Je ne dis pas cela à la légère : l’improvisation est l’art de l’échec.
L’improvisation est indissociable de l’échec, l’échec est sa condition d’existence.
Sans échec, l’improvisation devient certaine.
Elle est exécution parfaite, elle est maîtrise totale, elle est contrôle absolu.
Elle est absence d’instabilité, elle est absence de vie : elle est la mort.
Méfiez vous de ceux qui n’échouent pas.
Sont-ils encore vivants ?
Méfiez vous de ceux qui dédramatisent l’échec.
Certes, ils peuvent le faire avec les meilleures intentions du monde.
Mais l’échec n’est pas anecdotique.
Il est vital, il est central, il est viscéral.
Dédramatiser pour permettre le premier pas, d’accord.
Mais c’est tout.
Méfiez vous de ceux qui rentabilisent l’échec.
De ceux qui “débriefent” tout.
C’est à dire de ceux qui pensent que l’on échoue pour apprendre de nos échecs.
Ils veulent tout rendre utile, performant.
S’ils ne peuvent simplement vivre l’échec, sans le questionner,
pourront-ils seulement accepter leurs succès ?
(La réponse est non.)
(Un succès ne sera pour eux qu’un répit avant un autre succès : une drogue.)
Méfiez vous de ceux qui font de l’échec un spectacle.
Ils peuvent parfois être sincères et touchants, comme les clowns.
Mais ils “divertissent” : littéralement, ils détournent l’attention.
Croient-ils encore à ce qu’ils font ?
Aimez échouer, d’un amour vrai et pour lui-même.
Choyez les moments où vous ratez.
Encaissez la bouse.
Goûtez votre humiliation.
Cultivez votre frustration comme on cultive un jardin,
car cela veut dire que vous êtes humains.
Restez au sol.
Vivez pleinement la chute, jusqu’au bout.
La marche a besoin du déséquilibre.
Vivre, c’est apprivoiser la mort.
Aimez véritablement l’échec.
Sans le dédramatiser.
Vous deviendrez invincible, immortel.
Libres des histoires que l’on se raconte pour ne pas échouer.
Libres d’être et de découvrir ce que vous êtes déjà.
Mais si vous aimez l’échec pour devenir invincible,
vous n’aimerez pas l’échec pour lui-même,
et alors vous ne deviendrez pas invincible.
***
Comme je l’ai souvent dit, si on déteste être projeté, on ne peut espérer devenir un maître du Judo. A mesure que l’on est projeté encore et encore, on doit apprendre à chuter et dépasser la peur d’être projeté. Alors on dépasse la peur d’être attaqué et l’on devient capable de prendre l’initiative de l’attaque. C’est seulement en s’entraînant de cette façon que l’on peut apprendre le vrai Judo.
Jigorō Kanō, fondateur du Judo [source]
***
Si le Judo est l’art de la chute, l’improvisation est l’art de l’échec.
Et l’improvisation théâtrale est l’art de la bouse théâtrale. A mesure que l’on produit des bouses, on dépasse la peur de ne pas plaire. Alors on peut prendre l’initiative de véritablement créer, de libérer ce qui est en nous.
“L’imagination est le soi véritable” nous dit Keith Johnstone.
Nous avons besoin de croire que nous imaginons pour révéler au monde qui nous sommes vraiment. Le théâtre est l’art de l’observation du monde et des êtres vivants. L’improvisation théâtrale, lorsqu’elle aime véritablement l’échec, nous donne accès à qui nous sommes vraiment.
Il y a souvent confusion entre Long Form et Format Long.
De nombreux improvisateurs français, lassés du Match d’Improvisation Théâtrale se tournent vers les formats longs. Or depuis une dizaine d’année, le style américain d’improvisation, connu sous le nom de Long Form, s’est également importé en France. Il en résulte de nombreuses incompréhensions !
Le terme Long Form (ou Longform) est un terme qui vient des Etats-Unis et qui à l’origine ne recouvrait qu’une seule forme, le Harold, développée dans les années 1960 à San Francisco puis à Chicago sous l’impulsion de Del Close. Cette forme s’est ensuite démocratisée, développée et déstructurée pour aujourd’hui désigner la majeure partie de l’improvisation théâtrale pratiquée aux Etats-Unis.
iO Theater à Chicago et UCB Theater à New York sont les deux principales écoles ayant structuré une pédagogie complète autour de ce style d’improvisation.
Cependant, ce qu’on appelle Long Form aux Etats-Unis ne peut pas vraiment être traduit par Format Long en français car en France, on appelle généralement Format Long tout format qui tourne aux environs d’une heure de durée.
Le Long Form américain, que j’appelle personnellement “Long Form Thématique” ou “Long Form Organique” ou simplement “Harold” par opposition au “Long Form Narratif” et à la “Pièce Improvisée”, est plus un style de jeu qu’un vrai travail sur la durée des scènes. Si ce style de jeu vous intéresse, j’ai centralisé plusieurs ressources à ce sujet ici et ici qui vous permettront de creuser le sujet.
Il faut comprendre que le terme Long Form a été choisi avant tout par opposition à Short Form qui correspond aux Etats-Unis aux scènes avec contraintes et aux jeux d’improvisation, ce qu’on appelle chez nous “catégories”. Le Long Form est ainsi une réaction au style de jeu très codifié et contraint du Short Form, mais pas une réaction à la durée de ces scènes… Le Long Form n’implique ainsi paradoxalement pas de contrainte de longueur puisque la plupart des Harolds aux Etats-Unis durent entre 20 et 30 minutes et la durée moyenne des scènes est de 3 ou 4 minutes !
Voici quelques incompréhensions fréquentes sur le Long Form :
1) Le Long Form N’EST PAS forcément LONG
La plupart des Harolds tournent autour de 20 à 25 minutes. Un spectacle “Harold” classique à iO Theater (le temple du Long Form aux Etats-Unis), c’est TROIS Harolds par trois teams différentes en une heure, avec 20 à 25 minutes de temps de scène chacun.
2) Le Long Form N’EST PAS forcément LENT
Le Long Form est souvent très dynamique avec des transitions rapides et fortes et des scènes très punchy et très courtes (1 à 2 minute). Le jeu des comédiens n’est pas forcément posé ou sensible, mais souvent caricatural et direct. L’objectif affiché est explicitement de faire rire le public.
3) Le Long Form N’EST PAS une PIECE IMPROVISEE
Le Long Form présente souvent plusieurs scènes sans unité narrative, sans liens entre elles, à part leur relation à un thème global qui est souvent très vague ou diffuse. C’est plus une “exploration” d’un thème qu’une vraie construction d’histoire (même si ça peut l’être parfois).
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Cela dit, il faut reconnaître que le Long Form est un style de jeu très intéressant qui développe de nombreuses qualités : efficacité, sens du timing, sens de la comédie et capacités d’écriture de sketchs, audace dans les propositions et l’initiation de transitions, etc…
Si vous êtes arrivés ici en cherchant des pistes pour le travail de longues improvisations narratives et la construction d’histoires sur la durée, alors je vous recommande de vous orienter vers le “Format Long Narratif” ou “Pièce Improvisée”, pour lesquels vous trouverez des ressources utiles ici.
J’offre régulièrement pour diverses troupes des stages sur le Long Form américain, si cela vous intéresse. J’ai la particularité d’offrir également des stages sur les Pièces Improvisées, ce qui vous permet ainsi d’aborder les formats longs par différents points de vue et différent styles. Vous trouverez un catalogue de mes stages ici.
Le fait de travailler ces deux styles, simultanément ou de manière séquencée, permet de faire des progrès importants car la combinaison des deux développe un très large éventail de compétences tout à fait complémentaires, que l’on ne peut acquérir, ou en tout cas moins efficacement, en ne pratiquant qu’une seule approche.
N’hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressé pour vous ou votre structure !
La chose la plus importante peut-être lorsque l’on est sur scène, c’est la capacité à vivre avec le doute.
Les débutants sont intéressants de ce point de vue. Une fois dépassé le doute de pouvoir monter sur scène, celui-ci disparaît, car il est immédiatement remplacé par le plaisir qu’ils ressentent à vivre cette expérience nouvelle. C’est pour cela que de nombreux débutants ou troupes nouvellement formées sont très agréables à regarder. Le plaisir qu’ils prennent à jouer est suffisant pour connecter le spectateur à la scène, qui d’ailleurs, au-delà de ce qui est joué, est surtout sensible à l’énergie positive dégagée.
Dans un deuxième temps arrive un second doute. Une fois la question “Est-ce que je peux le faire ?” résolue (au passage, la réponse est oui, et la réponse est toujours oui, pour tout le monde, car il n’y a rien d’exceptionnel à monter sur scène), émerge la question “Est-ce que ce que je fais est bien ?”.
On cherche souvent la réponse à cette question dans la technique. Le comédien va développer un arsenal de personnages, un panel d’émotions, travailler toujours plus de textes ou suivre toujours plus de stages. Le problème, c’est que ceux-ci ne combleront jamais réellement le trou béant du doute qui commence à s’installer durablement. C’est comme écoper un navire qui prend l’eau. La technique est une solution provisoire.
Chaque stage que l’on suit, chaque technique que l’on ajoute (le scene painting, la plateforme, le tilt, l’abécédaire, le vieux, l’acte 1 scène 1 du Misanthrope, le petit numéro de clown, happy/healthy/sexy, les masques, etc…) ne fait que repousser le retour du doute. Chaque spectacle, chaque “j’ai passé un bon moment” ou “j’ai beaucoup aimé” d’un spectateur, chaque “c’était très bien quand tu as poussé cette émotion” ou “j’y ai cru” d’un professeur, comble le trou, mais pour un moment seulement.
Car une nouvelle question devient incontournable.
Cette question c’est “Pourquoi je fais ça ?”, question qui a pour corollaire “Est-ce que ça en vaut la peine ?”.
Alors on répond (enfin) à la question. Tout ceci n’est plus seulement un joyeux concours de circonstances, mais devient un choix.
Parce que ça me fait plaisir. Pour montrer à mon professeur qu’il se trompe sur moi et que, si, j’ai le niveau. Pour moi. Parce que c’est drôle.
Ça en vaut la peine, oui, car ça me donne confiance en moi, dit celui qui devrait suivre une thérapie.
Car j’aime l’improvisation, j’aime le théâtre, oui, mais toi, que leur apportes-tu en retour ?
Parce que je me fais des amis et qu’ils comptent sur moi… et j’aime me sentir indispensable !
Parce que je gagne de l’argent : au moins, c’est concret.
Parce que j’ai arraché une émotion ou un rire au public, quel exploit !
Tout ceci est une illusion.
La réponse est qu’il n’y a pas de réponse. Apporter une réponse, c’est renoncer, c’est tuer le doute. On trouve des réponses pour ne pas vivre ce doute.
En répondant à “Pourquoi je fais ça ?”, inconsciemment on établit également “Voici ce que je ne suis pas prêt à faire”.
