improvisateurs.trices) je n’avais pas donc idée, avant d’ouvrir le colis, des presque 500 pages qu’il renfermait. Ma première réaction a été de me dire : quel beau cadeau l’auteur nous fait là ! Puis je me suis lancé dans la lecture, j’ai parcouru plusieurs chapitres, j’ai voulu tout lire, prendre des notes, faire des liens et je crois que c’est la première fois que j’en lis “trop” sur l’improvisation. Ce livre est une chocolaterie, on pourrait se délecter de tout ce qu’il propose mais il est difficile d’en faire le tour en une seule fois. Et comme les chocolats, si l’on met de côté ce que l’on veut comprendre ou travailler, cela risque de fondre.

A mon sens, c’est intéressant de savoir ce qu’il propose, d’avoir une vue générale et d’aller y piocher des éléments que si l’on envisage de les utiliser d’ici peu de temps. Mark en excellent chocolatier utilise du cacao avec du goût, du 80%; les chapitres sont consistants, il nous fait bien comprendre sa vision de pédagogue, c’est généreux. Il maîtrise brillamment la consistance de ces exercices. Le plus bluffant étant, bien sûr, sa connaissance du voyage du héros de C.Vogler. Il faut espérer que ce livre donne l’envie aux improvisateurs.trices de suivre ces master-class que proposent J.Truby, C.Vogler ou R. Mc Kee. Comme il est alors agréable de lire toute cette théorie avec la connaissance scénaristique. J’ai refermé le livre et relus le sous-titre : la boîte à outils de l’improvisation théâtrale. Ce n’est pas galvaudé loin de là. Si j’étais pointilleux, je dirais qu’il me manque un index des exercices et encore, la table des matières est bien détaillée; il est parfois bon de trouver ce que l’on ne cherchait pas forcément. La sérendipité est un grand mystère, avec ce livre elle pourrait bien devenir votre allié.
Où se procurer l’ouvrage : ici

La quatrième de couverture de “Yes but…” nous donne cette phrase de Platon : “ Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue”. Merci à tous ces auteurs de vivre pleinement leur passion, au plaisir de discuter de vives voix de vos écrits et surtout avec toutes ces parutions, j’espère toujours que l’on donnera de grandes envies d’écriture à de futures plumes. 

Bel été et bonnes lectures à tous !



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Exclusif ! On a retrouvé l'arbitre qui voulait jouer un "vrai" match d'impro.

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 30 novembre 2017 à 19:57

Jean-Philippe dit “Pablo le Zèbre” ne s’attendait pas, ce samedi 25 novembre, à vivre l’un des pires moments de sa carrière d’arbitre de match d’impro. Il faut dire que dernièrement, il manquait d’occasions de “gazouter” comme il aime à dire, les membres de son équipe “Les Inter Drilles” de Sarlat, préférant maintenant les formes longues.

Il fut alors très heureux d’être invité par la compagnie “Vaut-6-Fers” basée à Montreuil pour arbitrer le spectacle <Match>. Malheureusement ce moment laissera en lui, au sens propre comme au figuré, un arrière goût d’eau de boudin. Témoignage :




Impro Bretagne : Qu’est-ce qui était annoncé ce 25 novembre ?
Pablo Le Zèbre : Un match entre les “Vaut-6-Fers” et le collectif “No Victus”. Deux fois 45 minutes dans le petit théâtre Bertho de Montreuil.

IB : Rien ne vous a donc mis la puce à l’oreille ?
PLZ : Non rien, vraiment, mis à part l’horaire : 22h15. Je me suis dit que ça devait être comme ça dans les salles parisiennes. C’est en voyant arriver les joueurs dans leurs costumes de scènes que j’ai eu un doute. En fait, ils ne se sont jamais changés. Quand j’ai essayé de leur demander pourquoi, plusieurs m’ont ri au nez. Je suis sorti fumer une clope et j’ai discuté avec une spectatrice. Elle m’a demandé si c’était mon premier <Match>. “Non pas vraiment, pourquoi cette question ?” je lui ai fait. Et là, elle m’a expliqué en quoi ce match était différent et j’ai dû me concentrer pour comprendre sa réponse. En gros, le spectacle de la soirée était inclus dans le “ cursus des tentatives”, il clôturait les ateliers du “syndrôme du réel”. Apparement tous les spectateurs se connaissait puisqu'ils venaient de passer une semaine de stage ensemble. Je me suis dit.... "pourquoi pas, l’ambiance risque d’être sympa" et je suis retourné en coulisses me changer.

