Etymologie : Emprunté au latin ēdŭcāre (« former », « instruire »), lui-même fréquentatif du verbe ēdūcĕre (« faire sortir », « mettre dehors »), composé de dūcĕre (« conduire », « mener ») avec le préfixe ex- (« en dehors »). [source]
Éduquer, c’est “conduire en dehors”. En dehors de quoi ?
De sa zone de confort, de son environnement habituel, des sujets que l’on maitrise.
Les gens pensent que les bons et les mauvais enseignants pratiquent la même activité, comme si l’éducation était une substance, et que les mauvais enseignants dispensaient un peu de cette substance, et les bons enseignants beaucoup. Cela fait qu’il est difficile de comprendre que l’éducation peut être un processus destructeur, que les mauvais enseignants détruisent le talent de leurs élèves, et que les bons et les mauvais enseignants sont engagés dans des activités opposées. - Keith Johnstone
Éduquer, ce n’est pas transmettre un certain nombre de concepts, d’idées, de techniques.
Éduquer, c’est enclencher un processus et c’est créer l’environnement adapté à ce processus.
L’auto-éducation est, je le crois sincèrement, la seule forme d’éducation qui soit - Isaac Asimov
L’improvisation est un processus de confrontation perpétuelle à sa zone d’inconfort. C’est donc une forme d’éducation, une auto-éducation.
Enseigner l’improvisation, c’est réellement éduquer.
Je me suis mis à l’équitation depuis trois mois. C’est une activité assez compliquée, où il est difficile d’avoir un succès immédiat et dont le résultat dépend pour une part non négligeable d’un animal énorme et imprévisible.
Ça ne vous rappelle rien ?
Mes séances sont faites de joies et de frustrations, de peur, d’illuminations soudaines et de régressions.
Je ne m’y attendais pas, mais le fait de me confronter à une activité nouvelle et impressionnante m’aide à me mettre à la place de mes élèves et m’apprend beaucoup de choses sur la pédagogie. Ça faisait longtemps que je n’avais pas tenté quelque chose de nouveau où je dois réapprendre à être nul. Et j’avais oublié à quel point je déteste ça.
Quelques idées en vrac :
L’impro a cette chance de permettre un échec indolore. La dernière fois que je suis tombé à cheval, je me suis ouvert le doigt. J’aurais aimé qu’on m’apprenne à chuter à cheval avant de monter. L’impro n’a pas à être douloureuse : si vos séance d’impro sont pénibles, changez de professeur immédiatement.
L’impro est (comme le cheval) une grosse bête imprévisible. On peut penser la contrôler, mais à tout moment elle peut ruer et partir dans une directions inattendue. C’est stupide (et dangereux) de penser qu’on la maitrise totalement.
La monitrice n’arrête pas de me donner des ordres contradictoires : “Raccourcis tes rênes”, “Lâche tes bras”, “Maitrise-le”, “Ne tire pas sur tes rênes”. Je n’y comprends rien. Il faudrait que j’accepte de ne pas tout maitriser, mais j’ai tellement envie de réussir.
Parfois, le cheval ne veut juste pas avancer ou m’écouter. Alors la monitrice s’énerve. Le cheval se braque et part au galop sans que je ne contrôle rien. Note pour l’impro : ne jamais crier…
Je me sens nul ! J’ai l’impression de n’arriver à rien, je regarde les autres qui arrivent mieux et je trouve ça complètement injuste. J’ai envie qu’on me dise personnellement ce que je fais mal et ce que je pourrais mieux faire ! J’ai envie qu’on m’explique la technique, les positions, la préparation et pourquoi on fait les choses comme on les fait, la théorie qu’il y a derrière). J’ai l’impression de ne pas savoir si je fais bien ou pas.
Parfois, je me lève le matin et je me dis que je n’ai pas envie d’y aller aujourd’hui parce que je ne vais rien comprendre aux explications et aux consignes et que je vais me sentir nul. Je me demande s’il y a des élèves que j’ai détourné de l’impro parce que j’ai été trop dur ou pas assez clair en tant que professeur. Je me demande aussi si c’est la faute de l’élève qui fantasme sur sa capacité à réussir rapidement et sur l’image idéalisée qu’il a de l’activité…
J’adore quand ça marche et que j’ai l’impression de progresser ou d’apprendre quelque chose, même une toute petite chose !
Je suis débutant, et même si je fais toujours attention à ne rater aucune miette, il faut sans cesse me réexpliquer les même choses… Parfois, la monitrice est trop loin dans la carrière et je n’entends pas ses instructions.
Parfois, il faut juste pratiquer. J’apprends plus grâce à une longue ballade ininterrompue de quarante minutes que pendant une heure d’exercices intensifs.
L’enseignant doit-il faire en sorte que l’élève se sente bien à tout moment ? Doit-il faire ressentir à l’élève lorsqu’il “fait mal” ? Il est possible d’assister à un cours, de ne rien faire, de ne rien comprendre, de ne pas évoluer et d’en ressortir parfaitement heureux. Le professeur doit-il générer l’inconfort pour permettre d’apprendre ?
Quand on ne sait rien, on se rattache à ce que l’on ressent. On se dit : “Tiens, ça a marché !” On identifie les éléments qu’on pense déterminants (même si on a tort) et on développe des règles ou des habitudes. Elles seront ensuite probablement déconstruites avec l’expérience. Est-il utile d’enseigner des habitudes ?
Je complèterai cette liste au fur et à mesure…
Full quote: “Instructors can impart only a fraction of the teaching. It is through your own devoted practice that the mysteries of the Art of Peace are brought to life.” Morihei Ueshiba
C’est quelque chose qui me frappe souvent en tant que prof: j’essaie d’enseigner trop de choses à la fois. Tout est important (comme le dit Keith). Mais il faut se rendre compte qu’on ne peut transmettre qu’une partie de l’enseignement. Il faut accepter cette réalité, avec joie, parce que c’est déjà une réussite. Je trouve cette citation libératrice pour moi en tant que professeur. Je me sens heureux si une partie seulement de ce que j’enseigne est retenu.
Cependant, seule la pratique dévouée permettra d’acquérir un vrai savoir, un savoir-faire. Il faut donc en tant que prof enjoindre à l’exercice et à la pratique, rendre cette répétition et cette confrontation au réel joyeuse et entrainante. Ce qui veut dire refaire les mêmes exercices, les rendre intéressants, éventuellement à travers des variations, éventuellement à travers des mécanismes comme le jeu ou la compétition. Les reprendre, corriger les élèves.
Mais au delà, en tant que professeur, il y a une certaine ambiance à créer. J’ai récemment repris l’aïkido et je suis toujours frappé par la joie qu’il peut y avoir même dans la pratique austère d’exercices faits et refaits des centaines de fois dans un dojo: les étirements, les chutes, le salut, la technique. J’aimerais que les ateliers d’improvisation aient cette même ambiance.
Tiens, ça me rappelle certains cours d’impro…
“Mr G’ Drama Class”, Summer Height’s High
Un bon prof d’impro vous fait sortir des trucs comme ça :
En français :