Si je dis “Je fais cela pour mon plaisir”, je dis également “Lorsque je n’aurai plus de plaisir, j’arrêterai”.
Si je dis “Je fais ça, car j’aime les gens avec qui je le fais”, je dis également “Je n’oserai pas te demander de partir, même si tu n’as pas le niveau” (bien sûr, on peut aimer quelqu’un qui a le niveau, ce n’est pas le sujet, le vrai défi est de pouvoir jouer au niveau, indépendamment de si vous aimez la personne ou non).
Si je dis “Je fais ça pour le public”, je dis également “Je ne ferai pas de spectacle impopulaire, je n’oserai pas me faire un bide”.
Le doute est nécessaire. Sur scène, hors scène, partout.
Car quand je joue, quand je joue vraiment, je me mets à ressentir ce que je ressens à cet instant et à cet endroit, et je propose ce qui s’impose à moi, malgré le doute qui est là.
Est-ce que ce que je ressens est juste ? Pertinent ? Justifié ? Compréhensible ? Je n’en sais rien, mais j’ose le vivre pleinement.
Revenons à l’essentiel, le public paie (et même s’il ne paie pas, il paie avec le temps qu’il donne) pour vivre des choses qu’il ne peut pas, ou ne veut pas, vivre. Le comédien est celui qui accepte de vivre ces choses. L’incertitude du métier - que ferai-je dans un mois ? - fait écho à l’incertitude de ce qui va se produire sur scène - que vais-je vivre ce soir ?
On dit bien le spectacle “vivant”. C’est de vie dont il s’agit. Mamet résume cela en substance en disant “Le métier de comédien, c’est d’être confortable avec l’inconfort”.
Alors pourquoi je fais ça ? Parce que je ne peux pas ne pas le faire.
Je n’apporte pas de réponse illusoire au doute (”le professeur a raison”, “le public a raison”, “mes amis ont raison”, “j’ai raison”), je dis merde au doute et j’assume d’être comédien, d’être artiste.
Je tue le doute en montant sur scène pour qu’il puisse émerger dans la scène.
Theatresports du 25/05/2014
J’adore avoir des gens dans la salle qui ne connaissent pas l’improvisation théâtrale. Leur regard neuf sur la discipline est plein d’enseignements, ou plutôt, de rappels à l’évidence.
Notre spectacle Theatresports se décompose en trois parties : d’abord, nous avons 15 minutes de Free Impro, une sorte d’atelier ouvert où un metteur en scène décortique devant le public des exercices d’improvisation. Ensuite, nous avons le Theatresports à proprement parlé : 45 minutes de scènes plutôt courtes, sur la base de défis émis par les comédiens à l’équipe d’en face, qu’ils sont ensuite libres d’interpréter à leur sauce (ou non) grâce au mises en scènes ou aux situations qu’ils proposent en début de scène (les setups). Enfin, nous avons une troisième partie, le Labo, dans laquelle nous expérimentons de nouveaux formats.
Ce soir là, nous avons joué La Machine à Ecrire, une version longue de l’exercice classique de Keith Johnstone Keyboard Game / Typewriter, dans laquelle nous présentons une succession de courtes “nouvelles” écrites en direct sous les yeux des spectateurs.
J’avais un ami dans la salle. Cet ami (et collègue) est amateur de théâtre, il a adoré Le Porteur d’Histoire par exemple. Mais il ne connaissait pas l’improvisation théâtrale.
Dans la vie, il est économiste. J’ajoute qu’il est plutôt brillant intellectuellement et qu’il analyse souvent les situations avec pertinence et clarté.
Après le spectacle, on a débriefé : il a beaucoup aimé le spectacle, il n’a pas vu le temps passer.
Mais il a eu une nette préférence pour la troisième partie, qui est plus “scénarisée” et qui correspond plus à ce qu’il aime au théâtre.
Là où il m’a épaté, c’est lorsqu’il a dit (je cite) :
“Il y a une nette différence entre les parties 1 et 2 et la partie 3. Dans les parties 1 et 2, on sent que le critère de succès est clair : il s’agit de la capacité des comédiens à s’en sortir et à trouver une chute… et cela plait à beaucoup de gens dans la salle si l’on en croit les rires ! C’est cela qui définit si la scène est réussie ou non et c’est là-dessus que se concentrent les comédiens et le public pendant la scène. Mais du coup, on voit que le plaisir des comédiens est plus tourné vers eux-mêmes, c’est même flagrant chez certains, et que la performance individuelle et le jeu de situation sont mis en avant.”
J’ai été étonné qu’il cite spontanément des termes que nous utilisons en permanence en atelier.
En ayant vu un seul spectacle, il parvient à pointer et décortiquer les mécanismes d’un des style de jeu les plus répandus dans le monde de l’improvisation théâtrale : le jeu “performatif” lié à la confrontation des comédiens à une contrainte externe, à l’exploration d’un “jeu de scène” (ou game of the scene) qu’il soit exprimé clairement ex-ante (comme dans les matchs ou les cabarets d’impro) ou découvert organiquement (comme dans le longform américain).
Il a ensuite ajouté :
“Sur la troisième partie, le critère de réussite est plus diffus. Mais cette partie vous encourage à écrire plus. Les interactions entre narrateur et comédien sont excellentes et on sent l’énorme potentiel créatif et narratif.”
La distinction qu’il fait est très intéressante.
Une partie du public vient au théâtre en ayant acheté un produit. Les comédiens leur “vendent” ce produit en étant efficaces et performant : ils sont tenus de produire du rire en se sortant à chaque scène de contraintes imposées.
C’est simple, l’échange est clair, tout le monde est content.
Par contre, une partie du public est aussi prête à nous suivre dans un spectacle où l’on ne sait pas trop comment juger ce que l’on voit. Est-ce que ça a marché ? Est-ce que ça a échoué ?
Le rire n’est plus le seul guide et une partie du public est perdu.
Mais dans cet égarement, le public est aussi prêt à suivre les comédiens vers “autre chose” : une créativité collective qui ne serait pas bornée par des codes, une spontanéité et une fraicheur sur scène et surtout… des histoires* !
Mais c’est effrayant pour les comédiens : sommes-nous prêts à sortir des cadres auto-imposés ? Sommes-nous prêts à ne pas trop savoir si ce que l’on fait “marche” ? Sommes nous prêts à avoir un critère de succès “diffus” ?
Car c’est quand on ne sait plus si ce qu’on fait est “bien” ou “mal” qu’on est vraiment créatif.
Et surtout est-ce qu’on va arriver à emmener le public avec nous ?
Il y a une réelle distinction, voire une opposition entre ces deux façons de voir les choses.
Je ne crois pas que la distinction entre ces deux styles de jeux soit liée à la longueur du format : on peut jouer en valorisant la créativité collective, la spontanéité et la narration sur des formats de scènes courtes et déconnectées, et même dans des jeux “à contrainte” !
Inversement, on peut voir des formats longs basés sur une succession de jeux “performatifs”, la Commedia Dell’Arte en étant un exemple classique, puisque les canevas sont surtout un prétexte au placement de lazzis.
Et ce n’est pas parce qu’on créée ou qu’on explore un format ou un “concept” nouveau qu’on est forcément créatif (même si c’est un bon début) : tout dépend de la manière de l’aborder et de le jouer.
Je ne crois pas non plus que ça soit lié à l’école d’impro dont on dépend ou au pays où l’on pratique l’improvisation.
Cette distinction est une question de choix, de préférences personnelles.
Theatresports peut être plus qu’une succession de jeux et de contraintes, même s’il en a grosso modo la forme : les défis ne sont qu’un prétexte, mais chaque scène devrait célébrer créativité, spontanéité et narration ! Les jeux et le performatif ne devraient être qu’une respiration dans le spectacle, et non le plat de résistance.
Ce soir là, nous ne sommes pas parvenus à faire ressortir cela dans cette partie du spectacle : nous avons été “efficaces” et “performants” sur les scènes les plus marquantes en tout cas.
Par contre, cette créativité collective “diffuse”, ce flow propre à l’improvisation, était bien présente sur la troisième partie. Et ça, j’en suis bien content.
Mon collègue a ajouté une chose :
“Je suis étonné qu’il n’y ait pas eu d’histoires de cul. Peut-être parce qu’il y avait des enfants dans la salle. Ou parce que les comédiens se censurent ? On a l’impression que les scènes restent légères, qu’elles abordent des sujets enfantins essentiellement. J’avais le sentiment qu’il y avait des sujets interdits ou tabous qu’on n’osait pas aborder et cela pouvait créer une distance avec le public qui ressent aussi cette auto-limitation des comédiens.”
Encore une fois, il fait mouche.
Keith aborde ça très tôt dans son livre Impro : pour être vraiment créatif, il faut accepter de ne pas se censurer et donc de mettre sur scène des choses sales, taboues, irrespectueuses, choquantes. Ça n’a rien d’évident, mais il est clair que si le public accepte de nous suivre dans un spectacle au critère de succès “diffus”, il s’attend probablement à un retour sur investissement (de son temps, de son attention) qui passe par une vraie exploration de l’inconnu et une remise en question des limites et des cadres.
A nous de l’y emmener.
———————
* : Mais peut-être que vouloir raconter une histoire à tout prix est en soi une tentative de définir un critère de succès.
Theatresports du 22/12/2013
Cette phrase de Keith m’a toujours intriguée. Keith affirme que notre cerveau est une mine d’or de créativité mais que notre égo le censure et l’empêche de développer son plein potentiel.
Un des principes de Keith est de « diviser l’attention » pour ruser avec notre égo en le forçant à se concentrer sur un point précis, ce qui « libère » d’autres mécanismes automatiques. Une application de ce principe est l’exercice des Mantras.
Un autre des principes est de simplement faire confiance à la première idée que l’on a. Si ça semble simple à faire, c’est en réalité extrêmement difficile à appliquer ! L’improvisateur est effet conditionné par ce qu’il a appris toute sa vie, c’est à dire de « bien faire » et pour y arriver de « faire un effort ». Une idée pure et parfaite qui viendrait sans effort n’est pas quelque chose de concevable.
Au final, le public en vient a apprécier de voir l’improvisateur en train de lutter, et les improvisateurs eux-même en jouent. Les « meilleurs » improvisateurs ne sont pas forcément ceux qui sont les plus spontanés, mais ceux qui sont devenus des experts à cacher l’effort intellectuel qu’ils font pour trouver des idées.
Il est rare de voir des improvisateurs dans cet état de confiance totale en leur propre spontanéité.
Mais hier, au Theatresports, il y a eu un moment comme ça.
Dans notre format « Le Sujet », nous prenons un sujet de société et nous improvisons ensuite plusieurs scènes sur un même thème. Pendant l’entracte, nous brainstormons sur le sujet (un peu comme cela se passait à Second City à l’origine quand les improvisateurs écrivaient des sketchs pendant la pause) pour avoir une multitude d’idées de situations pouvant illustrer le thème. Nous les jouons ensuite en improvisation dirigée et le public est invité à voter si la scène a « traité le thème » et mérite une récompense ou si elle mérite un gage.
