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Non merci

Par : Ian — 10 août 2022 à 14:41

Le Bret

Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire
La fortune et la gloire…

Cyrano

Et que faudrait-il faire ?

Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? Se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? Une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? »…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !

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Takeshi Kitano et l’improvisation

Par : Ian — 15 juillet 2022 à 09:32

A partir de 6:57

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“Etre soi-même rien que soi-même.”

Par : Ian — 18 février 2019 à 17:36

Denis Lavant, pour son seul-en-scène, “Le Sourire au pied de l’échelle”, d’après un texte de Henry Miller, au Théâtre de l’Œuvre. Le récit de la crise existentielle d’un clown qui visait la lune, et qui ne voulait plus faire rire les gens, mais leur apporter de la joie.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/denis-lavant-fait-le-clown

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Nietzsche, “c’est un bas niveau que celui de l’improvisation artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une oeuvre”

Par : Ian — 20 avril 2018 à 15:36

Croyance à l’inspiration. Les artistes ont quelque intérêt à ce qu’on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’oeuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie tombaient du ciel tel un rayon de la grâce. En vérité, l’imagination du bon artiste, ou penseur, ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine ; on voit ainsi aujourd’hui, par les Carnets de Beethoven, qu’il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les tirant pour ainsi dire d’esquisses multiples. Quant à celui est moins sévère dans son choix et s’en remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un grand improvisateur ; mais c’est un bas niveau que celui de l’improvisation artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une oeuvre. Tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s’agissait d’inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d’arranger.

Nietzsche, Humain, trop humain, §. 155

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Impro Gym

Par : Ian — 8 février 2018 à 17:20

Impro Gym est un atelier que j’ai ouvert cette année.

L’atelier est réservé aux improvisateurs et improvisatrices ayant deux années d’improvisation au minimum. J’ai créé cet atelier pour donner un espace de travail aux improvisateurs qui souhaitaient avoir une pratique régulière sans nécessairement s’inscrire à l’année dans une école d’improvisation.

Le pré-requis est d’avoir deux ans d’expérience, mais en moyenne, cela tourne plutôt aux alentours de cinq ou six ans d’expérience avec certains participants ayant une dizaine d’années.

L’atelier se concentre principalement sur les scènes courtes et en particulier les deux grands types de scènes courtes :

Peu importe le type d’improvisation théâtrale que l’on fait, qu’il s’agisse de formats compétitifs comme le Match ou le Maestro, de formats longs organiques comme le Longform américain ou narratifs comme la Pièce Improvisée, maîtriser les scènes courtes est essentiel.

En filigrane de ce travail dont l’échelle principale est la scène, nous travaillons dans Impro Gym des compétences transversales comme :

  • Les plateformes ;

  • La spécificité et le détail ;

  • La connexion avec le partenaire ;

  • L’acceptation profonde et immédiate ;

  • La clarté des propositions ;

  • Le fait d’assumer et de mener une scène ;

  • Valoriser une proposition, valoriser l’autre ;

  • L’évidence ;

  • La théâtralité et la crédibilité du jeu ;

  • Le rythme et la netteté des répliques ;

  • Savoir lire les retours avec trois points de référence : soi, l’autre, le public ;

  • Tenir ce qu’on amène et défendre ses propositions.

Pour travailler ces concepts en atelier

Je propose chaque dimanche de 14h à 16h un atelier qui s’intitule Impro Gym et qui travaille ces concepts ainsi que de nombreux autres. Il est ouvert à tout improvisateur ou improvisatrice qui a deux ans de pratique minimum. Pour vous inscrire, cliquez ici.

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L’improvisation est l’art de l’échec

Par : Ian — 23 novembre 2017 à 01:31

Je ne dis pas cela à la légère : l’improvisation est l’art de l’échec.

L’improvisation est indissociable de l’échec, l’échec est sa condition d’existence.

Sans échec, l’improvisation devient certaine.

Elle est exécution parfaite, elle est maîtrise totale, elle est contrôle absolu.

Elle est absence d’instabilité, elle est absence de vie : elle est la mort.

 

Méfiez vous de ceux qui n’échouent pas.

Sont-ils encore vivants ?

 

Méfiez vous de ceux qui dédramatisent l’échec.