IB : Et là : grosse frayeur !
PLZ : Ah oui et comment ! J’entre en coulisses, il y avait déjà une dizaine de personnes présentes, installées sur des bancs. Je les salue, demande qui est le MC, les musiciens et les assistants arbitre mais personne ne répond, alors j’insistes et quelqu'un me lance : “Mets-toi en tenue, ça les fera venir” Bon OK ! je trouve une chaise, me mets dans un coin, enlève mon fute et pile à ce moment-là, le paravent qui me séparait de la scène tombe. Je me retrouve en plein dans la lumière alors que les premières notes de “Dangerous” des “XX” retentit. Je crie aux techniciens “Attendez là, je ne suis pas du tout prêt”. Mais la musique continue de plus belle et les gens se marrent.

IB : Parce que les spectateurs étaient déjà sur place ?
PLZ : Oui, enfin pas tous car ce n’est que plus tard que j’ai compris à quoi servaient les coups de cornes de brume.

IB : Comment ça les coups de cornes de brumes ?
PLZ : Régulièrement, au cours de cette soirée, une corne de brume retentissait et les spectateurs changeaient de place pour mettre totalement à mal la convention du 4ème Mur. C’est ce que m’a expliqué Sylvie, la spectatrice avec qui j’ai fumé une clope.

IB : (...)
PLZ : Enfin bon, je remets mon pantalon mais quelqu’un avec un micro en voix-off annonce : “L’arbitre est sans fondement. Qui prétend détenir la vérité ?” Quelque part je suis rassuré, je me dis qu’il y a au moins un MC dans ce spectacle. Alors j’essaie de sortir de la lumière pour être moins ébloui mais quelqu’un me prend par la main et j’entends une sorte de chanteuse lyrique qui scande “Connexion, Connnnneccccccxxxxxioooonnn” ! Coup de corne de brume, les dix spectateurs sur le banc se lèvent et - ni une, ni deux - ils m’enlèvent mon fute, me barbouille le visage de glaise et me prennent comme ça au dessus d’eux. C’est sympa, je me sens flotter mais j’ai un peu froid, vu qu’ils m'emmènent dehors pour me déposer sur le trottoir au milieu d’un cercle d’autres spectateurs. Là, je retrouve enfin les joueurs qui ne m’ont pas attendu pour improviser. Je n’ose pas les interrompre tellement ils sont investis dans leurs rôles et puis Sylvie venait de m’expliquer qu’ils jouaient pour sublimer notre rapport quotidien à la compétitivité... Je demande quand même un gazou au cas-où il y aurait des fautes, j’ai beau faire quelques signes d’arbitrage pour faire passer le message mais personne n’a l’air de comprendre ce que je demande. Alors sagement, en sweat et en caleçon, j’écoute. Jusqu'à ce que la situation soit interrompue par un jeune homme en costume au milieu des spectateurs, avec un micro, sans doute le MC. Avec son air de Guy Marchand, il jappe comme un chiot en désignant du doigt une piscine gonflable jaune remplie de liquide brunâtre dans laquelle je reconnais mes thèmes qui flottent.

IB : Vous leur aviez laissé vos thèmes ?!
PLZ : Non, mais ils ont du me les prendre à un moment. Donc l’aboyeur pointe du doigt la piscine et l’une des comédiennes plonge sa main dans cet épais liquide pour tirer un carton, alors que ce rôle me revient normalement, mais bon… Elle crache littéralement le thème qui était : “Stop à Angkor”, un beau thème en plus ! Je n’ai pas compris la suite, quelqu’un a lu un texte mais de dos, les spectateurs ont chanté une chanson mièvre dans le style des “Poppies”. Puis ils se sont montés dessus pour faire une pyramide, sans doute en rapport avec Angkor, tandis que deux autres s'enlaçaient alors qu’un troisième les enroulait dans du cellophane, on aurait dit un gros rouleau printemps vivant. (Rires)

IB : Oui enfin vous rigolez maintenant mais sur le moment vous faisiez moins le fier.
PLZ : Oui, c’est vrai surtout lorsque la corne de brune a retenti une nouvelle fois. A ce moment, quatre grands gaillards m’ont poussé dans la piscine, bon heureusement elle était un peu tiède, elle était surtout remplie de détritus et de morceaux de trucs que je n’ai pas voulu identifier, en plus de mes thèmes.

IB : Et c’est là que tout le monde a crié 4, 3, 2, 1pro ?
PLZ : Non pas tout à fait : avant cela la chanteuse lyrique s’est avancée et elle a fait : “Sincéritééééééééé !”

IB : Et qu’avez-vous fait ?
PLZ : Je suis sorti de la piscine, j’étais furieux vous pensez bien. Je leur ai dit qu’ils n’avaient rien compris au beau jeu et au match d’impro en général, que ce n’était pas du tout l’esprit et là ils ont criés en chœur “4, 3, 2, 1pro ! “. Alors un homme avec un petit bonnet est sorti du lot et il m’a simplement lancé : “Voilà, là t’es dans le vrai !” Applaudissement et tout le monde est rentré dans le théâtre. J’étais trempé, j’avais froid, ils m’ont gentiment jeté mon sac avec mes fringues puis ils ont fermé la porte du théâtre derrière eux.