Le thème d’hier était « La crise financière internationale ».
Dans une des scènes, Meng propose aux comédiens une situation de départ : « Tu es le PDG de Lehman Brothers et ce soir tu dines chez ta sœur. » Cécile et JM sont sur scène, JM campe le PDG, Cécile la sœur.
Première réplique de Cécile : « J’ai fait des pâtes. »
Meng coupe immédiatement la scène. Le public est hilare. La lumière remonte. Cécile (et moi qui étais présentateur) ne comprenons pas du tout pourquoi. C’est peut-être seulement 10 secondes plus tard qu’on réalise à quel point cette réplique était parfaite.
C’est fou comme notre cerveau est plus intelligent que nous…
C’est la journée mondiale du théâtre ! Dans son message cette année, Dario Fo rappelle que le rôle du théâtre est de mettre sur scène le sale, l’obscène, le politiquement incorrect, bref, tout ce qui déplait au pouvoir en place. Il met le doigt sur le rôle de la crise qui vide actuellement les salles, rendant ainsi plus insignifiant et plus facile à contrôler ce qui se joue sur les scènes de théâtre.
Je profite de cette journée et de ce message pour rendre un hommage à mon gourou théâtral à moi qui continue de m’inspirer au quotidien, avec une petite citation à ce sujet.
“Any theme in written drama, or popular with American talk-shows, should be acceptable as a theme for improvisers. If we avoid popular themes like incest, terminal diseases, rabid Nazis, family crises, ex-lovers stalking us, racism, religious bigotry, and so on, the result is a toothless theatre that gums the spectators into pointless laughter.” - Keith Johnstone
“Tout thème tiré de la dramaturgie écrite, ou qui serait populaire dans les talk-shows américains, devrait être acceptable comme thème pour les improvisateurs. Si on évite les thèmes populaires tels que l’inceste, les maladies terminales, les Nazis enragés, les crises familiales, les anciens amants qui nous hantent, le racisme, l’intolérance religieuse, et autres, le résultat est un théâtre sans mordant qui condamne le public à un rire dénué de sens.” - Keith Johnstone
Oui, il est difficile de remplir nos salles, mais c’est aussi à nous de nous forcer à proposer au public des thèmes qui le choqueront et le mettront mal à l’aise… Continuons de faire des choses sales et obscènes sur scène ! La vie est obscène !
Merci Keith !
If you know how to do it (improvise or teach) it means that you’ve codified your bag of tricks !
Si vous savez le faire (improviser ou enseigner), ça veut dire que vous avez codifié votre boite à outil !
Keith Johnstone
Source : Improv Notebook
Cette citation est cruciale, car elle met le doigt sur quelque chose de très profond, la nature même de l’improvisation. L’improvisation, par définition, c’est faire sans totalement “savoir faire” : il y a dans l’improvisation une notion d’absence de préparation, d’absence de contrôle, d’absence de compétence parfaite. Si l’on “sait faire”, alors on maitrise les paramètres, les processus et le résultat, et ainsi, par définition, on n’improvise plus !
Il faut voir tous ces improvisateurs qui n’échouent plus sur scène ! Au fil des ans, ils ont développé une boite à outil de techniques, de personnages, d’astuces, de réflexes, etc… qui ont un effet “garanti” sur le public si bien qu’ils ne prennent plus de risque sur scène. Au final, ils sont reconnus comme “bons improvisateurs” par le public et leurs pairs, mais en réalité n’improvisent plus.
Par extension, comme le souligne Keith Johnstone, cela s’applique à l’enseignement : Keith dit que l’enseignement de l’improvisation doit être improvisé. En effet, comment enseigner l’improvisation - qui par nature doit échouer - si on l’enseigne dans le cadre rigide d’un “programme” et de “niveaux” (débutants, avancés, confirmés), cadre qui a un impératif d’efficacité, ne serait-ce que pour l’élève qui paie un service et exige un retour sur investissement ? A l’issue d’un atelier d’improvisation théâtrale, la seule vraie mesure de progression, ce n’est pas le fait d’avoir “réussi” (c’est à dire : faire de bonnes scènes), mais d’avoir “échoué”, d’avoir appris à gérer ces échecs, ce qui est particulièrement difficile sur scène et devant un public, d’en avoir retiré le feedback adapté et idéalement de vouloir continuer à échouer.
You can’t win every class as a teacher and you can’t win every audience as a performer.
Vous ne pouvez pas réussir chaque atelier en tant qu’enseignant et vous ne pouvez pas ‘gagner’ chaque public en tant que comédien.
Keith Johnstone
Source : Improv Notebook
Pour en revenir aux “bons improvisateurs”, savoir improviser, en définitive, c’est savoir échouer et gérer l’échec. Si les improvisateurs confirmés que vous voyez sur scène n’échouent plus, c’est probablement qu’ils n’improvisent pas, mais qu’ils vous resservent des techniques, des personnages ou des situations pré-chauffées qu’ils maquillent des attributs de l’improvisation comme le fait de demander des suggestions au public ou de souligner l’interactivité.
Désormais, pour vos spectacles et vos ateliers d’improvisation théâtrale,
soyez réalistes, exigez l’impossible : exigez l’échec !
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Quelques moyens simples de continuer à échouer en tant qu’improvisateur ou en tant que troupe :
Avant un spectacle
Réunissez vous et dites vous mutuellement que chacun, chaque acteur, mais aussi le présentateur, la régie, etc… DOIT SE PLANTER au moins deux fois dans le spectacle. Promettez le à haute voix.
Identifiez ce qui vous fais PEUR sur scène : le contact physique ? le silence ? les thèmes politiques, sexuels ? le fait de révéler un secret personnel ? Prévoyez un moment pour le faire pendant le spectacle. Demandez à un partenaire de vous mettre dans cette situation. Prévoyez un mécanisme de sauvegarde pour mettre fin à la scène si vous êtes mal à l’aise.
Pendant un spectacle
Si votre spectacle le permet, ANNONCEZ AU PUBLIC que vous allez tenter quelque chose dont vous n’avez pas l’habitude. Par exemple : “Pour la prochaine scène, nous allons faire une scène où nous essaierons de représenter le plus fidèlement possible une famille normale, en utilisant nos propres souvenirs personnels. A chaque fois que nous tentons cette scène, nous échouons car la famille devient toujours loufoque, donc merci de votre soutien.”
Si vous sentez que vous anticipez, que vous contrôlez la scène ou que vous cherchez à “placer” une technique, COURT-CIRCUITEZ votre cerveau. Par exemple :
Modifiez votre corps ;
Brouillez votre pensée verbale en vous imposant vous même un mantra (une phrase simple que vous répétez dans votre tête) ou en vous imposant de résoudre le calcul mental “37 x 45 = ?” avant la fin de la scène ;
Introduisez un tilt universel.
Après un spectacle
Pour le débriefing, reprenez la liste des scènes que vous avez faites et déterminez si c’est un échec ou une réussite. A chaque échec, REMERCIEZ (”Merci d’avoir dit ça.”) la personne qui a souligné l’échec et celle qui a fait l’erreur. Vraiment. Si vous n’avez pas peur de passer pour une secte, répétez ensemble : “On est nuls et on adore ça !”
Identifier les MOTIFS qui reviennent souvent : vos scènes sont elles à majorité (plus de 75%) verbales ? comiques ? composées de contraintes ? libres ? courtes ? longues ? Orientez le prochain spectacle dans la direction opposée.
TAO OF MICETRO
by Sean Hill
Heroes of ComedyPrincipal #1 - The Show Is For The Audience
First and foremost a Micetro show is for the audience. Living by this principle means the needs of the audience are put ahead of the needs of the improvisers.The show is not for the host.
The show is not for the improvisers.
The show is not for the directors.
The show is for the audiencePrincipal #2 - The Scoring Is For The Audience
The scoring exists because the show is for the audience. Scoring scenes is pleasurable for the audience. If the show was for the improvisers, there would be no scoring and no eliminations.Principal #3 - Micetro by Nature is Unfair
Micetro is not intended to be fair to the improvisers. The best player does not always win Micetro. Good players often get eliminated early.Principal #4 - Only One Player Can Be Micetro
When you play Micetro you are most likely going to get eliminated. It is part of the show. The show is for the audience.Principal #5 - The Audience Likes to See Bright Happy People on Stage
It makes the audience uncomfortable if they think you feel bad about being eliminated. Stay happy, especially when getting eliminated. Stop sending off danger signals that everyone in the room might get eaten by lions.
…la suite ici : http://forum.austinimprov.com/viewtopic.php?t=2765
Également intéressant, Keith Johnstone’s Maestro One Sheet : http://forum.austinimprov.com/viewtopic.php?p=110347
…entre :
La plupart des improvisateurs n’en sont pas conscients, mais leur groupe et l’improvisation qu’ils pratiquent s’inscriront toujours dans l’un ou l’autre des deux camps. Ce n’est pas une guerre entre amateurs et professionnels, il y a des représentants des deux camps chez les premiers comme chez les seconds. Et cette guerre existe au niveau mondial : j’ai vu des représentants des deux camps partout où je suis allé faire de l’improvisation théâtrale… Certains diront que cette guerre est complètement futile, que l’improvisation est universelle et que tous les courants peuvent s’apporter mutuellement (ce qui n’est pas complètement faux, mais si difficile à mettre en œuvre…). Certains diront que nous ne devrions pas nous opposer, l’improvisation étant déjà si marginale sur la scène artistique et médiatique.
Mais cette guerre existe bel et bien, et il y a un camp qui domine complètement l’autre. La prise de conscience de cette réalité n’est que la première étape.
Getting Jaded
It’s wonderful to be surfing on huge waves of laughter, but it begins to pall; you discover that your skills are no longer developing, and that most of the scenes are pointless, and that your contemporaries are drifting away to be replaced by young teenagers.
Maybe you give up, or maybe you give up only to get sucked back in again - after all, it’s an interesting ‘hobby’. With luck, you may eventually realize that very little of ‘you’ was ever present on the stage; and that verbal thinking kills spontaneity; and that the world is not six, or sixteen, or sixty seconds in the future; and that a good story is worth any amount of cheap laughs; and that the winning and losing are all ashes.
At this point, Theatresports becomes thrilling and dangerous all over again, and once more a great adventure.
Impro For Storytellers, Keith Johnstone
Derek Sivers, gourou inclassable des années 2000, explique pourquoi il vaut mieux être évident et pourquoi la perception que nos idées ne sont pas bonnes parce qu’elles sont évidentes nous limite. Ça rejoint bien évidemment le principe de Keith Johnstone qui invite à être évidents : “Be obvious!” (”Soyez évidents !”)
Pourquoi ? D’une part, l’évidence de chacun peut être vue comme brillante pour un autre individu. C’est ce qu’affirme Sivers.