Certes, ils peuvent le faire avec les meilleures intentions du monde.

Mais l’échec n’est pas anecdotique.

Il est vital, il est central, il est viscéral.

Dédramatiser pour permettre le premier pas, d’accord.

Mais c’est tout.

 

Méfiez vous de ceux qui rentabilisent l’échec.

De ceux qui “débriefent” tout.

C’est à dire de ceux qui pensent que l’on échoue pour apprendre de nos échecs.

Ils veulent tout rendre utile, performant.

S’ils ne peuvent simplement vivre l’échec, sans le questionner,

pourront-ils seulement accepter leurs succès ?

(La réponse est non.)

(Un succès ne sera pour eux qu’un répit avant un autre succès : une drogue.)

 

Méfiez vous de ceux qui font de l’échec un spectacle.

Ils peuvent parfois être sincères et touchants, comme les clowns.

Mais ils “divertissent” : littéralement, ils détournent l’attention.

Croient-ils encore à ce qu’ils font ?

 

Aimez échouer, d’un amour vrai et pour lui-même.

Choyez les moments où vous ratez.

Encaissez la bouse.

Goûtez votre humiliation.

Cultivez votre frustration comme on cultive un jardin,

car cela veut dire que vous êtes humains.

Restez au sol.

Vivez pleinement la chute, jusqu’au bout.

 

La marche a besoin du déséquilibre.

Vivre, c’est apprivoiser la mort.

 

Aimez véritablement l’échec.

Sans le dédramatiser.

Vous deviendrez invincible, immortel.

Libres des histoires que l’on se raconte pour ne pas échouer.

Libres d’être et de découvrir ce que vous êtes déjà.

 

Mais si vous aimez l’échec pour devenir invincible,

vous n’aimerez pas l’échec pour lui-même,

et alors vous ne deviendrez pas invincible.

 

***

 

Comme je l’ai souvent dit, si on déteste être projeté, on ne peut espérer devenir un maître du Judo. A mesure que l’on est projeté encore et encore, on doit apprendre à chuter et dépasser la peur d’être projeté. Alors on dépasse la peur d’être attaqué et l’on devient capable de prendre l’initiative de l’attaque. C’est seulement en s’entraînant de cette façon que l’on peut apprendre le vrai Judo.

Jigorō Kanō, fondateur du Judo [source]

 

***

 

Si le Judo est l’art de la chute, l’improvisation est l’art de l’échec.

Et l’improvisation théâtrale est l’art de la bouse théâtrale. A mesure que l’on produit des bouses, on dépasse la peur de ne pas plaire. Alors on peut prendre l’initiative de véritablement créer, de libérer ce qui est en nous.

“L’imagination est le soi véritable” nous dit Keith Johnstone.

Nous avons besoin de croire que nous imaginons pour révéler au monde qui nous sommes vraiment. Le théâtre est l’art de l’observation du monde et des êtres vivants. L’improvisation théâtrale, lorsqu’elle aime véritablement l’échec, nous donne accès à qui nous sommes vraiment.

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Philippe Caubère, déballer son intimité

Par : Ian — 9 octobre 2017 à 10:01

[Je réponds à votre question] pour lier l’art de l’acteur, qui est l’idée, on pourrait dire “théâtralement correcte” comme on dit “politiquement correct”, à une chose qui l’est moins, qui est le fait de déballer son intimité sur le plateau, qui est, pourtant, essentielle.

Philippe Caubère, Comment se fait votre travail d’improvisation ?

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“L’improvisation est la mère de l’art dramatique.”

Par : Ian — 13 septembre 2017 à 02:55

L’improvisation est la mère de l’art dramatique. Elle est à l’origine de tous les théâtres, de tous les contes, de tous les récits, de l’acte même de jouer, d’interpréter. Même lorsqu’on joue un texte actuel ou du répertoire, l’acteur improvise. Ce n’est plus la mémoire qui s’exprime mais le moment présent, bien sûr dans ce cas, répété jusqu’à l’oubli.

- Raymond Cloutier, L’improvisation phagocytée par un jeu de société

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Le Long Form (ou Longform) et les Formats Longs

Par : Ian — 21 juillet 2016 à 02:41

Il y a souvent confusion entre Long Form et Format Long.