IB : Comme ça, sans vous remercier ?
PLZ : Euh… Si mais après, ils m’ont remercié sur les réseaux sociaux. Mais du coup ça m’a ouvert de nouveaux horizons sur ce qu’est vraiment le théâtre contemporain. Moi qui ne connaît que l’impro, j’ai bien envie de m’inscrire au prochain “cursus des tentatives”. Les intervenants ont l’air sympa, ça fait de belles photos et puis ça me permettra, peut-être, de revoir Sylvie.

Propos recueillis par Julien Gigault pour Impro-Bretagne
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Ex Machina

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 6 avril 2017 à 08:30
C’est en ayant l’opportunité de me replonger dans les dizaines de vidéos dites “à regarder plus tard” sur YouTube  que j’ai découvert l’une des chaînes auquel tout improvisateur qui se respecte devrait s’abonner. Comme beaucoup, vous avez dû vous arrêter aux deux premiers épisode, le contenu vous était certainement connu et surtout le son était vraiment passable. Comme beaucoup, vous êtes passé à autre chose et vous avez bien fait car visionner ces vidéos en “binch watching” est certainement ce qu’il y a de mieux tant l’ensemble est cohérent.


Les vidéos d’Arnaud Pierre sont un condensé de théorie, mise en avant par un esprit pédagogique éprouvé. Si vous en êtes à votre troisième année, et que l’effet “découverte” commence à s’estomper ou si vous lisez peu sur l’impro, persuadé que votre apprentissage ne peut être que empirique, ces vidéos sont faites pour vous. Les démonstrations implacables comme les éléments à la lisière du cercle d’attente ou encore la communication visuelle dans le monde de l’improvisation devrait faire parti d’un tronc commun dont chaque apprenant et compagnie devraient s’emparer.


A la manière de cours par correspondance, un résumé sous forme de tableaux des théories abordées est proposé à la fin de certain chapitre. On rêverait bien sûr de les avoir sous la main, sous forme de livret ou même rassemblés dans un pdf. En fait, ce dont on rêverait c’est d’une pédagogie fondamentale commune à chaque improvisateur-trice. Souvent, sous couvert de laisser l’enseignement à la charge du seul pédagogue le dixième de ce qui abordé dans ces vidéos n’est même pas dit dans les ateliers.


Heureusement, et ces videos y participent, nous entrons dans une nouvelle période pour notre discipline. Nous entrons dans le temps du l’harmonisation et dans la mise en place d’outils. Les initiatives comme la création d’un référencement des femmes pédagogues* ou encore les rassemblements/ formations d’enseignants montrent que, peu à peu, cette pédagogie commune émerge. Il est temps de nommer les concepts, les systèmes de jeu pour s'approprier un vocabulaire commun. C’est une des conditions pour avoir une base de compétence solide, sans cela pas de place à l’expérimentation et l’évolution vers un art mature, qui comme son nom l’indique est capable de soutenir, d'influencer une autre discipline artistique ou d’inspirer une vie entière.

Julien Gigault



*A propos de ce fichier qui peut paraître saugrenu les faits parlent d’eux même, si l’on prend comme l’a fait Caucus les répartitions des formations proposés dans les grand raouts d’improvisation en France la répartition Homme / Femme est disproportionnée. La notion de genre est encore à découvrir… On oublierait presque que : “L’on enseigne ce que l’on est” et que l’ “on s’investit vraiment que lorsque l’on est proche de nos limites.”
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Qu’est-ce qui fait qu’un spectacle d’improvisation est réussi ?

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 9 février 2017 à 09:00
Quelle question ! il y a aujourd’hui tellement de façons de jouer, de formats riches et variés qu’il est impossible de définir une recette qui fonctionnerait à chaque fois. Pourtant, il y a quelques composants qui font la différence selon nos conceptions de l'optimum. Si par hasard un jour, vous vous retrouvez face à un tel spectacle vous ne pourrez que l’admettre : voilà ce que vous attendiez depuis un moment ! Et si, en plus, la performance vous surprend en vous révélant de nouvelles perspectives sur votre approche du jeu, alors vous risquez fort de vous enflammer...


Une telle expérience m’est arrivée, alors que je pensais ne plus être surpris par le jeu improvisé, les presque 25 ans de mon expérience de témoin de cette discipline ayant quelque peu délavé les couleurs flamboyantes des mes premiers émois dans les années 90. En janvier 2017, j’ai vu ce spectacle qui remplit systématiquement l’Improvidence à Lyon : “Tandem”.