D’autre part, il y a quelque chose d’universel dans l’évidence, qui est souvent reconnue comme telle une fois seulement qu’elle est prononcée : on apprécie une idée parce qu’elle est évidente à l’instant t, on se rend compte qu’on n’a pas été capable de la formuler nous-même jusqu’à l’instant t-1 et on trouve de fait génial celui ou celle qui réussit à le faire.
Bref, celui qui est évident sur scène sera plus facilement apprécié du public, avec un minimum d’effort sur le moment… et oui, il n’a qu’à “être évident” ! Par contre, celui qui cherche à être original aura tendance à se censurer et à se crisper pour trouver de “bonnes” idées.
Par pitié, ne cherchez pas à être originaux. Un improvisateur m’a par exemple récemment affirmé qu’il faut “toujours emporter le public vers ce qu’il n’attend pas, le surprendre… Qu’est-ce qui fait que cette histoire mérite d’être jouée devant un public ? Elle est originale, spontanée et surprenante, et oui, cela passe souvent par le conflit.” C’est une conception assez partagée parmi les improvisateurs que je connais. Et malheureusement, à force de vouloir être original, cela génère souvent des improvisateurs tendus sur scène et des improvisations sans queue ni tête, voire agressives car cette vision introduit une forme de compétition pour les “bonnes idées”.
Soyez évidents ! Et bien entendu, ça se travaille…
Beaucoup d’improvisateurs que je connais citent souvent “l’interactivité avec le public” comme un atout majeur de l’improvisation théâtrale auprès du public par rapport à d’autres formes artistiques. Mais c’est aussi quelque chose qui est très apprécié des improvisateurs eux-mêmes pour le frisson et la diversité de contenu que cela génère.
Personnellement, ce n’est pas quelque chose qui m’attire du tout. Certes le public aime cette interactivité, mais au delà de l’effet d’annonce qui souligne la “performance” des improvisateurs, je trouve que cela apporte peu au spectacle. Le public, d’ailleurs, se lasse vite de cet effet. De plus, c’est très rare que cette “interactivité” permette réellement d’explorer des contenus intéressants. Parmi les rares exceptions où l’interactivité ajoute au spectacle, je mets des formats comme le Life Game où un invité parle d’événements réels de sa propre vie et ajoute ainsi un côté très humain au spectacle. Dans le reste des cas, ça ne génère souvent qu’absurdités loufoques sur scène. Quand à la justification qui consiste à dire que l’interactivité permet de ”prouver que c’est improvisé”, je ne reviendrai pas sur ce débat.
A mon sens, l’interactivité devrait être utilisée avec parcimonie, et seulement si elle ajoute au spectacle.
L’auteur de l’article ci-dessous parle d’une interactivité offerte au public dans le cadre d’un spectacle de théâtre lors du “In” d’Avignon. Je partage malheureusement la conclusion à laquelle il arrive et je trouve qu’elle s’applique bien évidemment à l’improvisation…
Avec Low Pieces, Xavier Leroy propose au public une expérience plutôt originale, et que tout spectateur qui se respecte accueillerait avec joie et reconnaissance, dans l’idée seule qu’il paye un artiste qui cherche à l’étonner, qui pense à lui, donc !! Il propose un dialogue entre les artistes de Low Pieces et le public, un avant le spectacle et un autre à son issue. En somme, on propose au public de faire partie du spectacle, et de participer à créer un moment inédit. Qu’est-ce que ça lui inspire? Une avalanche de vannes vulgaires, de questions provocatrices mais creuses, de tentatives de placer à tout prix n’importe quelle réflexion pseudo-intellectuelle sans se soucier de couper la parole à un autre participant. On assiste à un triste tableau: celui d’une humanité satisfaite, puante, dépourvue de la moindre élégance… Ou plutôt on se dit que si on virait les vingts connards qui se permettent de prendre le pouvoir en levant haut l’étendard de leur médiocrité dans le beau lieu du théâtre, le spectateur élégant pourrait peut-être partager avec les artistes de beaux moments. En bref on commence à avoir des idées fascistes et c’est un peu effrayant…
Worthwhile improvisation cannot be reduced to a formula, and this book is not just a list of games and rules - “Don’t be Prepared” illustrates how good improvisation games come from theory, and explains their purpose and specific teaching objectives.
Source : http://www.keithjohnstone.com/uploads/cmspage/images/dontbeprepared_B.jpg
Creating Games
Creating an improvisation game from thin air is almost impossible best you can do is to adapt existing games). This is because games are an expression of theory.
If we assumed that improvisers kill their spontaneity by thinking ahead and that this thinking is verbal, we could screw up such ‘planning’ by saying, ‘Invent a story by adding a word each,’ or ‘Every sentence has to be a question.’ If we assume that drama is about one person being altered by another, this could lead to He Said/She Said games in which the players get their stage directions from their partners, or to the Box in the Pocket Game, in which a character who operates him/herself from a sort of TV zapper unwisely loans it to another person.
If such theories were correct, these would be useful games (and they are), yet I’ve met coaches who have no interest in theory, who just want ‘new’ games that they can exploit for their novelty value. I’ve even heard them say, ‘All that matters is that you keep ‘em laughing!’ as if improvisation was just a branch of stand-up comedy.
Almost all of the games in this book were created by one or more of the following ideas:
That improvisers defend themselves against imaginary dangers as if these dangers were real.
That ’splitting the attention’ allows some more creative part of the personality to operate.
That drama is about dominance and submission.
That stories achieve structure by referring back to earlier events.
That the spectators want to see the actors in states of transition, and being altered by each other.
That improvisers need ‘permission’ to explore extreme states.
That when we think ahead, we miss most of what’s happening (on the stage as in life).
Impro For Storytellers, Keith Jonsthone (Chapter 7 - Story Games)
Lien vers le GROUPE DE TRAVAIL KEITH JOHNSTONE
Le problème avec Keith Johnstone, c’est que son approche est un “système”.
Pour en prendre pleinement la mesure, il faut que l’ensemble du système soit intégré.
Je peux enseigner les tilts, mais pour que cela soit utile, il faut que j’enseigne la plateforme. Ce qui nécessite que j’explique la routine. Pour ça, il faut que j’explique avancer / ne pas avancer. D’une manière générale, il faut aussi qu’on travaille making things happen, being there et be boring. Et bien entendu le cercle des attentes. De plus, il vaut mieux instaurer un climat où l’échec est valorisé et où on make the other look good, ce qui prend du temps !
Sans parler du fait que Keith a travaillé toute sa vie avec des acteurs professionnels, donc son approche suppose de s’adresser à des improvisateurs capables de jouer des personnages et de ne pas décrocher, même si Keith a développé ses propres exercices de développement de jeu d’acteur et de présence sur scène. Sans parler également de sa théorie sur les statuts !
Et je n’aborde ici qu’une partie du système. Il faudrait également travailler les masques, l’improvisation dirigée, etc…
C’est l’ensemble de ces éléments qui crée un système cohérent qui permet à une improvisation théâtrale et narrative d’émerger sur scène. Et c’est cette improvisation théâtrale et narrative qui d’expérience apporte le plus de satisfaction au public.
Bien sur on peut apprendre auprès de Keith des choses individuelles utiles, des trucs, des jeux, des théories, un vocabulaire. On peut ramener ces choses dans nos troupes, mais si elles ne s’insèrent pas dans un environnement compatible, cela mènera essentiellement à des frustrations.
C’est pour ça à mon sens que Keith est si mal compris. Et c’est pour ça que sa théorie est si dure à enseigner. C’est pour ça qu’il est rejeté par beaucoup d’improvisateurs. Son système génère beaucoup d’attentes, surtout auprès de gens qui cherchent “autre chose”, mais est si complexe que beaucoup abandonnent.
On a besoin de temps, de confiance, de réflexion et de courage pour mettre un tel système en place.
Et idéalement, on a besoin de Keith. Car n’est pas Keith qui veut. Keith qui a inventé cette théorie (le mot qui convient serait plutot “découvert” puisqu’il se base essentiellement sur l’observation pour développer sa méthode). Keith le génie qui na jamais cessé de se questionner afin de devenir un meilleur enseignant. Keith avec son statut de gourou.
Mais surtout, Keith a une position privilégiée car il n’est pas lui-même improvisateur au sein des troupes qu’il lui arrive de diriger. Il est directeur, ce qui d’après ses dires n’a pas toujours été facile non plus. Ceci lui donne un avantage considérable pour orienter le travail sur scène. Beaucoup de troupes ne peuvent se permettre de confier à une personne unique ce rôle de “regard extérieur” et “d’orientation”.
Son système est donc un système complexe et extrêmement riche. Un système si riche qu’il en devient parfois accablant.
Mais pour ceux qui l’ont vu à l’œuvre, il produit des choses magnifiques ! Et vraies ! Qui apportent une grande satisfaction, au public comme aux acteurs ! Et qui résonnent profondément chez beaucoup de gens. Ce qui explique que ses ateliers soient toujours remplis, remplis de gens passionnés et d’origines si diverses. Car il y a quelque chose d’universel dans ce qu’il enseigne.
Si ça vous intéresse, venez essayer cette approche au Groupe de Travail Keith Johnstone qui se réunit chaque dimanche à Paris ! - (Edit 04/2011)
Une réalisation suite au spectacle d’hier soir : je suis étonné de constater la tolérance que le public peut avoir envers un comédien qui monte sur scène “sans rien”.
Il existe un délai lorsque l’on monte sur scène - mais également au milieu d’une scène suite à une proposition risquée ou une absence de proposition - pendant lequel le public nous suit sans nous lâcher alors que l’information est incomplète.
C’est un délai théorique de tolérance du public que j’utilise dans mes cours. Je l’utilise pour expliquer à mes élèves qu’il n’est pas nécessaire de “monter avec quelque chose” (un objectif, une émotion, un personnage, etc…). On peut tout à fait monter “sans rien” et tout découvrir sur scène. Ce qui ne veut pas dire que je cautionne le fait qu’il ne se passe rien au début de la scène! Mais le public projette naturellement sur l’acteur qui monte sur scène, ce qui crée cette zone de tolérance face à l’incertitude. Dans mes cours, lorsque j’enseigne cela, j’estime ce délai à 20 secondes. C’est aussi le délai que Keith Johnstone donne en général dans ses ateliers.
En pratique quand je suis sur scène, avec la pression, j’estime personnellement ce temps plutôt à 5 voire 10 secondes maximum. A l’issue de ce délai, je rentre généralement en mode “FAIS QUELQUE CHOSE!”
Mais pas hier soir. Peut-être est-ce dû à l’atelier que nous a donné Becky Johnson mercredi dernier, ou aux conditions spécifiques de ce spectacle, ou à la confiance que j’avais dans le groupe, mais j’ai essayé de pousser un peu plus. Et suite à quelques scènes du spectacle d’hier soir, je me rends compte qu’on peut tout à fait pousser ce délai à 30 secondes, voire une minute. C’est un délai tolérable pour le public tant que le comédien ne laisse pas transparaitre sa peur et agit en confiance.