De nombreux improvisateurs français, lassés du Match d’Improvisation Théâtrale se tournent vers les formats longs. Or depuis une dizaine d’année, le style américain d’improvisation, connu sous le nom de Long Form, s’est également importé en France. Il en résulte de nombreuses incompréhensions !

Le terme Long Form (ou Longform) est un terme qui vient des Etats-Unis et qui à l’origine ne recouvrait qu’une seule forme, le Harold, développée dans les années 1960 à San Francisco puis à Chicago sous l’impulsion de Del Close. Cette forme s’est ensuite démocratisée, développée et déstructurée pour aujourd’hui désigner la majeure partie de l’improvisation théâtrale pratiquée aux Etats-Unis.

iO Theater à Chicago et UCB Theater à New York sont les deux principales écoles ayant structuré une pédagogie complète autour de ce style d’improvisation.

Cependant, ce qu’on appelle Long Form aux Etats-Unis ne peut pas vraiment être traduit par Format Long en français car en France, on appelle généralement Format Long tout format qui tourne aux environs d’une heure de durée.

Le Long Form américain, que j’appelle personnellement “Long Form Thématique” ou “Long Form Organique” ou simplement “Harold” par opposition au “Long Form Narratif” et à la “Pièce Improvisée”, est plus un style de jeu qu’un vrai travail sur la durée des scènes. Si ce style de jeu vous intéresse, j’ai centralisé plusieurs ressources à ce sujet ici et ici qui vous permettront de creuser le sujet.

Il faut comprendre que le terme Long Form a été choisi avant tout par opposition à Short Form qui correspond aux Etats-Unis aux scènes avec contraintes et aux jeux d’improvisation, ce qu’on appelle chez nous “catégories”. Le Long Form est ainsi une réaction au style de jeu très codifié et contraint du Short Form, mais pas une réaction à la durée de ces scènes… Le Long Form n’implique ainsi paradoxalement pas de contrainte de longueur puisque la plupart des Harolds aux Etats-Unis durent entre 20 et 30 minutes et la durée moyenne des scènes est de 3 ou 4 minutes !

Voici quelques incompréhensions fréquentes sur le Long Form :

1) Le Long Form N’EST PAS forcément LONG

La plupart des Harolds tournent autour de 20 à 25 minutes. Un spectacle “Harold” classique à iO Theater (le temple du Long Form aux Etats-Unis), c’est TROIS Harolds par trois teams différentes en une heure, avec 20 à 25 minutes de temps de scène chacun.

2) Le Long Form N’EST PAS forcément LENT

Le Long Form est souvent très dynamique avec des transitions rapides et fortes et des scènes très punchy et très courtes (1 à 2 minute). Le jeu des comédiens n’est pas forcément posé ou sensible, mais souvent caricatural et direct. L’objectif affiché est explicitement de faire rire le public.

3) Le Long Form N’EST PAS une PIECE IMPROVISEE

Le Long Form présente souvent plusieurs scènes sans unité narrative, sans liens entre elles, à part leur relation à un thème global qui est souvent très vague ou diffuse. C’est plus une “exploration” d’un thème qu’une vraie construction d’histoire (même si ça peut l’être parfois).

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Cela dit, il faut reconnaître que le Long Form est un style de jeu très intéressant qui développe de nombreuses qualités : efficacité, sens du timing, sens de la comédie et capacités d’écriture de sketchs, audace dans les propositions et l’initiation de transitions, etc…

Si vous êtes arrivés ici en cherchant des pistes pour le travail de longues improvisations narratives et la construction d’histoires sur la durée, alors je vous recommande de vous orienter vers le “Format Long Narratif” ou “Pièce Improvisée”, pour lesquels vous trouverez des ressources utiles ici.

J’offre régulièrement pour diverses troupes des stages sur le Long Form américain, si cela vous intéresse. J’ai la particularité d’offrir également des stages sur les Pièces Improvisées, ce qui vous permet ainsi d’aborder les formats longs par différents points de vue et différent styles. Vous trouverez un catalogue de mes stages ici.