Il est probable que “Tandem” a été pensé avant tout comme une performance, un acte d’un soir, vue la simplicité de sa conception : deux improvisateurs jouent 80 minutes. Nicolas Tondreau et Patrick Saprille, s’y retrouvent pour se compléter parfaitement et surtout - chose rare - s’engager, se mettre au service de l’histoire à tel point qu’ils ressortent bouleversés par ce qu’ils ont traversé. Ils manipulent-là la matière la plus dangereuse pour l’acteur, en s’imprégnant au maximum des sentiments, épreuves et enjeux de leurs personnages. Comment arrivent-ils à atteindre ce degré de sensibilité ? En jouant pleinement avec leur seule contrainte de 80 minutes. Il ne remplissent pas, ils étirent, ils ne zappent jamais, ils s’approprient.


En les regardant tricoter leur histoire, je me suis souvenu de la description de “l’échelle de satisfaction du spectateur en improvisation” proposée par Thomas Debray dans le podcast* qu’Hugh Tebby lui consacre. Thomas déclare que le summum de l’expérience du spectateur se produit lorsque le public s'identifie aux personnages, lorsqu’il se fait embarquer malgré lui dans ses dilemmes, épreuves et transformations. “Tandem” illustre pleinement ce processus.


Aussi un ingrédient élémentaire serait l’empathie. La plupart des spectacles d’improvisation font appel à ce principe, seulement les spectateurs ont bien souvent plus d’empathie pour les comédiens que pour les personnages qu’ils incarnent. L’empathie a à voir avec l’attachement : pour être sensible aux tentatives de succès des protagonistes, il faut voir le filet se déployer, les tensions s’articuler. Un deuxième ingrédient serait alors la maîtrise de la narration. Les deux improvisateurs jouent brillamment, leur virtuosité participe évidemment au succès ce spectacle.


L’équation serait donc la suivante :


Virtuosité d’interprétation + maîtrise de la narration + durée étendue = empathie du public

Plus fort que l’empathie - et cela c’est encore Thomas qui le raconte fort bien - le spectateur peut avoir l’impression de devenir voyeur. Le voyeurisme flirte avec l’interdit. Il est certain que n’importe qui veut payer pour voir quelque chose qui, d’ordinaire, est interdit. C’est le principe des expositions de monstres ou, plus près de nous, des émissions télé filmant la vie privée. Déclenchez volontairement ce système et la plupart des spectateurs reculeront jugeant le spectacle “racoleur” mais si, avec le temps, comme le font si bien Nicolas Tondreau et Patrick Spadrille vous assumez jusqu’au bout les propositions, vous risquez fortement, à votre tour, d'enflammer le public.

*Les podcasts cités sont à retrouver à cette adresse.


Julien Gigault


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Chercher le beau

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 9 septembre 2016 à 09:09
En juillet dernier, lors de l’atelier des formateurs que je proposais à l’improvidence, nous avons cherché ensemble comment mener un exercice plus loin. Nous souhaitions mettre en avant l'importance d’avoir toujours un angle, un parti-pris clair lorsque nous travaillons avec un cadre. Dans la liste des pistes indispensables se trouve “Chercher le beau”. A la découverte de cet élément, certains stagiaires ont eu comme une révélation. Ce n’est, bien entendu, pas la première fois qu’ils considéraient l’esthétique en improvisation mais le rechercher dans l’exercice le plus basique était novateur pour eux.


Cela n’est pas étonnant. Bien qu’il s’agisse de pratiques artistiques à part entière, l’improvisation et le théâtre sont parfois utilisés comme des outils. Nombreux sont les improvisateurs recherchant les effets plutôt que l’expérience. Preuve en est : cet été, cette interview de comédiens spécialistes de la prise de parole qui conseillent allègrement de suivre des ateliers d'improvisation pour acquérir le sens de la répartie.


Journaliste : “Travailler sa capacité d’improviser permets de se faciliter la vie quotidienne ?”
Comédien :  “Oui complément [...] je travaille avec le cycle des récompenses.”


Le cycle des récompenses, l’escalier de la réussite… ces concepts venus tout droit du monde du travail s'immiscent peu à peu dans le vocabulaire de l’improvisation. Si, pédagogiquement, ce sont vos seuls phares ou recherche alors autant vous mettre aux fléchettes. Vous acquerrez plus de répartie en restant 3h dans un bar de quartier qu’en restant 9h dans un atelier d’improvisation. S’adonner, s’abandonner dans une pratique artistique permet justement de ne pas être à la recherche d'efficacité. L’art a besoin d’attention, de signification et non pas d’objectifs personnels qui feraient de l’improvisation une activité de simple consommation. Dans l'idéal, nous devrions nous demander avant chaque atelier pourquoi il est si important de défendre cette façon de créer.


Chercher le beau, le plaisir du geste, la connivence dans le jeu sans être dans le désir de monter une marche plus haute est fondamental. Bien sûr, nous savons rétorquer au fur et à mesure de nos heures de pratique, tout comme un aquarelliste d’extérieur sait sentir la pression atmosphérique, mais ce qu’il lui importe, c’est de peindre et non de prévoir le temps.