Ce délai théorique est un outil qui nous permet, au début d’une scène ou au milieu d’une scène, d’explorer tout un pan de l’improvisation qui est généralement écarté lorsque, par peur, nous nous réfugions dans des univers, des personnages ou des techniques connues.
Shawn est interviewé par Improfeest à propos du TheaterSports et de ses différences avec les autres formats compétitifs comme le Match d’Impro ou le ComedySportz. Il discute aussi longuement des origines et des motivations derrière la création du TheaterSports.
Sur le Match d’Impro :
It was interesting for me to talk with many South American Improvisers who have a frustrated attitude with “the Match”. Many feel reluctant to play it and are uninspired with it. On one side I think that there is something they could do to make themselves become more inspired (more basic skills) but on the other side, I think that the style of that format lends itself to limitations that do not enhance their experience and quality of work. (Limiting the time and numbers of people in a scene do nothing to help the scene or show when those decisions are arbitrary…) Formats need the ability to adapt to the moment. Being clever with packaging of your work is not a reasonable trade off to inspired work.
J’ai toujours aimé faire rire.
Depuis que je suis tout petit, faire rire a été un moyen, pour moi qui souffre d’un handicap à l’œil qui a longtemps eu un grand impact sur ma confiance en moi, de me faire aimer des autres. J’y ai trouvé un moyen d’interagir avec les autres, un moyen de dépasser ma perception dégradée de moi-même, d’améliorer ma confiance en moi à travers l’acceptation des autres qui appréciaient mon humour et surtout une formidable source de joie dans le fait de procurer du plaisir à autrui. Par mon éducation, par gout ou par nécessité, j’ai développé mon humour ainsi qu’une certaine attirance pour la représentation.
Naturellement, adolescent, je me suis inscrit aux ateliers de théâtre de mon lycée. Arrivé en école de commerce, en 2004, après une longue pause, j’ai voulu reprendre cette activité. Et c’est là que l’opportunité de commencer à pratiquer l’improvisation théâtrale est apparue.
Petit retour en arrière. Aux alentours de 2000, j’étais tombé tard un soir sur une rediffusion du mondial de Match d’Improvisation qui passait sur Comédie ! et le spectacle m’avait fasciné. C’était pour moi un mélange d’audace permanente, de grande virtuosité et de mise en valeur des qualités personnelles des improvisateurs que je trouvais géniaux. Et puis : ils improvisaient ! Sans texte ! Ce fut ma première expérience de la discipline et ma première claque. Quelle technique, quelle prouesse, mais aussi quelle liberté ! Et en pratique, quel bonheur, pas besoin d’avoir de texte ! Pour moi qui me trouvais assez bon à l’oral, assez drôle et doté d’une assez bonne répartie, l’improvisation théâtrale me semblait complètement adaptée à ma personnalité et je me disais que j’aimerais bien en faire un jour (même si ça me semblait à l’époque complètement impossible).
Donc en 2004, quand j’entends la responsable de l’association théâtre de mon école dire qu’il y aurait actuellement un projet de création d’une troupe d’impro et qu’elle cherchait des membres (et sachant que la fille était assez jolie), ça m’a semblé être une évidence. Le projet a mis du temps à démarrer, mais au final, un petit groupe s’est structuré derrière un élève de l’école qui avait suivi des cours d’improvisation avec les Improfessionals, une troupe composée exclusivement d’expatriés et basée à Paris. C’est cet élève, Guillaume, qui menait les répétitions. Les Improvisibles ont commencé comme ça, dans ce qu’on appelle les inter-PA (Petits Amphithéâtres) de l’ESSEC, de manière un peu artisanale, en suivant l’enseignement d’un passionné d’improvisation théâtrale qui avait un fort penchant pour l’érudition et la théorisation et qui suivait scrupuleusement la méthode de Keith Johnstone qu’il avait découverte dans ses cours avec les Improfessionals. Tout ceci marqua fortement ma pratique par la suite.
Les Improvisibles ont commencé par organiser des matchs avec des arbitres que nous connaissions, et puis ont rapidement intégré un tournoi d’improvisation qui réunissait à l’époque principalement des Grandes Ecoles et des entreprises, les Improvisades. Le tournoi était amateur à l’extrême, dans son approche et dans son organisation, mais a eu le mérite de fédérer beaucoup de bonnes volontés et permis la structuration de toute une génération d’improvisateurs parisiens. Le décorum était aléatoire, les règles et l’arbitrage à géométrie variable, la qualité des scènes souvent médiocre mais la bonne humeur était omniprésente. Je me rappelle avoir fait lors de la première réplique de ma première scène, deux « fautes » de Match d’Improvisation. Sur une improvisation dont le thème devait être quelque chose du genre « Un cas étrange », je suis entré en disant : « Bonjour, Scully ! » et ait été sanctionné d’une faute de « Rudesse » et d’une faute de « Cliché » : à l’époque, nous nous étions inscrit au tournoi sans rien connaître du Match d’Improvisation. Nous sommes malgré tout parvenus en finale deux ans de suite. Et à la finale du tournoi la deuxième année, on me parlait encore de cette double faute comme d’une référence que donnaient certains meneurs d’ateliers aux répétitions des équipes participantes. Aujourd’hui encore, je conteste que ce soit un mauvais début de scène, et je ne suis pas sur non plus que les fautes soient méritées au regard des règles du Match d’Improvisation.
Au départ, je croyais tout savoir. En constatant les contradictions évidentes entre la pratique codifiée, rigide et poussant au cabotinage du Match d’Improvisation que nous constations dans le tournoi, et l’enseignement basé sur la confiance, la spontanéité et la narration des théories de Keith Johnstone que nous pratiquions en répétition, je restait assez dubitatif sur ces « théories » et soutenais mordicus que nous allions dans la mauvaise voie.
Nous continuons malgré tout à pratiquer le match et à répéter selon des théories différentes (ce qui a peut être aidé à nous amener en finale malgré notre méconnaissance du Match d’Improvisation ?). En parallèle nous allions également voir en plus des matchs des autres équipes du festival d’autres spectacles d’improvisation. Ma deuxième claque fut le Cercle des Menteurs. En allant assister à leur spectacle, ces anciens de la Ligue d’Improvisation Française, je retrouvais Christian Sinniger que j’avais entr’aperçu à la télévision aux mondiaux du Match d’Improvisation en 2000 et je fus bluffé par la performance. Ces comédiens étaient extrêmement théâtraux et rebondissaient en permanence sur les propositions des uns et des autres tout en construisant des histoires cohérentes. Ils n’hésitaient pas non plus à se tendre des pièges et s’en sortaient avec virtuosité. Je me rappellerai toujours d’une improvisation magnifique sur le thème « Bretagne » où j’ai vu défiler la mer, un bateau, des pêcheurs, les femmes restées au village, des bancs de morue et se déchainer les éléments. J’en ressortais convaincu que les performances improvisées pouvaient être largement plus puissantes que leurs équivalentes théâtrale, préalablement écrites et travaillées, justement parce qu’elles étaient éphémères.
Les Improvisibles furent aussi une de mes premières confrontations à la gestion d’un groupe et ce fut une expérience riche en enseignement à ce niveau là. Par nature, et par opposition à une troupe de théâtre où le metteur en scène a une autorité de fait, les improvisateurs et leur « coach » comme on l’appelait à l’époque, ont une relation différente, plus proche, surtout si celui-ci joue avec la troupe. Progressivement, Guillaume, qui dirigeait nos ateliers, en eut probablement marre de devoir gérer mes commentaires permanent et me proposa de diriger des ateliers en me renvoyant vers le Manuel d’Improvisation Théâtrale de Christophe Tournier. Et là, ce fut le déclic de la théorie.
Enfin je comprenais ce qui faisait qu’une scène marchait ou ne marchait pas. Enfin, j’avais des mots pour le dire. Enfin, j’avais une grille d’analyse, une carte pour comprendre. Je dévorais le livre, puis plus tard, celui de Keith Johnstone (Impro for Storytellers) que je trouvais brillant. Depuis, je n’ai cessé de lire tout ce que je trouvais sur l’improvisation théâtrale.
Progressivement, je commençais à remettre en cause le Match d’Improvisation, qui me semblait de moins en moins pertinent. J’ai longtemps pensé que mes appréhensions venaient du fait que j’évoluais dans un contexte amateur. Mais plus tard, découvrant le monde professionnel en tant que spectateur à la Ligue d’Ile-de-France d’Improvisation (LIFI), je développais la conviction que le Match d’Improvisation était générateur lui-même d’un certain style d’improvisation, style qui avait influencé un bon nombre de troupes qui, se détachant du match pour proposer des cabarets d’improvisation, cafés-théatres d’improvisation ou même de véritables nouveaux formats comme le Deus Ex Machina, avaient gardé un style de jeu hérité de leur pratique du Match d’Improvisation.
A l’été 2006, après deux ans aux Improvisibles, certains membres de la troupe ont voulu essayer d’opérer ce détachement vis-à-vis du match et explorer vraiment ces théories différentes auxquelles nous commencions à être exposés (celles de Keith Johnstone, celles de Del Close) et créer une nouvelle troupe, à Paris et non plus à Cergy, à vocation professionnelle. C’est-à-dire que maintenant, nous essaierions d’organiser et gérer complètement notre activité, notre public, nos salles et notre improvisation sans la protection et les contraintes d’une pratique étudiante au sein d’une association de théâtre.
C’est également à ce moment que j’ai commencé à donner des cours d’improvisation. D’une part, j’animais avec Nabla un atelier d’improvisation pour adultes rattaché aux Improvisades, d’autre part, je coachais les Improvisibles. Ces expériences furent riches en découvertes et en apprentissages. Comment enseigner ? Comment enseigner l’improvisation ? Est-il possible de le faire ? Comment s’adapter à ses élèves ? Je reste convaincu de l’importance d’avoir une théorie qui permet d’expliquer aux élèves pourquoi on leur fait faire un exercice plutôt qu’un autre, pourquoi une scène marche ou ne marche pas, mais également de l’importance d’être flexible dans son enseignement et surtout d’être capable de créer un environnement propice à à la confiance, à l’apprentissage et paradoxalement au désapprentissage.