Le fait de travailler ces deux styles, simultanément ou de manière séquencée, permet de faire des progrès importants car la combinaison des deux développe un très large éventail de compétences tout à fait complémentaires, que l’on ne peut acquérir, ou en tout cas moins efficacement, en ne pratiquant qu’une seule approche.

N’hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressé pour vous ou votre structure !

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Le Doute

Par : Ian — 10 mai 2016 à 23:08

La chose la plus importante peut-être lorsque l’on est sur scène, c’est la capacité à vivre avec le doute.

Les débutants sont intéressants de ce point de vue. Une fois dépassé le doute de pouvoir monter sur scène, celui-ci disparaît, car il est immédiatement remplacé par le plaisir qu’ils ressentent à vivre cette expérience nouvelle. C’est pour cela que de nombreux débutants ou troupes nouvellement formées sont très agréables à regarder. Le plaisir qu’ils prennent à jouer est suffisant pour connecter le spectateur à la scène, qui d’ailleurs, au-delà de ce qui est joué, est surtout sensible à l’énergie positive dégagée.

Dans un deuxième temps arrive un second doute. Une fois la question “Est-ce que je peux le faire ?” résolue (au passage, la réponse est oui, et la réponse est toujours oui, pour tout le monde, car il n’y a rien d’exceptionnel à monter sur scène), émerge la question “Est-ce que ce que je fais est bien ?”.

On cherche souvent la réponse à cette question dans la technique. Le comédien va développer un arsenal de personnages, un panel d’émotions, travailler toujours plus de textes ou suivre toujours plus de stages. Le problème, c’est que ceux-ci ne combleront jamais réellement le trou béant du doute qui commence à s’installer durablement. C’est comme écoper un navire qui prend l’eau. La technique est une solution provisoire.

Chaque stage que l’on suit, chaque technique que l’on ajoute (le scene painting, la plateforme, le tilt, l’abécédaire, le vieux, l’acte 1 scène 1 du Misanthrope, le petit numéro de clown, happy/healthy/sexy, les masques, etc…) ne fait que repousser le retour du doute. Chaque spectacle, chaque “j’ai passé un bon moment” ou “j’ai beaucoup aimé” d’un spectateur, chaque “c’était très bien quand tu as poussé cette émotion” ou “j’y ai cru” d’un professeur, comble le trou, mais pour un moment seulement.

Car une nouvelle question devient incontournable.

Cette question c’est “Pourquoi je fais ça ?”, question qui a pour corollaire “Est-ce que ça en vaut la peine ?”.

Alors on répond (enfin) à la question. Tout ceci n’est plus seulement un joyeux concours de circonstances, mais devient un choix.

Parce que ça me fait plaisir. Pour montrer à mon professeur qu’il se trompe sur moi et que, si, j’ai le niveau. Pour moi. Parce que c’est drôle.

Ça en vaut la peine, oui, car ça me donne confiance en moi, dit celui qui devrait suivre une thérapie.

Car j’aime l’improvisation, j’aime le théâtre, oui, mais toi, que leur apportes-tu en retour ?

Parce que je me fais des amis et qu’ils comptent sur moi… et j’aime me sentir indispensable !

Parce que je gagne de l’argent : au moins, c’est concret.

Parce que j’ai arraché une émotion ou un rire au public, quel exploit !

Tout ceci est une illusion.

La réponse est qu’il n’y a pas de réponse. Apporter une réponse, c’est renoncer, c’est tuer le doute. On trouve des réponses pour ne pas vivre ce doute.

En répondant à “Pourquoi je fais ça ?”, inconsciemment on établit également “Voici ce que je ne suis pas prêt à faire”.

Si je dis “Je fais cela pour mon plaisir”, je dis également “Lorsque je n’aurai plus de plaisir, j’arrêterai”.

Si je dis “Je fais ça, car j’aime les gens avec qui je le fais”, je dis également “Je n’oserai pas te demander de partir, même si tu n’as pas le niveau” (bien sûr, on peut aimer quelqu’un qui a le niveau, ce n’est pas le sujet, le vrai défi est de pouvoir jouer au niveau, indépendamment de si vous aimez la personne ou non).

Si je dis “Je fais ça pour le public”, je dis également “Je ne ferai pas de spectacle impopulaire, je n’oserai pas me faire un bide”.