Chercher le beau est aussi, vis-à-vis du public, ce que nous avons de plus sublime à donner. Nous manions, généralement, extrêmement bien l’humour en improvisant. Seule la poésie peut désarmer autant que l’humour. Seulement cela n'apparaît pas au détour d’un chemin, cela doit être mis en valeur par les pédagogues. Sans tomber dans le piège qui serait d’opposer l’humour à la beauté, il s’agit de rappeler régulièrement que le délicieux ne peut nous faire que du bien, qu’il est plus facilement accessible qu’il n’y paraît si l’on veut bien être de ceux qui "demeurent dans la beauté des choses"...

Julien Gigault
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Heureusement nous ne sommes pas Pixar !

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 14 avril 2016 à 09:00
J'adore Pixar, ils ont un talent fou pour captiver avec la même histoire un public inter-générationnel. Evidemment la force de leurs récits ne sera jamais comparable à celle des créateurs japonais tel que Miyazaki ou Hosoda, sans doute à cause de cette manie très américaine de rendre tout mignon, même la fête des morts mexicaine va devenir mignonne à croquer avec "Coco" leur prochaine création prévue en 2017.

Alors qu'ils ne proposent dans les années à venir que des suites : Toy Story 4, Les Indestructibles 2, Cars 3... Ils font l'impasse sur la suite la plus sublime qu'ils auraient pu proposer au grand public : "Le monde de Nemo 2". Au lieu de cela, ils changent de personnage pour réaliser "Le monde de Dory". Ce personnage serait si attachant qu'il mériterait un film entier…

La vérité est que le sujet d'un "Monde de Némo 2" est bien trop subversif pour le grand public. Le poisson clown est un hermaphrodite successif ce qui signifie que les petits naissent mâles et finissent leur vie femelles. Imaginez le sujet d'un film où Némo passerait à l'âge adulte en devenant femelle guidé par son papa devenu lui-même maman... D'un point de vue scénaristique, c'est littéralement époustouflant : affronter le regard de l'autre, réussir sa quête identitaire, c'est la quintessence du "voyage du héros". D'un point de vue sociétal, c'est grandiose : cela renverse tous les arguments jugeant les trans-genres "contre-natures".

Heureusement, nous improvisateurs-trices, ne sommes pas Pixar. Nous n'avons pas la nécessité d'édulcorer nos histoires, bien au contraire Nous sommes ces gens comme tout le monde qui, pour vivre, apprennent des gens, comme tout le monde. Cette histoire de trans-genre nous pouvons la raconter en l'improvisant sur une scène. Il n'y a pas d'histoire sans transformation, même infime soit-elle. C'est ce qui définit une histoire : une suite d'événements qui transforme un ou plusieurs individu. Ne passons pas à coté d'un sujet pareil sous prétexte que le public ne va pas accrocher. Si cela vous anime, si votre interprétation est à la hauteur, toute histoire est bonne à vivre.

Aussi est-il temps de prendre conscience de notre chance. Assumons nos opinions, nos doutes, nos craintes, nos efforts, nos victoires sur scène. Un de mes "chevals de bataille" en ce moment est de demander aux improvisateurs ce qu'il pensent réellement, sur scène, d'un sujet de société ou d'une question philosophique sans qu'ils se cachent derrière un personnage. Je suis surpris de voir que beaucoup pensent ne pas avoir d'opinions et que, a minima, elles ne méritent pas d'être partagées. Bien au contraire : nous avons la parole prenons-la ! Il est certainement bien plus aisé de prétexter jouer un personnage mais, à force de sauter d'histoire en histoire, aucune ne nous atteint réellement. Quel est le sujet que personnellement vous adoreriez traiter sur scène ? Si vous le trouvez, racontez-le encore et encore. Improvisez autour, questionnez-le dans diverses narrations.

Est-ce alors toujours de l'improvisation ? Bien sûr, c'est même de l'improvisation persistante avouée car bien souvent l'improvisation persistante n'est pas voulue ou conscientisée. Voyez comme certains sujets nous habitent plus que d'autres. Et si nous décidions de réitérer un propos pour le questionner dans le temps ? Nous sommes les seuls créateurs refusant totalement de revenir sur ce que nous avons déjà traversé. En improvisant, les peintres pratiquent la série, les danseurs le motif, les musiciens le style. Et nous que nous reste-t-il ? Les accents ? D'"occasionnels" devenons "obsessionnels" : en improvisation cela n'a rien de contre-nature.

Julien Gigault
improconcept

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12 questions à Gustave Parking

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 1 avril 2016 à 09:00

Un porte flambeau de l'improvisation francophone est sur le devant de la scène depuis bientôt 40 ans. Gustave Parking a commencé sa carrière en improvisant dans la rue, il revient en tournée en France pour jouer son spectacle et propose une série de Masters Class sur l'improvisation théâtrale. En complément de cette interview, visionnez sa magnifique conférence TED sur l'improvisation c'est vivifiant !

A partir de quand a tu utilisé l’improvisation dans tes spectacles ?