Avec la transition sur Paris et l’envie d’aller vers plus de professionnalisme, j’ai également cherché à améliorer ma pratique personnelle. J’ai commencé aller voir de manière quasi systématique tous les spectacles d’impro dont j’entendais parler à Paris. Ayant vu sur scène jouer un bon nombre de troupes parisiennes, y compris des professionnelles, j’en arrivais à la conclusion qu’aucune n’offrait le type d’improvisation sur scène qui me plaisait vraiment. Toutes sauf une, les Improfessionals. Les répétitions avec la troupe Eux, et le coaching des Improvisibles me prenant suffisamment de temps, je ne voulait pas cependant m’inscrire à un cours d’impro. Mais c’est à cette époque que les Improfessionals ont commencé à offrir des ateliers ponctuels avec des invités internationaux. J’y participais systématiquement et je découvrais d’autres approches, d’autres techniques, d’autres façons de faire qui m’inspiraient beaucoup. C’est également à cette époque, en 2007, que je suivais un premier stage avec Keith Johnstone. Ce fut un moment magique – rencontrer le fondateur de tout un courant de l’improvisation théâtrale moderne ! – au cours duquel je rencontrais également Patti Stiles, son élève, qui marqua beaucoup la façon dont j’enseigne l’impro.
Petit à petit, grâce aux contacts noués lors de ces ateliers, mais également grâce à mon blog qui commençait à être suivi également à l’étranger, je commençais à développer un certain nombre de relations avec des improvisateurs à l’international. M’inspirant de ce que faisaient les Improfessionals, j’organisais un maximum d’ateliers pour la troupe Eux avec des improvisateurs de passage à Paris. Ceci je pense, à côté des choix faits par le Directeur Artistique, Nabla, en termes de formats et de coaching, aida la troupe à formaliser une approche et une pratique commune, mais surtout aidait à souder la troupe car la présence d’un intervenant en atelier était souvent un événement.
En 2008, je me rendis en tant que spectateur au festival international de Leuven, en Belgique. C’est là que je reçus ma troisième grosse claque en voyant les Improv Bandits. Cette troupe Néo-zélandaise improvisa lors du festival une pièce entière dans le style de Shakespeare. C’était bien construit, bien joué, bien dosé entre prise de risque, jeu entre acteurs et narration. J’étais bluffé, et j’avais l’impression de voir ce que l’improvisation avait de mieux à offrir et ce qu’elle était capable de produire : une pièce de théâtre, qui par sa nature même d’être improvisée captait autrement le spectateur qu’une pièce ordinaire. J’avais déjà vu des tentatives de « pièces improvisées » mais le résultat était toujours médiocre. Maintenant, je savais que c’était possible et que le résultat pouvait être bon, même très bon. Ça ouvrait toute une piste de travail: quel est l’avantage de la pièce improvisée par rapport à la pièce écrite ? Peut-on choisir de mettre en valeur certains aspects plus que d’autres ? Comment cela impacte-t-il le message de la pièce ? Ou peut-être s’il n’y a pas de message à proprement parlé, comment peut-on utiliser l’improvisation pour rendre l’expérience encore plus unique ? La dimension « durée » de l’improvisation était clairement explorée et maitrisée par certains improvisateurs de la planète, je savais maintenant qu’il y avait des improvisateurs capables de ça. Je sais même que des improvisateurs mettaient en scènes avec un certain succès, comme la troupe Rapid-Fire à Edmonton et son spectacle Die-Nasty, des pièces improvisées « à épisodes » en s’inspirant des soap operas. Lorsqu’on cherche à explore l’improvisation, la durée des improvisation est souvent le premier élément avec lequel on expérimente : c’est le passage du short-form au long-form que de nombreuses troupes font. Mais maintenant que je savais que cette dimension est explorée avec succès, quelles sont les autres dimensions que nous pouvons explorer ? L’interaction avec le public, le décorum, la mise en scène, l’écriture, le jeu d’acteur, le rapport à d’autres formes d’expression artistique, etc… Tellement de portes sont encore ouvertes !
La même année, également, j’organisais un voyage d’été dédié à l’impro, afin de découvrir Chicago et suivre les stage intensifs d’été à Second City, le théâtre ce comédie s’inspirant des techniques de l’improvisation théâtrale le plus connu aux Etats-Unis et qui a généré toute une génération de comiques américains, et le cours intensif annuel de Keith Johnstone, Ten Days With Keith, à Calgary au Canada. Chicago me donna l’impression d’enfin « rentrer à la maison » dans cette ville où les improvisateurs de tout le pays viennent pour se former et chercher à faire carrière dans le monde du show-business. Plusieurs théâtres sont dédiés exclusivement à l’impro et la ville fourmille d’improvisateurs. Tout cela m’a permis de visualiser concrètement les dimensions que pouvaient prendre une pratique de la discipline et une professionnalisation.
La saison suivante, je suis devenu président de la troupe. Nous fumes invités à Atlanta pour participer au World TheaterSports Domination Tournament où nous avons découvert une troupe géniale et extrêmement généreuse qui produisait des spectacles complètement fous : Dad’s Garage Theatre. Cette année-là, nous avons essayé de faire un pas de plus vers la professionnalisation en organisant de nouveaux spectacles, dans des salles plus grandes. Nous avons également commencé à travailler avec des entreprises et à donner des cours, ce qui a permis de commencer à formaliser une approche propre à la troupe en matière d’improvisation. Nous avons continué à inviter des improvisateurs à nous donner des ateliers privés. Eux a je pense acquis une maturité qui lui permet aujourd’hui d’élargir la gamme des choses qu’elle est capable de produire tout en proposant une vraie qualité dans ses spectacles, ses cours et ses interventions. Est-ce qu’artistiquement nous créons quelque chose, est-ce que nous allons dans la bonne voie, est-ce que nous sommes pertinents ? C’est une question qu’on doit constamment se poser car tout relâchement peut nous conduire à aller dans des voies qui ne nous plaisent plus, ni à nous, ni au public, au point que l’improvisation n’est plus inspirante et peut devenir une corvée. Cela impacte les scènes et la vie interne du groupe et j’ai déjà vu des troupes à qui cela est arrivé. Eux est, je crois, sur la bonne voie.
Aujourd’hui, je viens de passer six mois à l’étranger où cet éloignement vis-à-vis de la discipline et du groupe m’a permis de prendre un peu de recul et de découvrir et pratiquer le théâtre de manière plus traditionnelle. J’en ai tiré un certain nombre de leçons et de pistes de travail qui me donnent envie de revenir à l’improvisation afin des les explorer. J’ai également envie de continuer à « affuter la lame », c’est à dire améliorer mon jeu d’acteur et ma technique d’improvisateur et voir où cela peut me mener dans mes improvisations.
A travers cette description de mon parcours d’improvisateur, j’ai essayé d’expliquer pourquoi et comment j’en suis venu à improviser. Mais au cours de mon parcours, j’ai également songé à plusieurs reprises à arrêter. Je pense que beaucoup d’improvisateurs peuvent passer et sont déjà passé par une phase similaire.
L’improvisation théâtrale est un moyen de divertissement génial qui a fait ses preuves au fil des siècles et qui s’inscrit dans la filiation directe d’illustres ancêtres: bouffons, clowns, artistes de rue, pratiquant de la Comédia Dell’Arte inventant et réutilisant des lazzis au gré de leurs représentations. Mais j’ai rapidement été exposé je crois à ce que l’improvisation a de plus puissant : la capacité à créer des scènes d’une réalité et d’une force incroyable car les acteurs et le public sont en train de vivre en même temps un monde et une histoire qui se créent et qui s’écrivent. Ils participent tous de l’acte de création ce qui est un des actes les plus forts de l’expérience humaine. Partant de là, l’improvisation est capable de générer du contenu et des moments extrêmement forts, d’une intensité émotionnelle sans pareille, offre un médium d’expression à l’impact très puissant et une capacité à changer les gens qui la pratiquent et le public qui y assiste.
Maintenant les conditions pour créer de tels moments ou de telles œuvres sont au final très difficiles à réunir: il faut des partenaires qui partagent cet objectif, un public prêt à y assister et une maitrise du théâtre et des techniques de l’improvisation afin d’être capable de créer ce que l’on souhaite créer et ne pas être limité par nos capacités lorsqu’un moment s’offre à nous. A plusieurs reprises, j’ai été désespéré car réunir ces éléments me semblait quasi-impossible. Nous d’ores et déjà sommes soumis à la tradition récente de la discipline qui la place dans un certain registre : le comique. De plus, le monde amateur s’est emparé de l’improvisation théâtrale, pour le meilleur et pour le pire, laissant planer autour de la discipline un soupçon de tolérance pour la médiocrité que j’ai pu constater et qui m’a souvent désespéré. Mais au long de mon parcours, lorsque j’ai pu voir des moments si beaux en atelier ou en spectacle, et parfois même parvenir à les créer sur scène, ces moments m’ont toujours donné envie de continuer. Ces moments, ainsi que la conviction personnelle que l’improvisation peut donner autre chose que ce que je vois la discipline produire aujourd’hui c’est-à-dire autre chose que ce que le public perçoit comme représentatif de « l’improvisation théâtrale » me poussent à vouloir faire évoluer la perception de la discipline que le public et les pratiquants en ont.
Mais également, je souhaite faire évoluer le spectre de ce que l’improvisation est capable de produire. Pour cela, je dois en tant qu’improvisateur me tenir au courant de ce qui se fait autour du monde et tenter de contribuer à la communauté. Car l’intuition que j’ai de cet « autre chose » et qui a été vérifiée par le passé laisse penser qu’il y aura toujours un autre chose, une nouvelle frontière à explorer. Après tout, comment peut-il en être autrement ? Par définition, l’improvisation ne doit pas tout à fait savoir et maitriser ce qu’elle est en train de faire. Nous devons rester dans cette zone grise entre la maitrise et la non-maitrise, sinon, nous ne serions pas en train d’improviser. Nous sommes donc condamnés à l’innovation. Mais l’innovation pour elle-même, c’est à dire la prise de risque sans maitrise, est stérile, et il faut bien se rappeler de cela.
Au delà de la dimension purement artistique de l’improvisation, je trouve qu’elle est un formidable outil de développement personnel et social et qui porte en elle-même un message : n’ayez pas peur. Improviser signifie « faire sans savoir », « faire sans maitriser » c’est-à-dire, accepter la possibilité de l’échec, accepter le risque mais faire quand même. Improviser est essentiellement apprendre à gérer sa relation à la peur. Peur, qui nous empêche de profiter de toutes les opportunités qui se présentent à nous. Peur, qui a sa justification dans nos vies quotidiennes mais pour laquelle nous avons une (trop ?) forte prédisposition dû probablement au développement de nos sociétés modernes aseptisées, urbaines et anonymes où tout risque est perçu négativement (principe de précaution). L’improvisation est une invitation à replacer le curseur de la peur à un niveau qui doit nous permettre de profiter mieux et plus harmonieusement des opportunités qui nous sont offertes, individuellement et collectivement, sans pour autant que cela veuille dire de ne plus écouter notre peur et nous mettre réellement en danger. Je pense plutôt à un léger rééquilibrage général en faveur de la prise de risque.