Le doute est nécessaire. Sur scène, hors scène, partout.

Car quand je joue, quand je joue vraiment, je me mets à ressentir ce que je ressens à cet instant et à cet endroit, et je propose ce qui s’impose à moi, malgré le doute qui est là.

Est-ce que ce que je ressens est juste ? Pertinent ? Justifié ? Compréhensible ? Je n’en sais rien, mais j’ose le vivre pleinement.

Revenons à l’essentiel, le public paie (et même s’il ne paie pas, il paie avec le temps qu’il donne) pour vivre des choses qu’il ne peut pas, ou ne veut pas, vivre. Le comédien est celui qui accepte de vivre ces choses. L’incertitude du métier - que ferai-je dans un mois ? - fait écho à l’incertitude de ce qui va se produire sur scène - que vais-je vivre ce soir ?

On dit bien le spectacle “vivant”. C’est de vie dont il s’agit. Mamet résume cela en substance en disant “Le métier de comédien, c’est d’être confortable avec l’inconfort”.

Alors pourquoi je fais ça ? Parce que je ne peux pas ne pas le faire.

Je n’apporte pas de réponse illusoire au doute (”le professeur a raison”, “le public a raison”, “mes amis ont raison”, “j’ai raison”), je dis merde au doute et j’assume d’être comédien, d’être artiste.

Je tue le doute en montant sur scène pour qu’il puisse émerger dans la scène.

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Jouer grand ET vrai

Par : Ian — 23 juin 2015 à 01:17

Paradoxe #1

Il faut jouer grand. Sinon le public et les partenaires ne comprennent pas ce que vous jouez. Ça ne leur parvient pas et la scène reste un “mystère”. Il devient difficile de jouer avec vous car on ne sait pas à quoi réagir, comment réagir et comment écrire la scène ensemble.

Mais quand on joue grand, il est difficile de jouer vrai. On tombe souvent dans la caricature ou le côté “volontaire”. On force les choses sur scène et on perd en justesse.

Il faut jouer vrai. Il faut que vous-même, les partenaires, le public croyez à ce que vous jouez. Si ce que vous jouez n’est pas juste, on perd le jeu, on perd la connexion, on perd la vérité du théâtre. On ne peut plus s’identifier et on reste dans le commentaire.

Mais quand on joue vrai, il est difficile de jouer grand. Car quand on joue sincère, on se rapproche de nous-même, de la vie, du quotidien, et on devient petit, on joue moins grand. On parle moins fort. On engage moins notre corps. On n’élève pas le jeu et les thèmes traités dans nos scènes restent plats.

Donc, il faut jouer vrai ET grand. Ce qui, en pratique, relève de l’impossible, car il faut jongler avec deux forces contraires, réussir l’union de l’eau et du feu. Les bons comédiens sont ceux qui trouvent des solutions à ce paradoxe, sur scène, par le jeu.

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L’importance du critère de succès en improvisation théâtrale

Par : Ian — 3 juin 2014 à 15:28

Theatresports du 25/05/2014

J’adore avoir des gens dans la salle qui ne connaissent pas l’improvisation théâtrale. Leur regard neuf sur la discipline est plein d’enseignements, ou plutôt, de rappels à l’évidence.

Notre spectacle Theatresports se décompose en trois parties : d’abord, nous avons 15 minutes de Free Impro, une sorte d’atelier ouvert où un metteur en scène décortique devant le public des exercices d’improvisation. Ensuite, nous avons le Theatresports à proprement parlé : 45 minutes de scènes plutôt courtes, sur la base de défis émis par les comédiens à l’équipe d’en face, qu’ils sont ensuite libres d’interpréter à leur sauce (ou non) grâce au mises en scènes ou aux situations qu’ils proposent en début de scène (les setups). Enfin, nous avons une troisième partie, le Labo, dans laquelle nous expérimentons de nouveaux formats.

Ce soir là, nous avons joué La Machine à Ecrire, une version longue de l’exercice classique de Keith Johnstone Keyboard Game / Typewriter, dans laquelle nous présentons une succession de courtes “nouvelles” écrites en direct sous les yeux des spectateurs.