J’ai Toujours utilisé l’improvisation car quand je répète devant ma glace elle a tendance à fondre….en larme…. Mes spectacles ne sont plus improvisés mais ont tous été créé en improvisant c’est ce qui les rends plus efficace. La plupart des comiques écrivent une trame et puis trouve la majorité de leurs gags dans l’improvisation quotidienne avec leur publique.

Est-ce que tu travailles ces moments au préalable ou est-ce une nature d’improviser chez toi ?

C’EST LA NATURE DE TOUT LE MONDE D’IMPROVISER mais les institutions, les traditions, la famille et le regard des autres par moment les bloque.

Est-ce que tu as été influencé par des théoriciens ou des artistes liés à l’improvisation ?

Oui évidemment notre mémoire est un grenier qui contient tous les personnages que nous avons connus et que nous devenons en parti. Je ne suis que la somme de mes rencontres. Pour ma part la liste est trop longue mais elle va de Paul andré Sagel à Carlos Traffic en passant pas hENRI bERGSON, JEAN GAGNE-PAIN, Coluche, Rufus, etc…..

J’ai lu que tu avais joué dans un spectacle entier d’improvisation AAAAAAAAAARGLL ! Peux tu nous en parler ?
Qu’elle est ton expérience des autres formats (match, impro longue…) ?

J’ai essayé de faire un solo entier monté à partir d’improvisation en utilisant une montagne d’objets sur scène. Cela se passait dans un grenier. J’ai arrêté car pour les tournées c’était trop lourd d’emmener autant d’objet sans forcément les utiliser. Mais cela m’a servi pour trouver de nouveaux sketchs. Sinon j’ai fais deux saisons au bataclan au début de la lif et quelques expérience en province mais j’étais trop pris par mes propres spectacles pour poursuivre. Je m’y suis remis en Guadeloupe car il nous fallait trouver des formules pour nous renouveler facilement devant un public qui est assez limité en nombre. (Nous sommes à la campagne )

Est-ce que ça te ferait toujours envie de jouer dans un spectacle où le contenu serait improvisé ? 

Oui bien sûr nous le faisons dans les derniers spectacle (concepts) que j’ai écrit « les improvizados », improvizonzon, le grand écolo circus où j’anime des troupes d’improvisateurs.

Tu as écrit une méthode « Impro pour tous », peux tu nous l’exposer ?

Nous avons de très bon retour sur notre expérience en maison d’arrêt pour prévenir la violence et c’est de là que m’es venu l’idée de vulgariser la discipline.

J'ai sélectionné ou inventé une série d’exercices spectaculaires et efficaces qui permet au plus grand nombre de faire rire, donc de prendre confiance et de jouer facilement. Ceci lié à la qualité de l’animateur permet de faire de très bons concepts .

Dans ta conférence TED, tu parles d’être dans l’évidence de soi-même pour jouer, est-cela que tu vises au fond ? l’improvisation pour accéder à la liberté d’expression ?

Le problème des match est qu’ils mettent en avant des comédiens de talent, du coup de nombreuses personnes se disent ce n’est pas pour moi. C’est comme ci tu voyais un super cuisinier et que tu refuse de faire à manger le soir même. Se faire accepter pour ce que l’on est rend plus heureux ...
L’improvisation est devenu un outil pour nous à la préparation de théâtre forum et de spectacles thématiques sur les grand problèmes sociétaux. Les stéréotypes sexistes, la violence scolaire, la relation parent enfant, le VIH, la dépendance…

L’improvisation est reconnue comme pratique artistique mais pas encore comme discipline, pour preuve le peu de scène conventionnée diffusant des spectacles d’improvisations.
Qu’est-ce qui bloque d’après toi ? Est-ce l’image que l’on en donne, la frilosité des institutions… ?

Ce qui bloque c’est la méconnaissance de cette pratique :
Certains pensent que c’est comme le "Jamel Comédie Club", alors que l’idée première est de comprendre la création d’histoire à plusieurs, d'autres pensent que ce ne sont que des matchs, alors que la moitié des improvisateurs ne font jamais de matchs et certains sont carrément contre. D’autres encore pensent qu'il n’y a pas de fond et que les impros sont racoleuses sans sujets de fond. Ce qui est faux car les grands spectacles de A. Mnouchkine comme par exemple " l’Âge d’or" ont été créé à partir d’improvisations. 

Si tu avais en charge une délégation ministériel aux développement de l’improvisation en France, quelles seraient les 3 actions fortes que tu mettrait en place ? 

J’en ferais, avec le chant choral, une discipline à part entière (sans forcément organiser de match) et ce dès le plus jeune âge. J’obligerais les professeurs de toutes disciplines à suivre des stages d’improvisation et j’organiserais au maximum des ateliers parents- enfants. 