Parler en public reste la première peur citée par beaucoup de gens (devant la peur de la mort) et a forciori, parler en public sans savoir ce que l’on va dire, c’est à dire, improviser, doit probablement faire encore plus peur! L’improvisateur est donc de ce point de vue un héros moderne qui brave face au public une de ses plus grande peur. C’est une source d’inspiration. Il nous apprend que notre peur est gérable et nous montre que la prise de risque doit être célébrée, avec ses corollaires, la réussite et l’échec. C’est un outil très puissant. Mais personnellement, je trouve que l’outil devient encore plus puissant à partir du moment où on dépasse cette considération première qui fait que l’on croit et que l’on retient essentiellement que l’improvisation est sans filet.
En réalité, la scène elle-même est un filet. Ce n’est pas nous-même qui jouons, mais nos personnages. Sur scène nous pouvons être ce que nous voulons. Nous pouvons apprendre à être différent et voir les résultats de nos choix se dévoiler devant nous, pour peu que nos partenaires réagissent naturellement. La barrière du personnage et de la représentation nous protège et paradoxalement nous influence aussi petit à petit. Progressivement, la scène est devenue pour moi un des endroits où je me sens le mieux. Et si j’apprends à être positif sur scène, il y a fort à parier que cela influencera tôt ou tard ma personnalité au quotidien. Ce n’est pas étonnant que le théâtre soit utilisé dans les milieux médicaux comme outil thérapeutique. L’improvisation est donc également « la vie avec un filet » ce qui n’est finalement pas en contradiction avec le message initial que je citais plus haut: n’ayez pas peur. Mais probablement que cela nécessite d’avoir dépassé une certaine appréhension initiale. Probablement également que si la peur disparaît complètement, alors il faut la chercher à nouveau car nous ne serions plus en train d’improviser.
Voilà, en somme, mon parcours d’improvisateur et mon sentiment sur l’improvisation. Ce qui a commencé comme une activité extra-scolaire qui me permettait de mettre en valeur mon humour s’est transformé en une véritable passion me permettant de rencontrer des gens fascinants, de changer, de jouer devant du public et de toucher des gens, de voyager autour du monde, et de participer au développement d’une discipline qui par nature est en constante évolution. Voilà comment j’ai commencé, pourquoi j’ai continué et pourquoi je continuerai à improviser : parce que j’aime ça, parce que c’est un moyen d’expression si fort et un outil si puissant, parce que c’est une formidable aventure humaine ouvrant des portes sur bien plus que la discipline elle-même et parce qu’aujourd’hui je veux rendre à la discipline et à la communauté ce qu’elles m’ont donné en terme de moments forts, de plaisir, de réflexions et d’émotions en tant que spectateur, de découvertes, d’échanges et de communions avec le public, de rencontres, d’expériences, d’opportunités, d’apprentissages. Voilà pourquoi j’improvise.
Je suis au Mali actuellement, pour le travail. J’y suis depuis mi-novembre et je devrais y rester encore jusqu’à juillet ou aout avant de revenir sur Paris.
Cette courte expatriation était l’occasion de faire un break avec l’impro. D’arrêter et de me poser un moment: après à peu près cinq ans de pratique, ça fait du bien. Mais c’est aussi très frustrant car l’impro me manque.
Je devais rejoindre la troupe cette semaine à Chicago pour le Chicago Improv Festival 2010, mais nous ne y rendrons finalement pas: l’éruption du volcan islandais a entrainé l’annulation de nos vols. J’en profite donc pour rédiger cet article que j’avais sous le coude depuis deux mois.
Je ne voulais pas rompre tout contact avec la discipline au Mali. D’abord, je voulais me mettre à la lecture d’un certain nombre de bouquins d’impro et de théâtre que je n’avais pas eu le temps de lire. Je voulais également alimenter un peu plus mon blog. J’ai donc lu et écrit un peu plus que d’habitude.
Mais surtout, je voulais profiter d’être ici pour découvrir la culture locale, en particulier la culture locale liée aux arts de la scène: théâtre, contes, masques, marionnettes, etc… Je voulais essayer de rencontrer des maliens et jouer éventuellement avec eux. En pratique, j’ai eu du mal à trouver une troupe locale. Et je ne voulais pas créer de troupe d’impro, de peur que mon séjour ne soit pas suffisant pour créer quelque chose de pérenne, et puis, comme je l’ai dit, je voulais faire un break.
En tant que spectateur, j’ai pu assister à une ou deux pièces depuis que je suis ici, de qualité inégale, pas forcément uniquement maliennes mais plutôt ouest-africaines, et également à un spectacle de sketchs et one-man shows de comiques maliens. Je n’ai pas encore vu de spectacle de masques.
En fait, en arrivant, quand j’ai commencé à dire que j’étais intéressé par le fait de faire du théâtre, je me suis fait inviter aux répétitions d’une troupe par un ami. Je pensais tomber sur des maliens, mais je suis en réalité tombé sur un groupe d’expatriés. La troupe était essentiellement composée d’amateurs, certains très bons, mais globalement avec une qualité de jeu inégale. La troupe disposait cependant d’une metteuse en scène avec une certaine expérience, ayant mis en scène plusieurs spectacles de qualité dans différents pays de la zone. Un de leurs acteurs les avait lâché et ils m’ont mis le grappin dessus dès la première répétition. J’étais à la fois intrigué et n’ayant pas immédiatement refusé, je me suis senti un peu forcé de continuer.
La pièce était un boulevard écrit par Gérard Darier qui s’intitulait Jour de Solde dans lequel je jouais un petit rôle, celui de Laurent, le fils du patron des Magasins Matallo, une boutique familiale de prêt-à-porter en perdition. C’est un rôle secondaire, dont le but est essentiellement d’apporter de l’information à la pièce, avec quelques effets comiques ponctuels. J’ai rejoint la troupe, qui répétait depuis octobre, en décembre et nous avons joué le spectacle à trois reprises début mars, dont une fois au Centre Culturel Français, un vrai théâtre et une des plus belles salles de Bamako devant à peu près 300 personnes.
Venir à Bamako pour jouer un boulevard, il faut le faire quand même! En même temps, je n’aurais probablement jamais trouvé le temps de le faire à Paris.
A la première lecture de la pièce, j’ai été un peu déçu. J’ai trouvé les ressorts comiques assez faciles, parfois un peu vulgaires, mais surtout narrativement, j’ai trouvé la pièce décousue avec plusieurs intrigues qui n’étaient pas complètement dénouées à la fin. Je me suis aussi posé la question de l’utilité de créer des petits rôles sans réelle envergure, ne serait-ce que d’un point de vue pratique pour ce que cela impose aux acteurs, obligés d’être présents aux répétitions pour ne donner une réplique par acte.
Mais au fur et à mesure que nous travaillions la pièce, même si toutes mes réserves n’ont pas disparu, j’ai découvert la force qu’apportait le fait d’avoir un texte. Un texte se travaille, s’interprète. On peut lui donner du sens. On peut y apporter des modifications, des adaptations. Ça s’apprécie, ça s’apprivoise, ça se dévoile. Des passages que je trouvais assez médiocres en première lecture pouvaient devenir brillants une fois interprétés. Mais inversement, des passages brillants pouvaient être complètement gâchés par les acteurs. C’était particulièrement intéressant pour l’improvisateur que je suis.
Mais avoir un texte nécessite de l’apprendre. C’est le premier gros choc culturel par rapport à l’impro. L’absence de texte est probablement LA principale raison pour laquelle l’impro m’a attiré initialement. J’ai mis du temps avant de savoir mon texte. J’ai râlé, souvent. J’improvisais des répliques. Quand la troupe ne savait pas son texte, les répétitions s’en ressentaient.
Et puis il y a eu un déclic. A peu près deux mois après que j’ai rejoint la troupe, en janvier, il y a eu une répétition où tout le monde savait son texte et où le déclic a eu lieu: pour la première fois, je sentais le rythme de la pièce, et je me suis rendu compte de l’importance du texte. Tout s’enchainait et certains passages se mettaient à « fonctionner. » C’est là que je me suis dit que le texte, loin d’être une contrainte, libérait. Car à partir de ce moment-là, j’ai réalisé toute la liberté qu’avait l’acteur une fois que lui et ses partenaires s’étaient appropriés le texte. On pouvait en jouer et se faire plaisir avec. Et l’ambiance dans la troupe s’en ressentait.
Le texte contraint: il faut s’en rappeler, ne pas rater de réplique et ne pas bouffer celles des autres ou pire, carrément sauter du texte. Mais le texte libère: quand il est acquis, on « redécouvre » la pièce, son rythme, on peut tester des variations autour d’une réplique, et le choix de l’acteur, son jeu d’acteur et son interprétation du personnage prennent tout leur sens.
Ce fut au final une vraie claque pour l’improvisateur que je suis, qui a tendance à n’accorder aucune espèce d’importance aux mots qui sortent de ma bouche quand j’improvise! Désormais, je me rends compte qu’on peut approcher le texte, même en impro, avec respect, voire même sacralité, et que cela peut décupler l’impact d’une scène. Même si je n’ai pas de texte en tant qu’improvisateur, je peux désormais « faire comme si » et reproduire cette approche car je connais la sensation que procure le fait d’avoir un texte et de pouvoir compter dessus.
Au delà de ce principal enseignement, je retire une multitude de petites leçons que le théâtre peut apporter à l’improvisateur et qui, je l’espère, vont enrichir ma pratique:
L’ambiance en coulisse : la tension n’avait rien à voir. En improvisation, la plupart du temps, je guette une opportunité de monter sur scène et de développer la scène. Ici, je cherche surtout à ne pas faire défaut à mes partenaires, à ne manquer aucune entrée, aucune réplique car lorsque c’est le cas, tout est mis en péril. La tension est à un niveau largement supérieur, une erreur n’a pas le même impact. J’aimerais amener avec moi sur scène cette concentration.
Élocution et volume : je croyais avoir un bon niveau d’élocution et une bonne portée de voix, mais ce n’était apparemment pas le cas et il m’a fallu un temps avant de retrouver le bon niveau. Peut-être est-ce dû aux salles intimistes où l’impro est pratiquée? En tout cas, au théâtre, un défaut d’élocution, c’est avant tout une perte de texte et de compréhension pour le public: on ne peut pas se le permettre.
Posture, position sur scène : en plus de la posture qu’on confère au personnage, il faut faire particulièrement attention à la posture qu’on offre au public, au fait d’être ouvert vers le public, sous peine de ne pas être bien entendu de lui. Et la mise en scène du spectacle fait que chaque position est millimétrée: avant-scène, côté cour, côté jardin. Le choix de la position donne du sens au texte, mais surtout fait partie de l’échange que l’on a avec nos partenaires, et on ne peut se permettre d’être mal placé.
Rythme des répliques : probablement était-ce du au style de la pièce, mais la capacité à coller ses répliques est à travailler. C’est un aspect que l’on ne souligne pas forcément suffisamment en impro, puisque justement on ne sait pas quand une réplique est finie ou non.