J’avais un ami dans la salle. Cet ami (et collègue) est amateur de théâtre, il a adoré Le Porteur d’Histoire par exemple. Mais il ne connaissait pas l’improvisation théâtrale.

Dans la vie, il est économiste. J’ajoute qu’il est plutôt brillant intellectuellement et qu’il analyse souvent les situations avec pertinence et clarté.

Après le spectacle, on a débriefé : il a beaucoup aimé le spectacle, il n’a pas vu le temps passer.

Mais il a eu une nette préférence pour la troisième partie, qui est plus “scénarisée” et qui correspond plus à ce qu’il aime au théâtre.

Là où il m’a épaté, c’est lorsqu’il a dit (je cite) :

“Il y a une nette différence entre les parties 1 et 2 et la partie 3. Dans les parties 1 et 2, on sent que le critère de succès est clair : il s’agit de la capacité des comédiens à s’en sortir et à trouver une chute… et cela plait à beaucoup de gens dans la salle si l’on en croit les rires ! C’est cela qui définit si la scène est réussie ou non et c’est là-dessus que se concentrent les comédiens et le public pendant la scène. Mais du coup, on voit que le plaisir des comédiens est plus tourné vers eux-mêmes, c’est même flagrant chez certains, et que la performance individuelle et le jeu de situation sont mis en avant.”

J’ai été étonné qu’il cite spontanément des termes que nous utilisons en permanence en atelier.

En ayant vu un seul spectacle, il parvient à pointer et décortiquer les mécanismes d’un des style de jeu les plus répandus dans le monde de l’improvisation théâtrale : le jeu “performatif” lié à la confrontation des comédiens à une contrainte externe, à l’exploration d’un “jeu de scène” (ou game of the scene) qu’il soit exprimé clairement ex-ante (comme dans les matchs ou les cabarets d’impro) ou découvert organiquement (comme dans le longform américain).

Il a ensuite ajouté :

“Sur la troisième partie, le critère de réussite est plus diffus. Mais cette partie vous encourage à écrire plus. Les interactions entre narrateur et comédien sont excellentes et on sent l’énorme potentiel créatif et narratif.”

La distinction qu’il fait est très intéressante.

Une partie du public vient au théâtre en ayant acheté un produit. Les comédiens leur “vendent” ce produit en étant efficaces et performant : ils sont tenus de produire du rire en se sortant à chaque scène de contraintes imposées.

C’est simple, l’échange est clair, tout le monde est content.

Par contre, une partie du public est aussi prête à nous suivre dans un spectacle où l’on ne sait pas trop comment juger ce que l’on voit. Est-ce que ça a marché ? Est-ce que ça a échoué ?

Le rire n’est plus le seul guide et une partie du public est perdu.

Mais dans cet égarement, le public est aussi prêt à suivre les comédiens vers “autre chose” : une créativité collective qui ne serait pas bornée par des codes, une spontanéité et une fraicheur sur scène et surtout… des histoires* !

Mais c’est effrayant pour les comédiens : sommes-nous prêts à sortir des cadres auto-imposés ? Sommes-nous prêts à ne pas trop savoir si ce que l’on fait “marche” ? Sommes nous prêts à avoir un critère de succès “diffus” ?

Car c’est quand on ne sait plus si ce qu’on fait est “bien” ou “mal” qu’on est vraiment créatif.

Et surtout est-ce qu’on va arriver à emmener le public avec nous ?

Il y a une réelle distinction, voire une opposition entre ces deux façons de voir les choses.

Je ne crois pas que la distinction entre ces deux styles de jeux soit liée à la longueur du format : on peut jouer en valorisant la créativité collective, la spontanéité et la narration sur des formats de scènes courtes et déconnectées, et même dans des jeux “à contrainte” !

Inversement, on peut voir des formats longs basés sur une succession de jeux “performatifs”, la Commedia Dell’Arte en étant un exemple classique, puisque les canevas sont surtout un prétexte au placement de lazzis.

Et ce n’est pas parce qu’on créée ou qu’on explore un format ou un “concept” nouveau qu’on est forcément créatif (même si c’est un bon début) : tout dépend de la manière de l’aborder et de le jouer.