L’écologie c’est trouver ce qu’il nous manque dans ce que l’on a déjà et l’improvisation c’est aussi une façon de créer à plusieurs ses propres spectacles, SON PROPRE CHEMIN.






Julien Gigault
improconcept

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Quelques livres autour de l'improvisation à offrir ou s'offrir pour les fêtes.

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 10 décembre 2015 à 09:00


Une fois n'est pas coutume cette brève est complètement subjective. Voici une petite sélection de lecture(s) pour toute personne s'intéressant de près ou de loin à l'improvisation théâtrale.


Une référence
Jibé écrit quelques fois sur ce même blog. Il y a maintenant une bonne dizaine d'années, il a entrepris de compiler ses réflexions sur le match d'improvisation. Cela a donné un site et voici à présent un livre dont nous recommandons chaudement la lecture à tous les aficionados de l'improvisation

Un objet
Parfois nous aimerions pratiquer seul, oui mais voilà comment déclencher l'inspiration ? Ce livre-objet est parfait pour cela. Chaque page donne un cadre, sous forme de photo ou phrase, pour élargir les horizons de nos auteurs. En atelier, c'est le compagnon idéal du pédagogue. Le tout est en anglais mais, rassurez-vous, même un débutant s'y retrouve.

Une BD 
C'est presque une antiquité mais elle a le mérite d'exister : la seule BD ayant pour cadre un championnat d'improvisation. Après.... il faut aimer Ric Hochet pour accrocher !

Un guide
Si vous suivez régulièrement ce blog, vous savez à quel point nous sommes attachés à la recherche sur l'improvisation comme processus de création. Improconcept rassemble les fruits de cette recherche, tout en vous donnant les clés pour inventer vos propres exercices et trouver votre singularité dans cet art noble.

Une liste
Si jamais vous ne trouvez pas votre bonheur dans cette petite liste, Ian a compilé ses "must read" dans cette sélection à découvrir sur son site.

Il se peut aussi que vous soyez plus attiré par les jeux de société. Dans ce cas, cet article pourrait vous donner de bonnes idées d'expériences ludiques liées à l'improvisation.

Bonne lecture et bonne fin d'année !

Julien Gigault
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7 raisons d'utiliser l'uchronie en improvisation théâtrale.

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 23 octobre 2015 à 10:21
Le principe de l'uchronie, sous-genre de la science fiction*, est d'appliquer deux mots magiques au début de la narration pour revisiter une période historique : “et si...” Et si la vapeur était notre seule énergie ? Et si la civilisation incas dominait le monde ? Et si les frères Lumière n'avaient jamais inventé le cinéma ?

En improvisation, son utilisation est profitable à plus d'un titre. Elle permettra en premier lieu de sortir de notre carcan de narration habituel, le champ des possibles devient alors infini. Et si finalement l'improvisation théâtrale, par son aspect exploratoire était le terrain le plus favorable à l'uchronie...


1- L’uchronie permet de porter un message engagé ou politique

Le spectateur peut se retrouver déstabilisé face à l'uchronie, lui présenter une narration où le chanteur Johnny serait un illustre inconnu, ou où les singes seraient l'espèce dominante, demande un temps d'acceptation. Seulement par ce moyen, l'auteur peut faire entendre des messages très forts sur la starisation des individus (dans le cas du film "Jean Phillipe" de Laurent Tuel) ou sur l'oligarchie (pour le roman "La planète des singes" de Pierre Boulle)

2 – L’uchronie nous oblige à tirer un fil narratif

Dans la nouvelle sur le voyage temporelle "Un coup de tonnerre" de Ray Bradbury, lorsque Eckels le chasseur écrase un papillon dans le passé, il est loin de se douter quelles répercussions cet acte anodin prendra dans le futur. Imaginer les effets immenses, de ce “non” battement d'ailes de papillons nous oblige à envisager les retentissements possibles bien plus en avant que dans une narration classique.

3- L’uchronie questionne notre rapport à l'histoire et à l’actualité

En supposant que nous ayons, par avance, l'envie de traiter une période historique ou un fait d'actualité, se demander quelle idée singulière nous allons porter, donne un supplément d'intérêt aux situations ou narrations. Les partis pris doivent très clairs pour que l'uchronie fonctionne.

4- L’uchronie ne supporte pas les bluffeurs

Difficile en effet de créer du suspense ou du mystère sur un fait historique que tout le monde connaît. Le “Et si...” ne doit s'appliquer que sur un seul élément. Si nous transformons les vikings en peuple habillé de pailles et prônant le végétarisme nous ne sommes plus dans l'uchronie mais dans la fantaisie. (Et non dans la Fantasy, bien que cet autre genre accueille volontiers les vikings d'ordinaire.)

5- Notre psyché se nourrit d’uchronie

Lorsque dans une journée un événement qui nous tient à cœur ne se passe pas comme nous l'aurions souhaité, que fait notre psyché ? Elle fait en sorte que cet accomplissement se réalise lors de notre sommeil, en rêve. Quelque part, nous sommes habitués à cette forme de narration accordée pleinement à nos envies et fantasmes. Tout comme le songe, la scène est l'endroit où crier nos désirs cruciaux.