Personnages et jeu d’acteur : doit-on jouer un personnage, quitte à sur-jouer, ou doit-on se limiter à « faire vrai » ? J’ai l’impression que beaucoup approchent le texte et le personnage en se demandant: comment faire pour que ça « sonne vrai » ? La réponse la plus évidente, que j’avais tendance à partager, est « en étant naturel » c’est à dire, en étant soi-même, mais légèrement différent. Cependant, et c’est peut-être dû au fait que la pièce était un boulevard, j’ai trouvé que les meilleures prestations étaient celles des acteurs qui se lâchaient et théâtralisaient. En tout cas, à partir du moment où le texte était acquis, l’acteur pouvait faire des choix et commencer à « jouer » avec son personnage, ouvrant toute une nouvelle dimension à certaines scènes.
Souci des détails, des costumes, de l’organisation, des décors : les décors et costumes aident à entrer dans la pièce. Mais surtout, ils rendent les choses concrètes, tangibles. Encore une fois, cela renforce l’importance du texte par rapport à l’impro, où le décor et les accessoires, absents, font que n’importe quel texte peut-être joué. Cela renforce la théâtralité et l’engagement des acteurs par rapport à la pièce. Cela crédibilise la pièce pour le public. L’unité de lieu, qui peut s’expliquer par des critères pratiques (on ne peut changer de décor en permanence), tient aussi simplement du bon sens : le public s’appropriera plus l’intrigue et les personnages s’il n’a pas à faire un effort pour voir le décor ou pour intégrer les changements de décors. L’unité de lieu gagnerait à être exploitée en impro, où l’on abuse des changements de décors (« Pendant ce temps là, dans le château… ») comme d’un mécanisme pour redynamiser une scène.
Importance des personnages secondaires : les personnages secondaires apportent de l’information, et permettent de le faire d’une manière relativement naturelle, tout en donnant du répit aux acteurs jouant les personnages principaux et au rythme de la pièce. J’ai tendance à ne vouloir monter qu’en rôle principal, je dois m’entrainer à monter plus souvent en personnage secondaire tout en contribuant.
Mais j’ai identifié également un certain nombre d’avantages que la pratique de l’improvisation théâtrale m’a donné par rapport à mes collègues non improvisateurs, et qui pourront probablement être mis à profit par des non pratiquants :
Complicité et présence : en tant qu’improvisateur, j’ai tendance à regarder naturellement mon partenaire dans les yeux. J’ai aussi tendance à rester toujours à l’affut, alors que j’ai vu à plusieurs reprises (y compris sur d’autres pièces) des acteurs se figer lorsqu’ils n’avaient plus de répliques. En tant qu’improvisateur, j’ai aussi pu mieux gérer les imprévus (musique qui ne démarre pas, mauvaise réplique, entrée tardive d’un partenaire…).
Écoute : en improvisation, je fais naturellement attention à ne pas parler en même temps mes partenaires. Et malgré le texte, c’est quelque chose qui arrivait fréquemment. Ou alors, les bruits parasites causés par un acteur qui n’a pas de réplique mais qui était sur scène. Ou les dos au public. Ou les blocages visuels d’autres comédiens. Mais surtout, un des avantages de l’improvisation, c’est que nous apprenons à gérer le timing de nos répliques et la réaction du public qu’il faut prendre en compte avant de lancer la suivante, qui serait bien inaudible sous les rires, là où l’acteur s’entraine des mois durant à coller ses répliques et fait bien attention de n’en rater aucune, développant ainsi le réflexe de ne pas forcément prendre en compte la réaction du public. De même, après des heures de travail sur une scène, les réactions ne sont pas forcément là où on les attend, alors que je les anticipe souvent d’une demi-seconde en impro. En tout cas, j’ai le réflexe de les prendre en compte.
Mise en scène : l’appropriation du texte et la mise en scène prennent tellement de temps qu’on ne prend pas le temps de travailler, de s’interroger sur l’objectif de chaque scène, de chaque réplique. Alors qu’en improvisation, le but de chaque réplique est quelque chose que nous apprenons à intégrer puisque nous sommes auteur à chaque instant.
Gestion de troupe : peut-être est-ce du à cette pièce en particulier, mais je trouve que le metteur en scène a un rôle bien plus hégémonique que son équivalent en impro. Probablement est-ce du à la contribution des improvisateurs au texte de leurs scènes. Quoiqu’il en soit, cela peut priver le metteur en scène d’un feedback constructif.
Relation au texte : j’ai l’impression de mieux «exploiter» mes répliques, je prend le temps de les poser. Peut-être est-ce du à mon petit rôle, ne voulant pas en perdre une miette? Peut-être est-ce du à l’épuisement des autres acteurs qui avaient plus de textes et qui parfois donnaient l’impression de se « débarrasser » du texte en répétition? En tout cas, je sais que je n’ai pas peur du silence, ce qui a pu rendre ma prestation plus vivante, alors que mes partenaires acteurs semblaient souvent de « rattacher » à leur texte.
J’ai pensé à plusieurs exercices d’improvisation pour aider les acteurs à développer les réflexes utiles de l’improvisateur dans leur travail :
Touch to talk, Parler en chiffres : deux exercices qui permettent de remettre l’importance sur le non-verbal;
Variations sur un texte : pour découvrir les possibilités d’interprétation d’un texte, même très simple;
Word at the time, What come next : pour comprendre le but « narratif » de chaque réplique, de chaque action;
Fast food Stanislavski, Statuts : pour développer des capacités simples de jeu d’acteur, et de présence;
Give and take : pour apprendre à partager la scène et le focus.
De cette expérience, je retiens surtout le temps nécessaire pour commencer à s’amuser, qui dans notre cas a pu prendre deux ou trois mois avec une répétition par semaine. Mais le déclic, lorsqu’il a lieu est fort, et je n’ai rien ressenti d’équivalent en impro. Et la représentation de la première relâche une telle tension que c’en est vraiment jouissif.
Je retiens également qu’il s’agit de beaucoup de travail pour un résultat éphémère: quelques représentations à peine. J’aimerais connaître l’expérience d’un spectacle avec des représentations régulières. J’aimerais également essayer de jouer un rôle principal.
En somme, ce fut une belle expérience, riche en enseignements et en perspectives de travail. Je le recommande à tout improvisateur. Ce serait avec plaisir que je tenterais de nouveau l’aventure d’une pièce écrite. Je pense même qu’il s’agit d’une nécessité.
Un grand souvenir restera quand même l’appel à la prière pendant la représentation en plein air, alors que la pièce est sensée se passer dans un petit village bien franchouillard. Qu’à cela ne tienne, il faut que j’aille au delà du folklore et je vais essayer pour les mois qui me restent ici de m’intéresser et surtout de pratiquer le théâtre ou toute autre forme d’art vivant avec des artistes maliens ! A suivre…
J’ai vu Inglourious Basterds ce soir. Le film est génial, jouissif, intelligent, ultra-violent, bien construit. La Palme d’interprétation masculine obtenue à Cannes par Christoph Waltz est largement méritée…
Par contre, là où tous les autres acteurs se font plaisir en jouant à fond leurs stéréotypes déjantés, j’ai trouvé le jeu des français (en particulier Mélanie Laurent) “pseudo-réaliste” complètement décalé et à côté de la plaque. Je dis “pseudo-réaliste” car j’ai l’impression que l’actrice voulait donner un côté “vrai” à son personnage, notamment en “parlant dans mon personnage comme je parle dans ma vie de tous les jours”, ce qui fait un peu… AB Productions (désolé). Dans ses scènes, j’avais l’impression de voir une parisienne de 2009, pas une juive pétrie de vengeance de 1941.
Avec en face, un Brad Pitt qui s’éclate à jouer un capitaine du Tennessee à l’accent à couper au couteau complètement taré. Ou un Christoph Waltz qui joue un SS machiavélique. Ou un Mike Myers en colonel britannique super sophistiqué. Ou un Hitler hyper colérique. Bref, des personnages un minimum marqués, sans pour autant être des armures inamovibles. Encore une fois, par comparaison, j’ai l’impression que les français se prennent… trop au sérieux.
Cependant, à la décharge de Mélanie Laurent, dans le cadre de ce film, je me dis que cette performance pouvait se comprendre.
Par contraste, ce jeu très “intellectuel” de Mélanie Laurent met en valeur celui des autres. En particulier dans la scène du restaurant où Shosanna rencontre Landa, où l’on se gausse du SS maniéré et impitoyable. Pour reprendre le vocabulaire des improvisateurs, Mélanie Laurent est dans cette scène un bon passager.
Peut-être que Tarantino voulait que le jeu “réaliste” du personnage de Shosanna permette au spectateur de s’identifier? Ou qu’il apporte une “caution émotionnelle” qui “justifie” toute la violence? C’est ce qu’il semble dire ici:
Quentin Tarantino : Dans ma première version, j’imaginais Shosanna en Jeanne d’Arc juive. Elle était bien plus bad ass, elle balançait des cocktails Molotov et tirait à la carabine sur les camions nazis, elle s’échappait par les toits. Finalement, j’ai transféré ce personnage sur la Mariée de Kill Bill, donc à la réécriture, ils étaient trop semblables. J’ai fait de Shosanna un personnage plus réaliste. C’est une survivante, pas une bad ass. Mais dans le petit film qu’elle tourne pour présenter son attentat au cinéma, elle apparaît en gros plan sur l’écran, les flammes lui lèchent le visage, l’image de Jeanne d’Arc est restée. En même temps c’est le diable, Big Brother…
Enfin, le film est un vrai festival avec une farandole d’acteurs de nationalités différentes. Tout le monde s’éclate et se fait plaisir, et c’est agréable de voir différents jeux d’acteurs, bref de voir de la variété. Le jeu de la française peut alors plaire à un public étranger qui y trouvera un certain “exotisme” participant de cette diversité.
Est-ce que je suis trop dur avec Mélanie? Je ne sais pas…
Bref. Je ne retirerai rien au film, je le trouve parfait narrativement. Il est de plus saupoudré de scènes mémorables, physiquement et verbalement délicieuses. Il gère ainsi un très bon équilibre entre narration (faire avancer l’action) et jeu de scène (profiter du moment, jouer avec une situation, une différence de statut, etc…).
I’ve grown a lot since then. For one thing I’ve come to feel that maybe we shouldn’t be going to improv shows to watch the performers jump through hoops. Is that what improv is about? An audience comes in to try and stump the performers? It certainly happens here at iO, a usually drunk patron will yell out a weird or lewd suggestion with a subtext of “do something with that, smarty pants!” Here’s something funny. Those stumper suggestions rarely stump the teams that get them. I’d go so far as to say that there are no bad suggestion. For one thing we shouldn’t be giving the suggestion that much power. What kind of players are we if the success or failure of our show teeters on the suggestion? We can be so fast to blame a suggestion for a bad show. So if it has enough power to ruin our shows shouldn’t we be giving it all the credit for our good shows? Secondly, if we want improv to be more than players jumping through the audience’s hoops we’ve got to break their expectations. We have to transcend the suggestion.
From Bill Arnett at iO.
Also, why not take no suggestion at all?