Je ne crois pas non plus que ça soit lié à l’école d’impro dont on dépend ou au pays où l’on pratique l’improvisation.

Cette distinction est une question de choix, de préférences personnelles.

Theatresports peut être plus qu’une succession de jeux et de contraintes, même s’il en a grosso modo la forme : les défis ne sont qu’un prétexte, mais chaque scène devrait célébrer créativité, spontanéité et narration ! Les jeux et le performatif ne devraient être qu’une respiration dans le spectacle, et non le plat de résistance.

Ce soir là, nous ne sommes pas parvenus à faire ressortir cela dans cette partie du spectacle : nous avons été “efficaces” et “performants” sur les scènes les plus marquantes en tout cas.

Par contre, cette créativité collective “diffuse”, ce flow propre à l’improvisation, était bien présente sur la troisième partie. Et ça, j’en suis bien content.

Mon collègue a ajouté une chose :

“Je suis étonné qu’il n’y ait pas eu d’histoires de cul. Peut-être parce qu’il y avait des enfants dans la salle. Ou parce que les comédiens se censurent ? On a l’impression que les scènes restent légères, qu’elles abordent des sujets enfantins essentiellement. J’avais le sentiment qu’il y avait des sujets interdits ou tabous qu’on n’osait pas aborder et cela pouvait créer une distance avec le public qui ressent aussi cette auto-limitation des comédiens.”

Encore une fois, il fait mouche.

Keith aborde ça très tôt dans son livre Impro : pour être vraiment créatif, il faut accepter de ne pas se censurer et donc de mettre sur scène des choses sales, taboues, irrespectueuses, choquantes. Ça n’a rien d’évident, mais il est clair que si le public accepte de nous suivre dans un spectacle au critère de succès “diffus”, il s’attend probablement à un retour sur investissement (de son temps, de son attention) qui passe par une vraie exploration de l’inconnu et une remise en question des limites et des cadres.

A nous de l’y emmener.

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* : Mais peut-être que vouloir raconter une histoire à tout prix est en soi une tentative de définir un critère de succès.

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Puck, “nous ferons mieux, si vous pardonnez”

Par : Ian — 28 avril 2014 à 12:14
“If we shadows have offended,
Think but this, and all is mended,
That you have but slumber’d here
While these visions did appear.
And this weak and idle theme,
No more yielding but a dream,
Gentles, do not reprehend:
if you pardon, we will mend:
And, as I am an honest Puck,
If we have unearned luck
Now to ’scape the serpent’s tongue,
We will make amends ere long;
Else the Puck a liar call;
So, good night unto you all.
Give me your hands, if we be friends,
And Robin shall restore amends.”

- William Shakespeare, A Midsummer Night’s Dream

Ombres que nous sommes, si nous avons déplu, — figurez-vous seulement (et tout sera réparé) — que vous n’avez fait qu’un somme, — pendant que ces visions vous apparaissaient. — Ce thème faible et vain, qui ne contient pas plus qu’un songe, — gentils spectateurs, ne le condamnez pas ; — nous ferons mieux, si vous pardonnez. Oui, foi d’honnête Puck, — si nous avons la chance imméritée — d’échapper aujourd’hui au sifflet du serpent, — nous ferons mieux avant longtemps, — ou tenez Puck pour un menteur. — Sur ce, bonsoir, vous tous. — Donnez-moi toutes vos mains, si nous sommes amis, — et Robin prouvera sa reconnaissance.

Vu à la Comédie Française le 26 avril 2014, mise en scène Muriel Mayette-Holtz

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David Mamet, l’éthique de l’acteur

Par : Ian — 31 mars 2014 à 16:17

The audience should go out front and you should go onstage as if to a hot date, not as if to give blood. No one wants to pay good money and irreplaceable time to watch you be responsible. They want to watch you be exciting. And you can’t be exciting if you’re not excited; and you can’t be excited if you’re thinking about nothing more compelling than your boring old concentration, self-performance, and good ideas.

David Mamet, True and False

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Eduquer

Par : Ian — 20 mars 2014 à 15:45

Etymologie : Emprunté au latin ēdŭcāre (« former », « instruire »), lui-même fréquentatif du verbe ēdūcĕre (« faire sortir », « mettre dehors »), composé de dūcĕre (« conduire », « mener ») avec le préfixe ex- (« en dehors »). [source]

Éduquer, c’est “conduire en dehors”. En dehors de quoi ?