6- L’uchronie peut faire bouger les lignes

Et si le président des Etats Unis était noir ? Il y a 7 ans, ce n'était pas gagner d'avance. La série "24h chrono" a sans doute permis aux électeurs de se projeter. Si les idées sont des graines d'actions, les histoires sont le terreau rêvé pour qu'elles poussent.

7- L’uchronie est plus que jamais d’actualité

Pour preuve cette nouvelle série télévisuelle produit par Ridley Scott "The man in the High Castle" tirée du roman phare de P. K.Dick : Le maître du haut château. Ou encore cet excellent site web proposant, en complément d'une brève histoire de l'uchronie, des scénarios alternatifs permettants de revisiter l'histoire du Titanic, de Michael Jackson ou de Louis Pasteur.

Peu de spectacles d'improvisation utilisants ce genre existent. Si jamais vous en connaissez n'hésitez pas à nous en faire part dans la partie commentaire. On ne sait jamais... et si ces articles vous donnaient l'envie de jouer un peu plus d'improvisations théâtrales uchroniques…

Vous pouvez retrouver le précédent article traitant lui aussi de l'uchronie ici.
Pour aller plus loin : "Le Guide de l'Uchronie" de B.Campeis & K.Gobled. Edition Les 3 Souhaits.

Julien Gigault 
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*encore peut-on la définir comme sous-genre tant elle est prothéiforme ? Entre le roman historique ("22/11/63" de S. King), la comédie ("Un jour sans fin" de H.Ramis) ou la biographie fabulée ("la part de l'autre" de E.E. Schmitt), nous pouvons prétendre à la qualifier de genre en soi.
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Et si l'improvisation n'était qu'une vaste uchronie ?

Par : noreply@blogger.com (Julien Gigault) — 14 octobre 2015 à 09:00
L'improvisation théâtrale permet-elle de porter des messages engagés ?

Certainement, cependant tout porte à croire que mise à part une vague idée citoyenne comme quoi le vivre ensemble et le tri des déchets est important, beaucoup de joueurs semblent encore loin de savoir quels propos ils défendent réellement. C'est peut-être assez caricatural mais c'est un fait, nous sommes trop peu à porter un message engagé ou singulier dans nos spectacles.

Actuellement, l’improvisateur est un peu ce parachutiste voulant absolument sauter de l’avion sans savoir quel sera son temps de chute libre, la forme de son parachute ou le site d'atterrissage.
C'est à priori gage d'expertise que de sauter ainsi. Le public sachant cela se déplace d'autant plus pour la performance que pour le résultat. Les histoires peuvent être touchantes sans jamais questionner la conviction des auteurs. L'improvisation est pour tous synonyme de liberté de création mais force est de constater qu'au fur et à mesure des années passées à jouer, nous nous installons dans cet agréable accommodement avec la salle. Surtout ne pas chercher une matière à réflexion ou un parti-pris original.

Il ne s'agit pas d'intellectualiser notre discipline mais de rappeler que ce champ des possibles est l'une de ses raisons d'être. Au delà de ce formidable outil d'expression, de la drôlerie ou de l'intensité dramatique dont elle favorise la création, l'improvisation peut tout à fait devenir un outil de questionnement.

En ce sens, l'uchronie nous est d'un grand secours. Par ce terme nous désignons une utopie appliquée à l'histoire. Comment quelle histoire ?! La grande avec un grand H ? Oui, mais pas que. Se retourner sur notre passé pour y appliquer une bifurcation peut vite devenir tendancieux si l'on ne maîtrise pas un tant soit peu son sujet. Pour travailler avec des faits historiques, il est nécessaire de les étudier et par conséquent de préparer son terrain de jeu. L'uchronie s'accorde alors moins bien à l'improvisation totale, celle de ce parachutiste rétif à tout plan de vol.

Il est toutefois possible de l'utiliser pour une histoire venant de se créer. L'exemple le plus connu étant le film « Un jour sans fin » de H. Ramis. Sur ce modèle, réécrire une trame déjà donnée devient un défi pour notre écoute et notre sens de la prospection. Cela enlève aussi toute pression quant à la conclusion plausible de la scène, l'essentiel étant de manier correctement un processus d'écriture. L'uchronie offre au spectateur un espace pour qu'il puisse envisager, le temps d'un récit, la réalité sous un autre angle. Les références foisonnent dans la littérature ou le cinéma, ces perspectives parallèles ouvrent notre perception du monde. Notre discipline a tout intérêt à s'en emparer. C'est ce que nous verrons la semaine prochaine dans un nouvel article intitulé : "7 raisons d'utiliser l'uchronie en improvisation théâtrale".


Julien Gigault 
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