De sa zone de confort, de son environnement habituel, des sujets que l’on maitrise.

Les gens pensent que les bons et les mauvais enseignants pratiquent la même activité, comme si l’éducation était une substance, et que les mauvais enseignants dispensaient un peu de cette substance, et les bons enseignants beaucoup. Cela fait qu’il est difficile de comprendre que l’éducation peut être un processus destructeur, que les mauvais enseignants détruisent le talent de leurs élèves, et que les bons et les mauvais enseignants sont engagés dans des activités opposées. - Keith Johnstone

Éduquer, ce n’est pas transmettre un certain nombre de concepts, d’idées, de techniques.

Éduquer, c’est enclencher un processus et c’est créer l’environnement adapté à ce processus.

L’auto-éducation est, je le crois sincèrement, la seule forme d’éducation qui soit - Isaac Asimov

L’improvisation est un processus de confrontation perpétuelle à sa zone d’inconfort. C’est donc une forme d’éducation, une auto-éducation.

Enseigner l’improvisation, c’est réellement éduquer.

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Un professeur apprend une découverte scientifique validant sa théorie sur le Big Bang

Par : Ian — 18 mars 2014 à 11:48

Le théâtre est fort quand il est juste.

La scène ci-dessus est une scène tirée du réel. C’est un sujet fort, qui concerne l’humanité entière et qui pourrait aisément faire l’objet d’une scène, écrite ou improvisée, voire d’une pièce ou d’un film :

“Un professeur apprend qu’une découverte scientifique valide sa théorie sur le Big Bang”

Mais c’est aussi un moment humain, un moment vrai, un moment qui fait écho à la vie de tout un chacun : voir le travail de sa vie reconnu !

Si je donnais ce sujet à jouer en improvisation théâtrale, comment serait-il traité ? Il est intéressant de se poser la question.

J’imagine pour ma part : une énorme réaction (”Eureka !”), l’appel à des collègues qu’on rameute, la réflexion immédiate sur les conséquences, peut-être un extra-terrestre qui arrive et qui dit “Arrêtez tout !” ?

Dans la réalité, il semblerait que le professeur apprenant la nouvelle soit heureux, simplement. C’est fort, et c’est suffisant, non ?

Internet nous donne accès à une source infinie de “moments” vrais. J’essaierai donc de poster ici des vidéos, articles, ou tout autre chose qui peuvent nous “montrer” la réalité de ces moments pour inspirer notre jeu d’acteur, mais également notre rôle de narrateur et de metteur en scène !

En effet, on dit aussi souvent que la réalité dépasse la fiction. Je pense que la réalité et la fiction sont loin d’être si éloignées. La fiction écrit parfois l’Histoire, et inversement (la pièce “Le Porteur d’Histoire” traite le sujet de manière très élégante). La science fiction anticipe l’avenir. Et le fait qu’une histoire soit “inspirée d’un fait réel” a toujours accroché un peu plus le spectateur. Il y a énormément de faits divers qui sont tellement incroyables qu’on pense qu’ils sont écrit.

C’est Patti Stiles qui nous expliquait qu’elle notait tous les faits qui la marquaient pour s’en servir dans ses scènes. Je pense que collecter ce genre de faits et d’histoires et les (re)transmettre en étant le plus juste possible est une part importante, voire essentielle, de notre travail de comédien, de narrateur et de metteur en scène.

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L’impro unique

Par : Ian — 4 mars 2014 à 16:30

…ou quand le public nous dit “Ça n’est pas de l’impro !”

Extraits de critiques reçues sur BilletReduc (les accentuations sont de moi) :

  • “Bref assez déçue je m’attendais à de la véritable impro où le public choisit les thèmes et où les acteurs sont libres et partent en freestyle.”

  • “Il n’avait rien à voir avec de l’impro. Les joueurs nous racontent avant de “jouer” ce qui va se passer sur scène. Résultat : on ne joue pas.”

Comment a-t-on réussi à créer une génération d’experts qui savent mieux que nous ce qu’est l’improvisation théâtrale ?

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